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Tunisie : Brutalités policières lors de manifestations

Il faut enquêter sur les abus commis par la police et cesser les poursuites judiciaires pour de simples critiques visant le gouvernement

(Tunis) – Dans ses efforts pour étouffer le mouvement de protestation sociale qui s'est emparé de la majeure partie de la Tunisie durant le mois de janvier 2018, la police a parfois passé à tabac les personnes arrêtées et leur a dénié le droit d'être assistées d'un avocat conformément à la loi tunisienne, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui. Elle a également arrêté des personnes pour avoir distribué des tracts qui critiquaient en termes pacifiques la politique du gouvernement et demandaient davantage de justice sociale.

Des policiers tirent des gaz lacrymogènes en direction de personnes participant à une manifestation contre la hausse de prix de biens de consommation et les augmentations d'impôts, à Tunis, le 10 janvier 2018. © 2018 Reuters

Les autorités tunisiennes devraient enquêter sur les allégations de mauvais traitements de manifestants par la police et abandonner les poursuites contre quiconque a été inculpé uniquement pour avoir exercé pacifiquement son droit de réunion ou d'expression.

« Les autorités tunisiennes sont évidemment en droit d'empêcher les actes criminels lors de manifestations et de poursuivre en justice leurs auteurs, mais pas en recourant aux brutalités ou en refusant un accès à des avocats; et elles ne devraient pas non plus réprimer l'exercice des droits aux libertés de réunion et d'expression », a déclaré Amna Guellali, directrice du bureau de Tunis de Human Rights Watch.

Les manifestations ont commencé de manière sporadique le 4 janvier et se sont rapidement étendues à plusieurs villes à travers la Tunisie, à la suite de l'adoption par le Parlement du Budget de l'État, qui augmentait les impôts et instaurait des mesures d'austérité afin de réduire les dépenses publiques. Certaines manifestations ont rapidement dégénéré en confrontations avec la police, accompagnées d'actes de vandalisme, d'incendies de bâtiments publics et de pillages. Les manifestations se sont atténuées depuis le 15 janvier.

Le colonel Khelifa Chibani, porte-parole du ministère de l'Intérieur, a déclaré le 13 janvier que les autorités avaient arrêté plus de 930 personnes, qui font l'objet de diverses accusations, notamment de pillage, de destruction de biens publics, d'incendie volontaire et d'érection de barrages routiers. Une personne est morte à Tebourba, à 35 kilomètres à l'ouest de Tunis, dans des circonstances qui sont contestées. Le colonel Chibani a affirmé que plus de 50 agents de police avaient été blessés lors des manifestations.

Human Rights Watch s'est entretenu avec huit membres de Fech Nestanew (« Qu’attendons-nous ? »), un mouvement de jeunesse qui s'oppose aux mesures d'austérité du gouvernement, et avec d'autres activistes dans diverses villes qui ont été détenus et interrogés par la police. Human Rights Watch s'est également entretenu avec les familles de cinq membres d'un groupe de 23 personnes arrêtées à Tebourba en rapport avec les manifestations, ainsi qu'avec la famille de Khomsi Yeferni, le manifestant décédé.

Dans de nombreux cas lors de la vague de manifestations, les autorités ont respecté les droits aux libertés de réunion et d'expression pacifiques. Les 12 et 14 janvier, par exemple, Human Rights Watch a observé le comportement de la police anti-émeutes à Tunis. En dépit d'une certaine tension avec des manifestants sur l'avenue Habib Bourguiba dans le centre de la ville, la police n'a pas empêché les manifestants de défiler en scandant des slogans anti-governmentaux ou en brandissant des affiches critiques du président et du Premier ministre.

Mais dans d'autres cas, les autorités ont réprimé les manifestations en arrêtant des participants. Dans certains cas, des témoins ont affirmé que les autorités avaient violé les droits des personnes arrêtées en recourant contre elles à la violence physique ou en leur déniant l'accès à un avocat.

Les autorités ont arrêté au moins 50 activistes de Fech Nestanew, pour avoir soit distribué des tracts, soit griffonné des slogans sur les murs. La police a interrogé certains des distributeurs de tracts pendant des heures, avant de les libérer sans inculpation ou de les transférer devant un procureur pour une éventuelle inculpation. Au moins huit d'entre eux doivent passer en jugement pour « distribution de matériel portant atteinte à l'ordre public. » Human Rights Watch a examiné les tracts, qui contenaient des critiques pacifiques des politiques du gouvernement et des appels à la justice sociale. Les poursuites pour une distribution de tracts qui n'était que l'exercice du droit à la liberté d'expression pacifique, comme celle de critiquer les politiques du gouvernement, devraient être abandonnées car elles sont incompatibles avec l'obligation de la Tunisie de respecter la liberté d'expression.

