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Un habitant du quartier de Paris-Congo à Alindao, dans la province de Basse-Kotto en République centrafricaine, et ses enfants, dans le camp pour personnes déplacées situé dans cette ville, le 27 août 2017.  © 2017 Lewis Mudge/Human Rights Watch

En 2014, au moment où la République centrafricaine était au cœur des préoccupations de la communauté internationale, l’ONU a déployé des casques bleus qui ont pris la relève d’une mission de l’Union africaine pour prévenir une catastrophe humanitaire et des violations massives des droits humains. La MINUSCA, nom donné à cette mission onusienne, a permis d’éviter le pire et a facilité le processus électoral en 2016.

Cependant, trois ans après son déploiement, la mission peine toujours à maintenir la sécurité dans le pays et a besoin de renforts. Il y a aujourd’hui plus d’une dizaine de groupes armés qui sillonnent le pays en se livrant à toutes sortes d’abus. Les attaques contre les civils, parfois motivées par le sectarisme, sont en hausse dans les provinces orientales, en toute impunité. Depuis 2014, 73 membres de la MINUSCA ont été tués.

Pire encore, sans être parties au conflit, les civils continuent d’être visés partout par la violence. Plus d’un million de Centrafricains, soit un habitant sur cinq, ont été contraint au déplacement à l’intérieur même du pays ou se sont réfugiés à l’étranger. Des milliers d’entre eux vivent dans des campements de fortune, privés de leurs moyens de subsistance et d’accès à la nourriture, à l’eau ou aux soins de santé.

Dans le même temps, la violence et l’insécurité croissante restreignent l’accès à l’aide pour les personnes les plus touchées. La République centrafricaine est l’un des pays les plus dangereux au monde pour les humanitaires. Dans de nombreuses parties du pays, ces personnels risquent leur vie rien qu’en prenant la route. Depuis le début de l’année, 232 incidents sécuritaires impliquant des organisations non gouvernementales ont été signalés, ce qui a pour résultat de limiter considérablement leur champ d’action. Des villes entières sont maintenant privées de toute aide car les ONG, qui sont bien souvent les seules à fournir les services de base, n’y ont pas accès.

Face à cette violence quotidienne, la MINUSCA est débordée.

Le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, a reconnu ces difficultés lorsqu’il a demandé, le 18 octobre, « d’augmenter de 900 personnes l’effectif militaire de la Mission » pour « accroître la capacité de la force à peser favorablement sur les conditions de sécurité » au lieu de « seulement réagir » lorsque qu’elles se détériorent. Des troupes bien équipées pourraient véritablement faire la différence. Nous pouvons témoigner que les casques bleus sont en mesure de sauver des vies lorsqu’ils agissent rapidement et efficacement. En mai dernier, la MINUSCA est parvenue à rétablir la stabilité à Alindao, une ville de la province de Basse-Kotto, après plusieurs jours marqués par d’horribles violences.

Mais de tels exemples sont, hélas, trop rares.

Le Conseil de sécurité, qui se prononce mercredi sur le renouvellement du mandat de la MINUSCA, devrait approuver les troupes supplémentaires. Pour réussir, la mission devra également tirer les leçons de ses échecs et identifier les domaines où elle peut mieux faire.

Tout d’abord, la MINUSCA doit faire de la protection des civils sa priorité essentielle. Placée sour le chapitre VII de la Charte des Nations Unies, la mission est déjà autorisée à protéger la population par tous les moyens nécessaires contre la menace de violences physiques. Après trois ans, les groupes armés continuent à tester la capacité des casques bleus à protéger les civils. Le ressentiment de la population vis-à-vis de la force s’accroît, car les civils constatent trop souvent son impuissance face aux attaques. Certains des résultats positifs obtenus par la mission sont rapidement oubliés lorsque de grandes villes tombent aux mains de groupes armés qui tuent, violent, incidient et pillent à tout va. Il faut envoyer un message clair aux chefs de ces groupes : la MINUSCA va redoubler d’efforts pour protéger les civils.

Des casques bleux mieux équipés pour intervenir seront mieux à même de protéger les civils et, espérons-le, de dissuader les assaillants. Une protection renforcée, cela signifie aussi des routes plus sûres pour la population et les acteurs humanitaires qui se mobilisent pour aider les victimes à reconstruire leurs vies.

La MINUSCA doit aussi plaider pour un soutien durable à la Cour pénale spéciale, une juridiction hybride sans précédent composée de juges et de procureurs nationaux et internationaux, chargés d’enquêter et de lancer des poursuites contre les auteurs de violations graves des droits humains commises dans le pays depuis 2003. Ce tribunal offre une occasion unique de briser les cycles d’impunité qui minent le pays depuis des années.

Les opérations de maintien de la paix de l’ONU sont loin d’être des solutions parfaites. Le bilan de la MINUSCA, et de plusieurs autres missions, est mitigé. Les casques bleus eux-mêmes se sont rendus coupables d’exploitation et d’abus sexuels contre les personnes mêmes qu’ils étaient censés protéger, un fléau auquel le Secrétaire général s’est engagé à mettre fin. Mais en République centrafricaine, la MINUSCA représente encore la meilleure chance de stabiliser le pays, d’apporter un soutien à sa population civile en détresse et d’aider la nation à se reconstruire.

Aujourd’hui, une mission efficace et dotée des personnels suffisants est plus nécessaire que jamais. C’est au Conseil de sécurité de l’ONU de prendre la décision cruciale d’approuver les 900 soldats supplémentaires demandés. Un vote dans ce sens serait un message fort en direction des groupes armés : l’ONU ne se défilera pas en Centrafrique et ne ménagera aucun effort pour sauver les vies des civils.

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