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Côte d’Ivoire : Expulsions arbitraires d’habitants de forêts classées

L’agence forestière serait impliquée dans des actes de violence et d’extorsion

Deux jeunes garçons photographiés parmi les décombres de maisons incendiées lors d’une opération d’expulsion menée en janvier 2016 dans la forêt classée de Goin-Débé, en Côte d'Ivoire. © 2016 Human Rights Watch

(Dakar) – Les habitants des forêts classées de Côte d’Ivoire vivent dans la crainte d’expulsions arbitraires, et ont été exposés à des actes d’extorsion et à des violences physiques de la part d’autorités chargées de la conservation des forêts, ont déclaré aujourd’hui Human Rights Watch et le Regroupement des Acteurs Ivoiriens des Droits Humains (RAIDH). Le gouvernement ivoirien devrait mettre un terme aux expulsions forcées, mener des enquêtes et des poursuites pour les violations commises, et introduire une législation qui fournisse aux agriculteurs les protections exigées par le droit international.

La Société de Développement des Forêts (SODEFOR), une agence d’État dépendant du ministère des Eaux et Forêts, expulse régulièrement des agriculteurs sans avertissement préalable, incendiant souvent leurs domiciles et leurs biens au cours du processus. Les agriculteurs sont en outre souvent battus et humiliés pendant les opérations d’expulsion.

« Des familles sont violemment expulsées des terres sur lesquelles elles ont vécu et travaillé pendant des années, et voient tout ce qu’elles possèdent détruit en un instant », a déclaré Jim Wormington, chercheur sur l’Afrique de l’Ouest à Human Rights Watch. « Le manque de surveillance des opérations de la SODEFOR a laissé ces communautés vulnérables aux abus. »


Les 231 forêts classées de la Côte d’Ivoire, des terres de l’État mises de côté pour la conservation, ont été dévastées par la déforestation, et plus de la moitié des quatre millions d’hectares de forêt classée du pays ont été rasés pour devenir des terres agricoles. Dans le cadre de ses efforts pour combattre le changement climatique, annoncés avant la conférence de Paris sur le changement climatique, le gouvernement ivoirien a renouvelé en septembre son intention de restaurer les forêts classées comme partie de son engagement plus large à restituer au moins 20 % de son territoire à la forêt.

Toutefois, si la conservation des forêts peut jouer un rôle important dans la lutte contre le changement climatique, les mesures de protection de l’environnement devraient respecter les droits humains des personnes vivant dans les forêts classées. Le droit international protège en principe toute personne occupant un logement ou des terres contre des expulsions forcées qui ne sont pas précédées d’un avertissement suffisant, ou qui ne respectent pas la dignité et les droits des personnes affectées, qu’elles occupent la terre légalement ou pas.

En mai 2015 et mars 2016, Human Rights Watch et le RAIDH ont mené des missions de recherche d’une durée d’une semaine concernant les forêts classées de Cavally, Goin-Débé et Scio dans l’ouest de la Côte d’Ivoire. Ces forêts, dans lesquelles les plantations de cacao gérées par de petits agriculteurs ont remplacé de vastes étendues de forêts, illustrent le défi auquel est confronté le gouvernement ivoirien dans la protection de l’environnement tout en respectant les droits des agriculteurs.

Human Rights Watch et le RAIDH ont interrogé plus de 85 dirigeants communautaires et syndicaux, des représentants de la SODEFOR, et des agriculteurs, notamment 25 personnes dont les maisons ou les plantations avaient été détruites par la SODEFOR aux cours des opérations d’expulsion s’étendant entre 2014 et 2016.

Aucune des familles expulsées, dont la plupart avaient vécu depuis des années dans l’une des forêts classées, n’avait reçu d’avertissement préalable concernant la date de l’expulsion, comme l’exige le droit international.

Plusieurs personnes interrogées ont montré aux chercheurs les restes calcinés de leurs maisons, leurs possessions noircies toujours visibles à l’intérieur. Les villageois ont affirmé qu’ils n’avaient pas eu la possibilité de récupérer leurs possessions avant que leurs maisons soient incendiées.

« Ma maison se trouvait dans la première cour en entrant dans le campement, et dès que la SODEFOR est arrivée ils ont commencé à mettre le feu aux maisons », a expliqué un agriculteur, qui a précisé que sa maison a été incendiée alors que son nouveau-né dormait à l’intérieur. « Heureusement mon épouse a entendu les tirs et les cris, et elle est revenue en courant à la maison pour sauver l’enfant. La SODEFOR n’avait pas vérifié qui était dans la maison avant d’y mettre le feu. »


Pour les communautés vivant dans les forêts classées, dont la plupart comptent sur leurs terres pour les cultures de rente et vivrières afin de subvenir aux besoins de leurs familles, l’impact de la perte de leurs maisons et de leurs moyens de subsistance de longue date est grave. « Sans notre terre à Goin-Débé, je ne sais pas ce que nous allons faire », a déclaré un agriculteur. « Les personnes que vous voyez aujourd’hui n’ont pratiquement rien à manger…Nous n’avons même pas assez de nourriture pour nous donner l’énergie de travailler. » 

Des dirigeants communautaires et des travailleurs humanitaires ont affirmé que la SODEFOR n’avait pas garanti que les familles qui ont été expulsées, et qui sont incapables de subvenir à leurs besoins, ont accès à une solution de relogement convenable ou à des terres cultivables, comme l’exige le droit international.