Yeferni, un chômeur de 41 ans, est mort pendant les manifestations à Tebourba le 8 janvier. Les autorités ont affirmé qu'il était atteint d'une maladie respiratoire chronique et était mort d'asphyxie après avoir inhalé des gaz lacrymogènes. Cependant, des entretiens avec des témoins et des images vidéo laissent penser qu'il a été heurté par une voiture de police.

Selon les médias, les autorités ont annoncé l'ouverture d'une enquête sur sa mort. Une telle enquête devrait être menée sans retard. Elle doit être impartiale, inclure des interrogations de témoins et mener à faire rendre des comptes à tout agent du gouvernement dont il serait prouvé qu'il a contribué à la mort de Yeferni soit délibérément, soit par un acte de négligence criminelle, a affirmé Human Rights Watch. Des enquêtes similaires devraient être menées sur toutes les allégations de mauvais traitement physique de détenus.

Human Rights Watch a étudié les conditions dans lesquelles les 23 jeunes hommes de Tebourba ont été arrêtés, interrogeant les familles de cinq d'entre eux, examinant les procès-verbaux de police dans 10 de ces cas, et observant leur procès le 18 janvier. Les familles, ainsi que les prévenus lors de leur comparution devant le tribunal, ont affirmé que la police s'était emparée des 23 hommes lors de raids nocturnes à leurs domiciles les 9 et 13 janvier, les avait maltraités lors de leur interpellation et de leur interrogatoire, les avait forcés à faire des aveux et leur avait refusé d'importants droit procéduraux, tels que celui d'être assisté d'un avocat lorsqu'on est aux mains de la police. Un juge du Tribunal de première instance de Manouba les a acquittés le 23 janvier et a ordonné leur remise en liberté.

« La documentation que nous avons faite sur les allégations d'abus commis à Tebourba donne l'impression d'une tendance inquiétante », a affirmé Amna Guellali. « Seule une enquête impartiale et indépendante peut établir si le comportement de la police a été inhabituel ou si le schéma observé à Tebourba est en fait plus généralisé. »

Informations complémentaires

Manifestations contre la loi budgétaire

La Loi de finances tunisienne pour 2018, adoptée par le Parlement le 10 décembre 2017, est entrée en vigueur le 1er janvier. Ce dispositif budgétaire de 36 milliards de dinars (14,75 milliards de dollars) est officiellement destiné à réduire le déficit public du pays. La loi prévoit des hausses d'impôts qui vont rendre plus chers pour le Tunisien moyen des produits de base tels que l'essence, la nourriture, les cartes de téléphone, le logement et les médicaments.

Les manifestations ont commencé de manière sporadique le 4 janvier et se sont rapidement étendues à plus de 20 villes à travers le pays, connaissant une escalade après que Yeferni, un manifestant, eut été tué à Tebourba le 8 janvier. Elles sont devenues violentes dans certains lieux, notamment dans les quartiers les plus pauvres de la capitale et dans des villes désavantagées économiquement à l'intérieur du pays, où des groupes de jeunes hommes se sont affrontés, en général la nuit, avec les forces de sécurité.

Allégations de mauvais traitements lors d'arrestation

Le gouvernement a affirmé aux médias, le 15 janvier, que ses forces de sécurité avaient arrêté 930 personnes impliquées dans des actes de violence tels que la destruction de biens publics ou privés, l'incendie de voitures, l'érection de barrages routiers et le vol.

Human Rights Watch a examiné les conditions dans lesquelles ont eu lieu les arrestations de 23 jeunes hommes de Tebourba. L'organisation s'est entretenue avec des membres des familles de cinq de ces hommes, a étudié les procès-verbaux de police concernant 10 d'entre eux et a observé le procès collectif des 23 le 18 janvier.

Les procès-verbaux et les éléments d'information donnés par les membres des familles laissent penser que ces hommes ont tous été arrêtés lors de raids nocturnes à leurs domiciles les 9 et 13 janvier. Selon les membres des familles, les policiers auraient frappé certains des appréhendés à coups de matraque lors de l'arrestation devant leurs familles, et lors de leur interrogatoire.

