Depuis la création du mandat de l'Expert indépendant en juin 2011, le gouvernement ivoirien a accompli des progrès significatifs en termes de redressement national après plus de dix ans de conflit et d'instabilité politique, ponctués de graves violations des droits humains. Depuis sa sortie de la crise postélectorale de 2010-11, le pays a connu plus de six ans de paix et de stabilité relatives, offrant une occasion pour une amélioration graduelle dans le domaine du respect de l'État de droit et des droits économiques et sociaux.
Toutefois, les mutineries survenues au sein de l'armée cette année en janvier et en mai, lors desquelles des militaires ont pris le contrôle de la deuxième ville du pays et de quartiers entiers dans plusieurs autres villes, ont révélé la fragilité de la paix et de la sécurité en Côte d’Ivoire, et démontré combien il importe de continuer à surveiller la situation des droits humains dans le pays.
Ces mutineries sont symptomatiques des faillites observées de longue date dans les tentatives de réformer le secteur de la sécurité et de mettre fin à la culture de l'impunité qui prévaut au sein de l’armée. L’incapacité du gouvernement à faire rendre des comptes à certains militaires pour des crimes graves, commis notamment lors du conflit armé de 2002-03 et de la crise postélectorale de 2010-11, ainsi que pour une criminalité persistante, des actes d'extorsion de fonds aux points de contrôle routiers et des cas de corruption, a contribué à créer l'impression que l'armée est « au-dessus de la loi ».
Les mutineries, et la peur et l'insécurité qu'elles ont engendrées, devraient alerter le gouvernement ivoirien et ses partenaires internationaux de la nécessité d'intensifier les efforts en vue de professionnaliser les forces de sécurité et de mettre fin à l'impunité. Ceci devrait inclure le renforcement du système de justice militaire et l'amélioration des mécanismes disciplinaires internes. Cela devrait également inclure l'engagement de poursuivre en justice les commandants de haut rang qui sont impliqués dans les atrocités commises lors du conflit armé et de la crise postélectorale, ce qui enverrait un signal selon lequel chaque membre des forces armées est tenu de respecter la loi, quel que soit son grade ou son affiliation politique.
Human Rights Watch est reconnaissante à l'Expert indépendant pour les rapports qu'il a présentés depuis le début de son mandat en 2014. Étant donné la nécessité d'une vigilance soutenue et compte tenu de la décision du Conseil de mettre fin au mandat lors de cette session, la Déclaration présidentielle proposée devrait faire en sorte que la surveillance de la situation en Côte d'Ivoire soit poursuivie par le Haut-Commissariat aux Droits de l'Homme, avec notamment la présentation d'un rapport par le Haut-Commissaire, et devrait faire l’objet d’au moins une consultation informelle ouverte.