De nombreux dirigeants communautaires et agriculteurs ont également affirmé que des agents de la SODEFOR utilisaient régulièrement la menace d’expulsion pour solliciter de l’argent ou autres ‘cadeaux’, y compris du bétail. « Il m’a dit qu’un commandant d’une ville voisine allait venir », a dit un agriculteur, relatant un appel récent d’un officier de la SODEFOR. « Alors j’ai compris que cela voulait dire que la réception que nous leur donnons devrait être plus importante que d’habitude. » 

Un agriculteur a indiqué qu’il avait versé 75 000 francs CFA (125 US$) à un agent de la SODEFOR en février 2015 pour épargner sa plantation pendant une opération d’expulsion. Mais quand la SODEFOR est revenue en décembre 2015 il n’était pas dans sa plantation, et il n’avait pas pu faire le paiement nécessaire pour protéger ses récoltes. « J’ai perdu 18 hectares qui ont été soit brûlés soit détruits », a-t-il dit. « Je n’étais pas là pour les persuader de ne pas le faire. »

Les agriculteurs qui omettent de donner de l’argent aux agents de la SODEFOR risquent également d’être arrêtés et de faire l’objet de poursuite. Le code forestier de la Côte d’Ivoire pénalise l’agriculture en forêt classée sans approbation préalable, et la SODEFOR arrête et place souvent en détentions les agriculteurs au cours des opérations d’expulsion.

Des dirigeants communautaires ont toutefois indiqué à Human Rights Watch que l’engagement ou non de poursuites à l’encontre des agriculteurs dépend fréquemment de leur capacité à payer les agents de la SODEFOR pour obtenir leur libération. Un acheteur de cacao a déclaré qu’après avoir été arrêté à Goin-Débé, les agents de la SODEFOR lui ont dit : « Donne ce que tu peux et on te laissera tranquille. » Il leur a donné 200 000 francs CFA (334 US$) et a été relâché.

Human Rights Watch et le RAIDH ont également documenté plusieurs incidents où les opérations d’expulsion se sont accompagnées de violences contre les agriculteurs arrêtés ou détenus par la SODEFOR. Trois agriculteurs ont expliqué que des agents de la SODEFOR, à leur arrivée dans leur village en janvier 2016, les avaient forcés, ainsi que plus d’une dizaine d’autres jeunes hommes, à s’allonger sur le ventre, puis les avaient frappés sur le dos et les fesses à coups de bâtons, de ceintures et du plat de machettes.

Les agriculteurs ont ensuite été conduits par la SODEFOR jusqu’à une ville voisine, où les agents de la SODEFOR ont dit à l’un des détenus de faire semblant de tourner une vidéo pendant que d’autres prisonniers étaient battus. « Ils nous ont obligés d’assumer la position de la prière, les genoux pliés et regardant vers l’avant », a expliqué l’un des agriculteurs, qui a dû recevoir des soins pendant trois jours à l’hôpital à la suite des violences. « Ils lui ont dit de tenir un morceau de bois sur l’épaule, comme s’il nous filmait avec une caméra – Je suppose que c’était une façon de nous humilier. »


Pour empêcher de futures violations, le gouvernement ivoirien devrait immédiatement cesser les expulsions forcées, jusqu’à ce qu’il adopte une législation octroyant aux occupants des forêts classées une protection contre les expulsions arbitraires, et il devrait trouver une solution à long terme qui conserve les forêts classées tout en protégeant les droits des habitants. Les agents de la SODEFOR impliqués dans des violences physiques, des actes d’extorsion ou de criminalité devraient faire l’objet d’enquêtes et de poursuites.

« Un arrêt immédiat des expulsions forcées est le seul moyen d’empêcher de nouvelles exactions », a déclaré Bamba Sindou, Coordinateur général du RAIDH. « La Côte d’Ivoire devrait de toute urgence enquêter sur les violations présumées de la part de la SODEFOR et mener des poursuites à l’encontre des agents impliqués dans des actes criminels. »

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Informations complémentaires

Les forêts classées de la Côte d’Ivoire
Depuis le début du 20e siècle, les forêts de Côte d’Ivoire ont été décimées par la déforestation au profit de l’agriculture, une fiche d’information du gouvernement indiquant que la proportion du territoire national couverte par les forêts est passée d’environ 50 % en 1900 à moins de 12 % en 2015. 

Les 231 forêts classées de Côte d’Ivoire, mises en place pour la conservation, ne sont pas épargnées, avec de grandes étendues de forêts remplacées par des plantations de cacao et d'autres produits. Le gouvernement ivoirien, dans des documents de politique du gouvernement consultés par Human Rights Watch, reconnaît que 30 à 40 % de la récolte nationale de cacao de Côte d’Ivoire – ce qui représente 15 à 20% du produit intérieur brut (PIB) – provient des forêts classées.