Plusieurs de ces hommes ont affirmé au juge, lors de leur procès, que la police les avait frappés pour les forcer à signer des aveux, dans certains cas sans même pouvoir les lire. Un procureur de la République les a inculpés de complot criminel visant à commettre des attentats contre des personnes et des biens, de jet d'objets dangereux dans une propriété privée et d'obstruction de la circulation sur la voie publique, en vertu des articles 131, 320 et 321 du code pénal.

Un juge du Tribunal de première instance de Manouba les a tous acquittés le 23 janvier et a ordonné leur remise en liberté.

Samir Nefzi, 27 ans, ouvrier du bâtiment, a déclaré à Human Rights Watch que le 13 janvier, vers 01h00 du matin, il dormait chez lui lorsqu'une vingtaine de policiers en uniforme ont enfoncé la porte d'entrée de la maison et sont entrés. Ils l'ont traîné, ainsi que ses trois frères, hors de leurs chambres, les ont frappés à coups de matraque et les ont fait monter de force dans un véhicule de police. Il a affirmé que les policiers les avaient emmenés au poste de police du district, les avaient fait s'agenouiller et les avaient de nouveau passés à tabac.

Il a ajouté que la police l'avait remis en liberté, ainsi que deux de ses frères, à 04h00 du matin mais qu'elle avait gardé un de ses frères. Il a précisé que les policiers ne lui avaient pas dit pourquoi ils l'arrêtaient ou qu'il avait le droit d'appeler un avocat.

Son frère, Mohamed Amin Nefzi, a passé la nuit au poste de police de district à Tebourba. La police l'a transféré à Tunis le lendemain. Le 16 janvier, un procureur a ordonné sa mise en détention préventive à la prison de Mornaguia. Le tribunal l'a acquitté et libéré le 23 janvier.

Dalila Aouadi, 55 ans, a déclaré que le 13 janvier à 02h00 du matin, alors qu'elle dormait, elle a entendu frapper fort contre la porte, puis le bruit de la porte qu'on enfonçait. Elle s'est retrouvée face à des policiers en uniforme noir qui frappaient un de ses fils à coups de matraque. Quand elle a tenté d'intervenir, l'un des policiers l'a repoussée et s'est mis à la frapper à coups de matraque sur les cuisses. Elle a montré à Human Rights Watch d'importantes ecchymoses sur sa cuisse gauche, pouvant correspondre à des traces de coups.

Elle a indiqué que les policiers étaient allés de chambre en chambre et avaient poussé ses quatre fils, qui étaient en sous-vêtements et pieds nus, dehors dans le froid et les avaient fait monter de force dans une fourgonnette de police. Elle a ajouté que la police avait libéré trois de ses fils à 04h00 mais avait gardé le quatrième, Imed Nefzi, 27 ans, chômeur, et l'avait transféré le lendemain au centre de détention de Bouchoucha à Tunis.

Elle a indiqué qu'elle avait rendu visite à son fils le 15 janvier et qu'il avait un œil tuméfié et boîtait. Il lui a dit que les policiers l'avaient frappé au poste de police du district, pour le contraindre à avouer le crime de pillage. Le Tribunal de première instance de Manouba l'a acquitté de tous les chefs d'accusation le 23 janvier.

Asma Dridi, 28 ans, sœur de Mohamed Ali Dridi, un autre homme arrêté le 13 janvier, a déclaré à Human Rights Watch que vers 02h00, elle avait entendu frapper très fort contre la porte, puis avait entendu la police enfoncer la porte. Les policiers, qui étaient en uniforme noir, ont crié à sa mère : « Où est votre fils? »

Puis, a-t-elle dit, ils sont allés dans la chambre de son frère, l'ont fait sortir de force en le frappant à coups de matraque sur la tête et dans le dos et l'ont fait monter dans un fourgon de police. Quand la famille est allée au poste du district, les policiers ne leur ont pas permis de le voir et ne leur ont pas dit les raisons de son arrestation. Dridi n'a pas revu son frère avant le 17 janvier, lorsqu'elle lui a rendu visite à la prison de Mornaguia. Elle a affirmé qu'il avait de nombreuses ecchymoses sur le dos et que son visage était tuméfié. Il lui a dit que les policiers l'avaient frappé cette nuit-là au poste de police du district, ainsi que d'autres prisonniers, et lors de son interrogatoire et qu'à la fin, ils lui avaient fait signer des documents sans même qu'il puisse les lire. Il fait partie de ceux qui ont été acquittés de tous les chefs d'accusation par le Tribunal de première instance de Manouba.

