(Paris) - Bien que le Conseil Constitutionnel ait jugé que les articles 78-2 alinéa 7 et 78-2-2 conformes à la constitution, les organisations de la plateforme "En finir avec le contrôle au faciès" considèrent que les réserves formulées par les neuf sages confirment l'urgence d’une réforme en profondeur du cadre législatif et des pratiques en matière de contrôle d’identité.
Tandis que les occupants successifs du ministère de l’Intérieur s’échinent, au parlement et dans les instances contentieuses, à en nier l’ampleur, des voix de plus en plus pressantes et nombreuses s’élèvent pour en dénoncer l’existence et les conséquences délétères. À la dénonciation vient s’ajouter une critique désormais répandue des insuffisances législatives qui nourrissent cette pratique discriminatoire, de l’absence de récépissé de contrôle à l’imprécision des critères juridiques autorisant un contrôle.
Après la Commission nationale consultative des droits de l’hommes (CNCDH) qui, le 8 novembre 2016, a recommandé « aux pouvoirs publics d’assurer la traçabilité des opérations de contrôle d’identité », et d’introduire dans le texte encadrant les contrôles d’identité l’exigence d’objectivité des critères pour les justifier,
Après la Cour de cassation, qui le 9 novembre 2016, a confirmé la condamnation de l’Etat pour faute lourde en raison de contrôles d’identité discriminatoires.
Après le Défenseur des droits, qui ajoutant à ses recommandations de 2012 et observations de 2015, publie le 20 janvier 2017 une enquête soulignant l’ampleur et la persistance des contrôles au faciès. Il insiste, par ailleurs, sur « la nécessité de conduire une réflexion partagée sur l’encadrement juridique des contrôles d’identité sur leur efficacité et leurs effets ».
Le Conseil constitutionnel vient de rendre sa décision suite à deux questions prioritaires de constitutionnalité visant notamment l’article 78-2 alinéa 7 et l’article 78-2-2 du code de procédure pénale qui permettent les contrôles d’identité autorisés par réquisition du procureur dans un lieu et un temps déterminés et aux fins de recherches et poursuites d’infractions, quel que soit le comportement de la personne.
Certes, le Conseil constitutionnel a jugé ces dispositions conformes à la Constitution. Mais il a fermement énoncé dans deux réserves d’interprétation que le procureur ne peut retenir des lieux et périodes sans lien avec la recherche des infractions visées dans ses réquisitions, ni autoriser la pratique de contrôles d’identité généralisés dans le temps ou dans l’espace.
Cette décision devrait mettre fin à la pratique actuelle qui voit des procureurs prendre des réquisitions tellement larges et répétées qu’elles constituent une autorisation perpétuelle et sans condition de contrôler les identités des passants, incontestable terreau du contrôle d’identité « au faciès ».
Si les organisations de la plateforme « En finir avec les contrôles au faciès » regrettent que le Conseil constitutionnel ait admis la constitutionnalité de contrôles d’identité décidés sur des critères sans lien avec le comportement de la personne, elles notent avec satisfaction que le Conseil a rappelé que ces contrôles doivent « s’opérer en se fondant exclusivement sur des critères excluant toute discrimination de quelque nature que ce soit entre les personnes ».
La succession de ces décisions, avis et recommandations venant des plus hautes autorités judiciaires, constitutionnelles et consultatives impose aujourd’hui au législateur de réformer en profondeur le droit des contrôles d’identité pour ne les admettre que s’ils sont fondés sur des critères objectifs et effectués dans le seul but de la prévention et de la répression des infractions pénales et imposer la délivrance d’un récépissé de contrôle.
Organisations signataires :
GISTI
Human Rights Watch
Ligue des droits de l'Homme
Maison Communautaire pour un Développement Solidaire
Open Society Justice Initiative
Pazapas
Syndicat des Avocats de France
Syndicat de la Magistrature
#Quoimagueule