« Étant donné la vaste étendue de ces forêts, l’ampleur de la destruction est extrême », a déclaré à Human Rights Watch et au RAIDH Jean-Baptiste Kouamé, directeur de l’Unité de Gestion Forestière de la SODEFOR pour Cavally. « À Scio (88 000 hectares), il ne reste plus rien de la forêt, il n’y a que du cacao, ou un peu de café et de caoutchouc. À Goin-Débé (133 170 hectares), c’est la même chose. Il reste peut-être encore 10 000 hectares de forêt. Cavally (64 200 hectares) était mieux protégé, mais récemment il y a eu là une large infiltration. »

Une grande partie de la main d’œuvre de la SODEFOR se compose d’agents forestiers du Corps des Eaux et Forêts, un service en uniforme qui dépend du ministère des Eaux et Forêts. Une Unité de Gestion Forestière supervise chaque forêt classée, bien qu’étant donné les ressources limitées de la SODEFOR, ces unités ne comprennent souvent qu’une poignée d’agents. Si les opérations d’expulsion et les patrouilles dans une forêt classée sont en général effectuées par des agents de l’Unité de Gestion Forestière, la SODEFOR utilise également des travailleurs civils de villages voisins qui peuvent aider à détruire des plantations et à expulser les agriculteurs. Pour les opérations de plus grande échelle, ou pour des patrouilles dans des zones non sécurisées, les agents de l’Unité de Gestion Forestière peuvent être assistés par des agents forestiers détachés d’un autre site ou par des soldats de l’armée ivoirienne.

En plus des forêts classées, la Côte d’Ivoire possède des parcs nationaux, administrés par l’Office Ivoirien des Parcs et Réserves qui dépend du ministère de l’Environnement et du Développement durable. Certains parcs nationaux, le plus tristement célèbre étant le Mont Péko dans l’ouest de la Côte d’Ivoire, ont également été utilisés pour une importante production de cacao illégale et ont été choisis pour de futures expulsions.

L’occupation et l’exploitation des forêts classées se sont déroulées en plusieurs étapes. De nombreux dirigeants communautaires interrogés par Human Rights Watch et le RAIDH ont expliqué que leurs communautés se sont installées dans ces lieux avant que la forêt n’ait été classée. « J’ai 47 ans et je suis né à Goin-Débé, avant qu’elle ne soit classée en 1978 », a indiqué un agriculteur. « J’ai toujours vécu là – tout ce que possède notre famille est investi ici. »

D’autres agriculteurs ont affirmé que s’ils avaient installé leurs plantations sur des parcelles dont ils savaient qu’elles avaient été désignées comme forêts classées, ils pensaient que le gouvernement avait ignoré leur arrivée, préférant une production agricole accrue à la conservation de la forêt. De nombreux villages dans les forêts classées de Goin-Débé et de Scio ont des mosquées, des églises et des écoles publiques, et plusieurs bureaux de vote y ont été installés pendant l’élection présidentielle de 2015.

Des autorités gouvernementales et des dirigeants communautaires ont également déclaré que le conflit armé de 2002-2003 en Côte d’Ivoire ainsi que la crise postélectorale de 2010-2011 ont rendu difficile, et souvent dangereux, pour la SODEFOR et les forces de sécurité ivoiriennes d’opérer dans les forêts classées, facilitant une nouvelle vague d’occupations. Dans certains endroits, notamment des parties de Cavally, de Goin-Débé et de Scio, des groupes armés ont profité du vide sécuritaire pour prendre par la force le contrôle de vastes sections de forêt classée et pour vendre des étendues de terre aux agriculteurs.

Expulsions forcées d’habitants des forêts classées
En mai 2012, les ministres des Eaux et Forêts et de la Défense ont cosigné une directive interministérielle enjoignant les habitants des forêts classées de partir ou de risquer d’être expulsés. Cette directive laissait prévoir une approche gouvernementale plus dure envers les habitants des forêts classées, et en février 2013 le ministre des Eaux et Forêts alors en fonction, Mathieu Babaud Darret, a déclaré publiquement : « Le temps de la sensibilisation est terminé. Nous allons passer à la répression. »

La directive de 2012, toutefois, ne donnait pas aux communautés des forêts classées d’avertissement concernant la date où commenceraient les expulsions dans leur localité spécifique. Les premières expulsions importantes ont commencé en juin 2013, lorsque la SODEFOR, conjointement à l’armée, a entrepris une opération d’expulsion à grande échelle dans la forêt classée de Niégré, dans le sud-ouest de la Côte d’Ivoire. Cette opération a contraint plus de 20 000 personnes à fuir pour se réfugier dans des villages voisins et dans des camps. Des articles dans des médias crédibles ont indiqué que la SODEFOR et l’armée avaient utilisé des bulldozers pour raser Baleko-Niégré, la principale ville de la forêt, écrasant les maisons et les boutiques, et détruisant l’école locale ainsi que l’église et le marché.

