(Tunis, 29 septembre 2014) – Les partis politiques et les candidats en lice pour les élections législatives du 26 octobre 2014 en Tunisie devraient expliciter la façon dont ils comptent promouvoir les droits humains et entreprendre des réformes juridiques et d’autre nature, s’ils sont élus, a affirmé Human Rights Watch aujourd’hui, alors que l’organisation publiait son Agenda pour les droits humains en Tunisie. Les droits humains ont jusqu’à présent peu mobilisé l’attention des partis politiques et des candidats à l’approche des élections législatives, les deuxièmes élections libres en Tunisie depuis la révolution de 2011.
Le document « Tunisia’s 2014 Parliamentary Elections: A Human Rights Agenda » (« Elections législatives 2014 en Tunisie : un agenda pour les droits humains ») identifie six domaines prioritaires où le nouveau gouvernement devrait s’attaquer aux violations des droits qui gangrènent la Tunisie depuis des décennies. Ces domaines sont la torture et les autres mauvais traitements infligés aux détenus ; les discriminations et les violences faites aux femmes ; la faible réalisation des droits économiques et sociaux ; l’indépendance judiciaire et leur affranchissement de la mainmise politique ; les droits liés à la liberté d’expression ; et la réforme des lois sur les stupéfiants, au nom desquelles des milliers de jeunes gens ont été emprisonnés, ce qui a causé une surpopulation carcérale. Les partis politiques et les candidats devraient prendre l’engagement de traiter ces problèmes dans leurs programmes électoraux.
« Les partis et les candidats en lice pour les élections tunisiennes ont beaucoup utilisé des slogans comme “justice sociale” ou “dignité pour tous” pour attirer les électeurs », a souligné Éric Goldstein, Directeur adjoint pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord chez Human Rights Watch. « Les partis et les candidats doivent exprimer très précisément ce qu’ils prévoient de mettre en œuvre afin de faire de leurs nobles objectifs une réalité. »
Les partis et les candidats tunisiens doivent à leur peuple d’énoncer précisément la façon dont ils entendent construire une société meilleure, où les femmes seront les égales des hommes, où des emplois seront créés et ouverts à tous, où existera la justice sociale, et où les deux fléaux que sont la torture et l’impunité seront éradiqués, a affirmé Human Rights Watch.
En 2011, la Tunisie a tenu ses premières élections libres, afin de former une Assemblée nationale constituante. Cette Assemblée a ensuite rédigé la nouvelle constitution que le pays a adoptée le 27 janvier 2014, qui comprend des garanties globales sur les droits humains. La Tunisie a pris d’autres mesures positives, avec notamment l’adoption d’une loi pour la création d’une Haute Autorité pour la Prévention de la Torture, la réforme des lois qui imposaient auparavant des contraintes inappropriées à la presse, aux partis politiques et aux organisations non-gouvernementales, et la mise en place d’une Commission Vérité et Dignité pour enquêter sur les violations des droits humains commises par le passé, et y répondre.
Pour le nouveau gouvernement, le défi sera de maintenir la dynamique et de pousser en faveur de réformes supplémentaires indispensables pour réussir une véritable transition, a affirmé Human Rights Watch. L’Agenda pour les droits humains, qui s’adresse à tous les partis politiques et candidats, définit des mesures concrètes que les candidats devraient inclure dans leurs programmes.
Cet agenda comprend des recommandations concrètes, et presse les candidats de s’engager à :
- Prévenir la torture et les autres mauvais traitements et châtiments grâce à des réformes institutionnelles et juridiques;
- Faire respecter les droits économiques, sociaux et culturels consacrés par la constitution, en particulier grâce à des mécanismes de responsabilisation et de recours aux niveaux national et international ;
- Amender le code du statut personnel pour garantir l’égalité dans tous les aspects de la vie privée et familiale;
- Concevoir une stratégie globale pour éradiquer la violence contre les femmes;
- Appuyer des mesures législatives pour dépénaliser les délits liés à la liberté d’expression dans le droit tunisien ;
- Réformer le système judiciaire pour garantir son indépendance ; et
- Amender la loi 52 sur l’usage de stupéfiants pour laisser davantage de discrétion aux juges en ce qui concerne la détermination des peines.
« Les électeurs tunisiens ont le droit de connaître la position des différents partis et candidats sur les droits humains, quelle priorité ils leur accorderont, et quelles mesures concrètes ils prendront pour mettre en œuvre des réformes, s’ils sont élus, » a conclu Éric Goldstein.