La Ligue tunisienne des Droits de l'homme a rendu visite aux 23 suspects dont Human Rights Watch a étudié les cas à la prison de Mornaguia le 17 janvier. Dans son rapport, cette organisation tunisienne a affirmé que la plupart présentaient des traces de coups sur diverses parties du corps. La Ligue a décrit des blessures parmi lesquelles des traces de coups à la tête, des yeux tuméfiés et des nez fracturés. Le médecin qui accompagnait la délégation a également indiqué que 13 des 23 hommes portaient des traces de coups et des ecchymoses qui, selon lui, corroboraient des allégations de mauvais traitements.

Lors de leur procès devant le Tribunal de première instance de Manouba, les 23 suspects ont déclaré au juge, l'un après l'autre, que la police de Tebourba les avait passés à tabac. Plusieurs ont également affirmé qu'on ne leur avait pas donné accès à un avocat, malgré leur demande explicite, en violation du code de procédure pénale tunisien, qui fait obligation à la police d'appeler un avocat si un suspect le demande. Le juge a acquitté le groupe de tous les chefs d'accusation.

Allégations de meurtre d'un manifestant

Yeferni est mort dans la nuit du 8 janvier à Tebourba, alors qu'il participait à une manifestation anti-gouvernementale. Des manifestants ont affirmé à Human Rights Watch qu'une voiture de police l'avait renversé, puis était passée sur son corps, et une vidéo qui montre apparemment l'incident a été publiée sur Facebook. Le lendemain, le ministère de l'Intérieur a affirmé que Yeferni était atteint d'une maladie respiratoire chronique et était mort d'asphyxie après avoir respiré des gaz lacrymogènes.

Human Rights Watch s'est entretenu avec des membres de la famille de Yeferni, avec deux personnes qui affirment avoir été témoins de l'incident et a examiné la vidéo qui montre apparemment l'incident, ainsi qu'une autre vidéo montrant le corps après l'autopsie, filmée par la famille. Les vidéos et les récits des témoins laissent penser qu'il existe une forte possibilité qu'une voiture de police ait percuté Yeferni lors d'efforts visant à disperser les manifestants.

Anis Nefzi, 29 ans, a déclaré à Human Rights Watch que le 8 janvier à 21h00, il se tenait dans une rue où des dizaines de manifestants s'étaient rassemblés, criant des slogans anti-gouvernementaux mais sans s'engager dans des actes de violence. Il a affirmé avoir vu une voiture de police se diriger à vive allure vers la foule, dans une tentative apparente de la disperser. Des gens ont alors couru dans toutes les directions, tentant de s'échapper, mais la voiture a heurté une personne.

Il a affirmé que le véhicule de police avait alors immédiatement fait marche arrière en passant sur le corps de la personne tombée à terre, puis s'était éloignée rapidement. Nefzi s'est approché et a reconnu la victime comme étant Yeferni. Il a indiqué que Yeferni n'a pas réagi aux tentatives de réanimation cardio-pulmonaire effectuées par des personnes sur place. Il était immobile et semblait avoir le dos enfoncé du côté gauche. Une ambulance est arrivée une demi-heure plus tard pour le transporter à l'hôpital, a ajouté Nefzi.

Anis Mabrouki, arrivé sur place quelques minutes après l'incident, a déclaré avoir vu de nombreuses marques rouges sur le corps de Yeferni, et que son dos semblait brisé. Il a ajouté avoir vu des personnes se rassembler et certaines tenter de le ranimer.

La vidéo que Human Rights Watch a visionnée montre une voiture de police se diriger à vive allure dans une direction, puis retentit le bruit d'une collision avec quelque chose et on voit le véhicule de police faire marche arrière et finalement s'éloigner. La vidéo montre des dizaines de personnes qui courent vers le lieu de l'incident, où un corps est allongé à plat ventre sur le sol.

Mohamed Yeferni, le frère de Khomsi, a montré à Human Rights Watch une vidéo du cadavre après l'autopsie. Elle montre d'importantes ecchymoses sur le côté gauche du dos qui semble corroborer les descriptions faites par les témoins.

Mohamed Yeferni a déclaré à Human Rights Watch le 17 janvier que la famille n'avait pas encore reçu le rapport du médecin légiste de l'hôpital Charles Nicolle de Tunis qui a effectué l'autopsie.