En juillet 2014, la Côte d’Ivoire a adopté un nouveau code forestier dont les objectifs étaient notamment de restaurer au moins 20 % du territoire du pays à la forêt. Depuis l’adoption de ce code, même si la SODEFOR ne s’est pas livrée à une opération d’une ampleur similaire à celle de Niégré, des centaines de familles vivant dans les forêts classées ont été expulsées. Human Rights Watch et le RAIDH ont documenté au moins six opérations d’expulsion à Goin-Débé entre avril 2014 et mars 2016, et plusieurs autres à Cavally entre décembre 2015 et mars 2016. Des dirigeants communautaires ont indiqué que la SODEFOR avait mené des expulsions à grande échelle à Scio en 2014. 

Des dirigeants communautaires ont déclaré que la SODEFOR vise en général seulement une zone spécifique de forêt à chaque opération. En janvier, le Conseil danois pour les réfugiés a signalé que des opérations d’expulsion à Goin-Débé et à Cavally avaient touché trois campements, avec 31 maisons incendiées dans une localité et 21 ciblées dans les autres. Au moins 250 personnes, dont 92 enfants, ont été déplacées. Un dirigeant communautaire a montré à Human Rights Watch et au RAIDH une liste de familles affectées par une opération d’expulsion en 2014 à Goin-Débé qui avait détruit quatre campements, entraînant le déplacement de plus de 140 personnes. Un agriculteur de Goin-Débé a déclaré que lorsqu’une opération de la SODEFOR a pris son campement pour cible en décembre 2015, une trentaine de maisons ont été incendiées et que « plus de 100 personnes ont perdu leur maison si l’on inclut les femmes et les enfants qui vivaient avec nous. »

Absence d’avertissement préalable au sujet des expulsions
Sans exception, les agriculteurs expulsés par la SODEFOR ont affirmé à Human Rights Watch et au RAIDH qu’ils n’avaient reçu aucun avertissement préalable qu’une opération d’expulsion avait été prévue pour leur localité en particulier, ni d’informations sur la date  de telle expulsion. « Je n’ai eu aucun avertissement préalable, aucun », a déclaré un chef de village de Goin-Débé. « Je les ai entendus qui tiraient en l’air, alors que des gens criaient et pleuraient, et puis j’ai vu la fumée venant de la maison. Nous vivions dans cette forêt depuis 1975… Je regardais le village bruler, mais je ne pouvais rien y faire. » 

Je n’ai eu aucun avertissement préalable, aucun. Je les ai entendus qui tiraient en l’air, alors que des gens criaient et pleuraient, et puis j’ai vu la fumée venant de la maison. Nous vivions dans cette forêt depuis 1975… Je regardais le village bruler, mais je ne pouvais rien y faire.
Chef de village, Goin-Débé


Un agriculteur a expliqué que la SODEFOR avait incendié sa maison en janvier 2016 alors qu’il se trouvait à l’église. « Lorsque mon ami a vu la SODEFOR arriver, ils ont envoyé quelqu’un pour nous chercher », a dit l’agriculteur. « Nous sommes revenus aussi vite que nous avons pu, mais le temps que nous revenions toute ma maison avait été réduite en cendres. Je me suis assis dans la cour de ma maison sans pouvoir le croire. »

En arrivant soudainement dans les villages et les plantations pour mettre le feu aux maisons et aux récoltes, la SODEFOR met des vies en danger. Plusieurs femmes ont expliqué à Human Rights Watch et au RAIDH comment après que leurs maisons ont été incendiées, leurs enfants ont été contraints de marcher sur des dizaines de kilomètres pour trouver refuge auprès de proches dans d’autres villages. « Leurs camions sont arrivés et nous les avons tout à coup entendus qui tiraient en l’air, alors nous avons vite couru jusque dans la brousse », a déclaré une femme, décrivant une opération d’expulsion de juin 2015. « Mes enfants et moi avons été séparés, alors j’ai dû les chercher dans le sous-bois. Nous avons dû marcher depuis notre maison pour revenir chez nos parents dans un autre village, cela faisait environ 16 kilomètres. »

Un autre agriculteur a relaté les épreuves et les pertes subies par sa famille après qu’ils ont dû marcher depuis leur maison incendiée pour trouver refuge auprès de proches dans un autre village. Son épouse est morte plusieurs mois plus tard. Si la cause du décès n’était pas totalement claire, il pensait que l’expulsion avait joué un rôle :

La SODEFOR est venue incendier les maisons dans notre campement en avril 2014. Nous avons couru jusqu’à dans la brousse, mais mon épouse était au début de sa grossesse et elle a dit qu’elle avait mal au ventre. Je lui ai dit de poser le bagage qu’elle portait sur la tête, et nous avons marché lentement jusqu’à un village voisin. La douleur a empiré, alors je l’ai emmenée dans un hôpital. Les infirmières ont dit qu’elle aurait du mal à survivre – le fœtus était mort et avait pourri dans son ventre. Elle est morte à l’hôpital quatre mois plus tard. C’est moi qui m’occupe de nos trois enfants maintenant – j’ai perdu ma terre et mon épouse.

Destruction de biens 
Les victimes des expulsions ont décrit le choc qu’elles ont éprouvé à la vue de leurs maisons, et de la plupart de leurs possessions, détruites. « J’ai perdu un grand nombre de mes possessions ce jour-là », a confié une femme qui en rentrant des champs avait retrouvé sa maison réduite en cendres. « Le matelas sur lequel nous dormions, moi, mon mari et mes enfants, les ustensiles de cuisine, et au moins 100 000 francs CFA (167 US$) étaient brûlés. » D’autres femmes ont indiqué qu’elles avaient perdu les outils et les matériaux qu’elles utilisaient pour les travaux qu’elles effectuaient à la maison. Un homme qui gardait de l’argent chez lui pour des amis et pour sa famille a déclaré que 1,5 million de francs CFA (2 500 US$) étaient partis en fumée.

Bien que le droit international exige que les gouvernements s’assurent que les personnes affectées par les expulsions ne sont pas privées arbitrairement de leurs biens personnels, les victimes ont affirmé qu’elles n’avaient pas eu la possibilité de récupérer leurs possessions avant que leurs maisons soient incendiées. Elles ont ajouté qu’elles n’avaient pas reçu de compensation pour les biens perdus pendant les expulsions. Un employé de magasin dont la boutique a été réduite en cendres a déclaré :

Tout est arrivé avant même que les gens aient pu sortir leurs biens. Notre boutique était le seul grand magasin de la zone, proposant des marchandises comme le riz, l’huile et le sucre pour les communautés de nombreux campements proches. Ils ont tout brûlé. C’était au moment d’une fête religieuse, aussi nous avions beaucoup de marchandises dans le magasin. Nous avons probablement perdu environ 8 millions de francs CFA (13 360 US$) de marchandises. 

Plusieurs agriculteurs ont expliqué qu’ils avaient perdu leurs cartes d’identité et leurs certificats de naissance pendant les expulsions, ce qui représente un problème particulier dans l’ouest de la Côte d’Ivoire, où en juillet 2015 Human Rights Watch a signalé que l’extorsion par les forces de sécurité aux barrages routiers prend souvent pour cible les personnes sans papiers d’identité. « Je ne sais pas comment je vais faire pour voyager maintenant », a déclaré un agriculteur à Goin-Débé.  « Je suis allé en ville l’autre jour, mais comme je n’avais pas mes papiers d’identité, j’ai dû payer 4 000 francs CFA (7 US$) aux forces de sécurité aux barrages routiers. »

Impact sur les moyens de subsistance et sur la sécurité alimentaire
Des agriculteurs ont décrit des épreuves extrêmement difficiles, non seulement du fait d’avoir perdu des revenus des cultures commerciales, mais également à cause de la perte des terres dédiées aux cultures vivrières de subsistance, en particulier le riz. Une femme, qui a été expulsée en juin 2015, a déclaré que sa famille de six enfants « survit désormais seulement à la grâce de Dieu. »

De nombreux agriculteurs expulsés ont expliqué qu’ils vivaient désormais avec des membres de leurs familles dans des villages en bordure de la forêt classée, et plusieurs chefs de village ont déclaré qu’ils avaient du mal à faire face aux nouveaux arrivants. « Il y aura bientôt ici une grande famine », a affirmé un dirigeant communautaire. « Ces agriculteurs produisaient du riz pour se nourrir dans la forêt classée, ainsi que du cacao pour le vendre. Nous essayons de cultiver quelques-unes des rizières près du village, mais cela ne suffira jamais pour tout le village. »

Un certain nombre d’agriculteurs expulsés ont indiqué qu’ils étaient retournés dans leurs plantations pour les retrouver cultivées par quelqu’un d’autre. « Je me suis rendu à ma plantation », a dit l’un d’eux. « Quelqu’un d’autre y vit et cultive les champs pendant que nous souffrons. »

Le droit international stipule que les expulsions ne devraient pas laisser les personnes sans abri ni exposées au risque d’autres violations de droits. Les gouvernements devraient garantir que les personnes expulsées ont accès à la nourriture, à l’eau potable et à l’assainissement ; à un abri et un logement de base ; aux services médicaux essentiels ; et à des possibilités d’éducation pour leurs enfants. Aucune des familles expulsées interrogées par Human Rights Watch et le RAIDH n’avait bénéficié d’une aide pour trouver un logement ou de la terre en remplacement.