Arrestation liée à des articles de blog et à la distribution de tracts

La police de Sidi Bouzid, une ville de l'intérieur du pays, lieu de naissance du soulèvement populaire tunisien qui avait démarré en décembre 2010, a arrêté Kais Bouazizi, le blogueur, le 15 janvier en raison d'articles publiés par lui sur Facebook dans lesquels il appelait les gens à sortir dans les rues pour manifester contre la politique économique du gouvernement. Il a passé une nuit en garde à vue au poste de police, puis a comparu le lendemain devant le Tribunal de première instance de Sidi Bouzid. Un procureur l'a inculpé en vertu de l'article 121 ter du code pénal, qui pénalise le fait de distribuer des contenus « de nature à nuire à l'ordre public ou aux bonnes mœurs ».

L'avocat de Bouazizi, Moez Salhi, a indiqué que l'accusation se basait sur deux articles parus sur Facebook les 8 et 9 janvier. Human Rights Watch a consulté ces articles. Dans le premier, Bouazizi écrivait : « Croient-ils que la révolution consiste à lancer des roses et à agiter le drapeau blanc ? Non, gens stupides, la révolution c'est le chaos. »

Dans le deuxième, il écrivait : « La Tunisie a emboîté le pas à la révolution française, quand les pauvres se sont révoltés contre l'Assemblée générale... maintenant, ce qui va suivre c'est la troisième phase de la révolution, qu'on a appelée la ' terreur blanche ', avec les procès révolutionnaires et les exécutions sur les places publiques. »

Bouazizi a passé une semaine en prison dans l'attente de son procès. Le Tribunal de première instance de Sidi Bouzid l'a acquitté et remis en liberté le 23 janvier.

La police a arrêté Ahmed Sassi, un professeur de philosophie membre du mouvement Fech Nestanew, le 11 janvier vers 22h00. Il a déclaré à Human Rights Watch qu'il était chez lui en compagnie de ses parents à Kabaryia, un quartier de Tunis, quand la police a tiré des cartouches de gaz lacrymogène à proximité de son domicile. Voulant s'aérer, il est sorti.

Sassi a vu une dizaine de policiers et, inquiet pour la santé de son père qui est asthmatique, leur a demandé de cesser d'utiliser du gaz lacrymogène si près des habitations. Il a affirmé qu'ils l'avaient alors immédiatement saisi, insulté et forcé à monter dans un fourgon de police. Ils l'ont emmené au poste de police de Jbel Jloud, avec d'autres personnes qu'ils avaient arrêtées, dont de nombreux jeunes. Il a ajouté qu'ils l'avaient interrogé sans lui donner la possibilité d'appeler sa famille ou un avocat.

Une amie de Sassi, Manel Chlibi, a déclaré à Human Rights Watch qu'en apprenant la nouvelle de son arrestation, elle s'était rendue, en compagnie du père de Sassi, dans trois postes de police du quartier, où on leur a assuré qu'il ne se trouvait pas. Ce n'est que le lendemain matin qu'ils ont retrouvé Sassi au poste de police de Jbel Jloud. Le même jour, il a comparu devant le tribunal de première instance de Sijoumi. L'un de ses avocats, Oussema Helal, a déclaré à Human Rights Watch que le procès-verbal de police affirmait que Sassi avait renoncé à son droit à être assisté d'un avocat.

Le juge d'instruction a décidé d'ouvrir une enquête sur la base d'accusations de complot en vue de commettre des attentats contre des personnes et des biens, de jet d'objets dangereux dans une propriété privée et d'obstruction de la circulation sur la voie publique, en vertu des articles 131, 320 et 321 du code pénal. Le juge a remis Sassi en liberté provisoire dans l'attente de la suite de l'enquête. La date de son procès n'est pas encore connue.

Dorsaf Bouguerra, qui est sans emploi, a déclaré qu'elle s'était rendue le 10 janvier au marché municipal de la ville de Monastir avec deux autres membres de Fech Nestanew, afin de distribuer des tracts. Human Rights Watch a examiné les tracts et constaté qu'ils réclamaient l'annulation de la Loi budgétaire, la révision du Code des impôts et des réformes pour améliorer la justice sociale mais ne contenaient pas d'incitation à la violence.

À 11h00, des policiers en civil se sont approchés d'eux, ont saisi leurs tracts et leur ont ordonné de les suivre jusqu'au poste de police. Elle a affirmé que la police les avait interrogés pendant trois heures, séparément, avaient confisqué leurs téléphones et ne leur avait pas permis d'appeler leur famille ou un avocat. Les policiers les ont déférés devant un procureur, qui les a inculpés de « distribution de matériel de nature à nuire à l'ordre public » et les a remis en liberté provisoire dans l'attente de leur procès, prévu pour le 31 janvier.

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