Plusieurs femmes ont expliqué que la perte de revenus les avait empêchées d’envoyer leurs enfants à l’école. « Je ne suis pas encore retombée sur mes pieds », a confié une femme qui a été expulsée en juin 2015 et qui vit maintenant dans un village en bordure de Goin-Débé. « J’ai du mal à nourrir mes enfants, et ils ne vont plus à l’école. Sans le revenu du cacao, il n’y a tout simplement pas d'argent pour les envoyer à l'école. »

Moussa Koné, président du Syndicat National Agricole pour le Progrès en Côte d’Ivoire (SYNAP-CI), a confié à Human Rights Watch qu’étant donné l’engagement du gouvernement à restaurer les forêts classées pour lutter contre le changement climatique, il craignait que le rythme des expulsions ne s’accélère. Même si les expulsions forcées ont jusqu’ici été sporadiques, un dirigeant communautaire a déclaré : « Il est impossible de savoir quand elles vont reprendre. Personne ne sait ce que va faire le gouvernement. »

Actes d’extorsion et de criminalité
Pour protéger leur terre et leurs moyens de subsistance, des habitants des forêts classées ont confié à Human Rights Watch et au RAIDH qu’ils se sentaient obligés de donner aux agents de la SODEFOR de l’argent ou d’autres cadeaux afin d’éviter des expulsions potentielles, tandis que plusieurs agriculteurs ont affirmé que des agents de la SODEFOR leur avaient extorqué de l’argent en les menaçant d’expulsions.

Des dirigeants communautaires ont expliqué à Human Rights Watch que lorsque des agents de la SODEFOR viennent dans leurs localités, ils leur donnent de l’argent ou d’autres cadeaux, par exemple des poulets. Plusieurs agriculteurs ont indiqué que de tels dons ne répondaient pas à des menaces spécifiques d’expulsion mais qu’ils avaient plutôt pour but de garantir que leur campement maintenait de bonnes relations avec la SODEFOR et évitait des expulsions potentielles. 

Un dirigeant communautaire à Scio a déclaré :

J’ai mes propres plantations de cacao dans la forêt classée. Quand la SODEFOR vient, nous les accueillons. Nous demandons à chaque habitation dans la zone d’apporter quelque chose, et lorsqu’ils viennent nous leur donnons quelques poulets et de l’argent pour l’essence – quelque chose comme 50 000 ou 100 000 francs CFA (84 US$ à 167 US$). Nous sommes contents de le faire parce que nous sommes ici illégalement et nous ne voulons pas être déplacés loin de nos terres. Je dirais que ça arrive trois ou quatre fois par an, quoique la SODEFOR soit venue rendre visite à notre campement il y a quelques mois seulement, et l’un de leurs agents m’a appelé hier pour me dire qu’ils passeront par ici cette semaine.

Un autre agriculteur de Goin-Débé a déclaré : « Quand ils viennent, ce n’est pas comme si la SODEFOR sollicitait directement de l’argent. C’est plutôt que vous allez trouver quelque chose pour eux. Le chef [de campement] demande aux agriculteurs : ‘Trouvez quelque chose pour eux.’ Et ça peut être des poulets, mais si vous n’avez pas de poulets vous donnez de l’argent. » Plusieurs dirigeants communautaires ont qualifié de « cotisations » la pratique consistant à demander à chaque agriculteur de contribuer à un cadeau en espèces ou à un don pour la SODEFOR.

De nombreux agriculteurs ont indiqué qu’ils pensaient que leurs communautés et leurs plantations avaient été la cible d’expulsions parce qu’ils n’effectuaient pas de paiements réguliers à la SODEFOR. « Nous ne payons pas la SODEFOR, nous ne payons pas de cotisations », a affirmé un dirigeant communautaire de Goin-Débé. « Et notre communauté a été spécialement choisie pour ces expulsions. »

Si la décision de la SODEFOR concernant les lieux devant faire l’objet d’expulsions est influencée d’une façon ou d’une autre par le fait que les localités donnent de l’argent ou fassent d’autres dons, même si ces dons sont volontaires, cela signifierait que les expulsions sont arbitraires et qu’il s’agit d’une violation manifeste des droits humains.

Human Rights Watch a également interrogé des agriculteurs qui ont affirmé qu’ils payaient la SODEFOR précisément pour éviter une menace d’expulsion. Un agriculteur a expliqué :

Si vous pouvez vous adresser à un agent de la SODEFOR quand ils ne sortent pas en force dans un grand groupe, alors vous pouvez dire : « N’allez pas dans cette zone quand vous ferez votre prochaine excursion, laissez mes champs tranquilles », et si vous leur donnez quelque chose, ensuite ils laissent en général vos plantations tranquilles.

Un autre dirigeant communautaire a déclaré qu’en décembre 2015 la SODEFOR lui avait demandé ainsi qu’aux chefs d’autres campements voisins de payer une somme de 10 000 francs CFA (17 US$) par agriculteur dans le cadre d’un « recensement » effectué par la SODEFOR dans la région. « Nous avons donné l’argent », a-t-il dit. « Toutes les campements de la région l’ont fait. Nous avons demandé un reçu, mais ils ne nous en ont jamais donné un. » Un agriculteur du même village a déclaré : « Quelqu’un a dit : ‘Vous devez donner quelque chose, 10 000 francs CFA, pour que nous puissions rester ici.’ Alors nous l’avons tous donné. »

Deux acheteurs de cacao interrogés ont expliqué que pendant la période où la SODEFOR menait une opération d’expulsion dans une section particulière de la forêt, ils étaient tenus de payer une redevance à la SODEFOR pour acheter du cacao de cette région. « Ils avaient un barrage [près de l’entrée de la forêt classée] pendant une semaine environ », a dit l’un des acheteurs. « Et il vous fallait payer à chaque fois que vous vouliez entrer pour acheter du cacao. Si vous achetiez 20 tonnes, vous payiez 100 000 francs CFA (167 US$), et si c’était cinq tonnes, vous payiez 60 000 francs CFA (100 US$). » De tels actes d’extorsion, constituant une saisie arbitraire d’argent et d’autres biens, violent le droit à la propriété aux termes de l’article 14 de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples.

Le code forestier de 2014 de la Côte d’Ivoire définit comme infraction le fait de créer des logements et de défricher la forêt ou de cultiver des terres dans les forêts classées sans autorisation préalable, infraction passible d’une peine allant de quatre mois à trois ans d’emprisonnement, ainsi que d’une amende allant de 250 000 francs CFA (417 US$) à 5 millions de francs CFA (8 350 US$).

Des agriculteurs et des dirigeants syndicaux ont déclaré à Human Rights Watch et au RAIDH, toutefois, que dans de nombreux cas la SODEFOR utilise la menace de poursuites judiciaires pour extorquer de l’argent aux agriculteurs arrêtés durant les opérations d’expulsion. Un agriculteur a expliqué qu’après avoir passé deux nuits dans un camp de la SODEFOR, il avait été relâché avec deux autres agriculteurs une fois que leurs familles ont accepté de payer aux agents de la SODEFOR 50 000 francs CFA (84 US$) par personne. Un agriculteur libéré en même temps a confirmé que son frère avait payé 50 000 francs CFA pour sa libération. 

Un autre agriculteur, qui avait été sévèrement battu durant une opération d’expulsion et nécessitait des soins médicaux, a été relâché après que ses parents aient versé 15 000 francs CFA (25 US$) aux agents de la SODEFOR. Plusieurs agriculteurs qui avaient été détenus par la SODEFOR lors d’opérations d’expulsion ont indiqué que leurs téléphones portables et de l'argent ont été confisqués et non restitués à leur libération.

Violences physiques
De nombreux agriculteurs arrêtés et détenus par la SODEFOR ont également mentionné des passages à tabac et autres humiliations. Un agriculteur a déclaré qu’il avait été hospitalisé en mars après que la SODEFOR l’avait arrêté ainsi que quatre de ses collègues :

La SODEFOR est arrivée et nous a surpris alors que nous étions en train de déjeuner sous une cabane. Je me suis enfui et ils ont essayé de m’attraper et quand ils m’ont rejoint l’un d’eux m’a frappé et je suis tombé. Puis ils m’ont frappé sur les fesses et le bas du dos. Après m’avoir maîtrisé, ils m’ont emmené jusqu’à la cabane où ils nous ont tous forcés à nous pencher et à nous couvrir les yeux. Puis ils m’ont frappé de nouveau avec des matraques, mais aussi avec la crosse de leurs fusils sur le dos. J’ai été blessé si gravement que j’ai dû être conduit à l’hôpital pour des injections anti douleur.

Un autre agriculteur détenu en même temps a montré à Human Rights Watch et au RAIDH des plaies ouvertes sur les tibias, qui selon lui dataient de cet incident. Human Rights Watch et le RAIDH ont également rencontré un agriculteur de la forêt classée de Cavally qui a prétendu que des agents de la SODEFOR et des civils travaillant avec elle avaient battu à mort un membre de sa famille, Guetayoaba Ouedraogo, en 2014. 

Deux détenus, placés dans des lieux distincts par la SODEFOR en janvier 2016, ont déclaré indépendamment que des agents de la SODEFOR leur avaient demandé de faire semblant de filmer d’autres détenus tandis que les agents les frappaient ou les humiliaient. « Ils nous ont demandé de nous déshabiller, ou au moins d’enlever nos hauts, puis de chanter et de danser pour eux », a dit l’un des agriculteurs. « Vous ne pouviez pas refuser, sinon ils vous frappaient, et ils ont demandé à un ou deux d’entre nous de faire semblant de nous filmer en train de danser, en tenant un bloc de bois comme si c’était une caméra. » Human Rights Watch et le RAIDH ont interrogé une personne qui avait été détenue avec cet homme, et qui a déclaré qu’on lui avait demandé de faire semblant de filmer :

Les agents de la SODEFOR m’ont emmené jusqu’à leur base, et quand leurs collègues sont arrivés ils se sont mis à me frapper à coups de matraques et à me verser de l’eau dessus. C’est seulement quand mon ami a appelé notre patron et lui a demandé de parler au responsable de la SODEFOR qu’ils ont arrêté de me frapper. J’ai été ensuite celui à qui ils ont demandé de filmer les autres détenus pendant qu’ils dansaient, avec un morceau de bois en guise de caméra.

Deux agriculteurs ont déclaré qu’en janvier ils avaient vu des agents de la SODEFOR forcer d’autres détenus à manger des piments crus. « Si on finissait un piment, ils vous en donnaient un autre », a dit l’un d’eux. « On ne pouvait pas refuser, sinon ils vous frappaient encore. »

À la suite de l’opération menée en 2013 par la SODEFOR et par l’armée dans la forêt classée de  Niégré, l'expert indépendant des Nations Unies sur la situation des droits de l'homme en Côte d’Ivoire alors en fonction, Doudou Diène, a déclaré que pendant l’opération, « de graves incidents ont été signalés, y compris la mort de trois personnes, des mauvais traitements, des viols, des actes d’extorsion et la destruction de biens par les Forces Républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI) et par des employés de la SODEFOR. »

Ils nous ont demandé de nous déshabiller, ou au moins d’enlever nos hauts, puis de chanter et de danser pour eux », a dit l’un des agriculteurs. « Vous ne pouviez pas refuser, sinon ils vous frappaient, et ils ont demandé à un ou deux d’entre nous de faire semblant de nous filmer en train de danser, en tenant un bloc de bois comme si c’était une caméra.
Agriculteur ivoirien détenu par la SODEFOR en janvier 2016


Jean-Baptiste Kouamé, directeur de l’Unité de Gestion Forestière pour Cavally, a nié le fait que des agriculteurs ont été battus lors des opérations d’expulsion et il a déclaré : « La SODEFOR doit fréquemment poursuivre des agriculteurs qui tentent de s’échapper ou qui résistent à leur arrestation. »

Un agriculteur de Cavally, toutefois, a déclaré que son village avait si peur des violences qu’ils se cachaient dans la brousse ou dans d’autres villages lorsque la SODEFOR opérait dans la région : « Quand ils passent par là, nous sommes obligés de nous cacher pendant la journée – nous avons peur d’eux », a-t-il dit. « Nous entendons les tirs là où ils travaillent, et c’est seulement le soir, vers 17 heures, que nous pouvons voir ce qu’ils ont fait, et ce qui a été brûlé. »

Les normes internationales exigent des gouvernements qu’ils garantissent que personne ne soit soumis à des attaques directes ou indiscriminées ou à d'autres actes de violence durant les expulsions forcées, et que toute utilisation légale de la force respecte les principes de nécessité et de proportionnalité.

Les agents de la SODEFOR impliqués dans des violences physiques, des actes d’extorsion ou de criminalité devraient faire l’objet d’enquêtes et de poursuites. En mars 2016, Human Rights Watch et le RAIDH ont assisté à une audience au tribunal de première instance de Guiglo, où six jeunes agriculteurs ont été condamnés à 12 mois de prison pour avoir cultivé des terres dans une forêt classée. Au cours de son allocution de détermination de la peine, le juge qui présidait le procès, N’Guetti Assoa, a déclaré aux commandants de la SODEFOR : « J’ai entendu des allégations selon lesquelles ce sont seulement les personnes qui ne vous paient pas qui sont traduites devant le tribunal …des histoires de personnes battues par les agents de la SODEFOR, parfois même à mort. Vous devez savoir que si ces faits sont jamais prouvés la loi s’applique à tout le monde. Vous serez traduits en justice. »

Suspendre les expulsions pour prévenir les abus
La Côte d’Ivoire devrait suspendre immédiatement toutes les expulsions dans les forêts classées jusqu’à ce qu’elle adopte une législation octroyant aux agriculteurs les protections qui leur sont accordées selon le droit international. La nouvelle loi devrait préciser les circonstances dans lesquelles peuvent se produire les expulsions forcées des forêts classées, le cas échéant, et les protections exigées pour les occupants, notamment un préavis suffisant et l’accès à un logement ou une terre de remplacement si les habitants sont dans l’incapacité de subvenir eux-mêmes à ces besoins, ainsi que la possibilité de contester l'expulsion devant un tribunal ou un autre organisme équivalent.

Le gouvernement ivoirien devrait également s’efforcer de trouver une solution à long terme pour conserver les forêts classées qui respecte les droits des agriculteurs. Le code forestier de 2014 stipule que le gouvernement devrait émettre un décret mettant en place un processus pour la reforestation graduelle des plantations agricoles dans les forêts classées. La SODEFOR a déclaré que cela permettrait aux agriculteurs de devenir des partenaires dans la gestion durable des forêts classées par le biais d’accords contractuels exigeant qu’ils replantent des arbres, une approche qui permettrait à de nombreux agriculteurs de continuer à vivre et à travailler dans les forêts classées.

Le ministère des Eaux et Forêts devrait accélérer les consultations sur ce décret, et son éventuelle adoption, en s’assurant que les communautés dans les forêts classées, y compris les hommes et les femmes appartenant à une large diversité de groupes ethniques, aient la possibilité de participer pleinement au processus de consultation.  

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