(Beyrouth) – Au cours de l’année 2013, le Qatar a été sous le feu de la critique internationale du fait des graves abus subis par les migrants travaillant dans le pays, a indiqué aujourd’hui Human Rights Watch dans son Rapport mondial 2014. Les autorités ont ignoré les appels à la réforme du système juridique et réglementaire qui leur ont été lancés, le système actuel ouvrant la voie au travail forcé.
Human Rights Watch a indiqué en janvier 2013 que, en l’absence de réformes majeures, les dix milliers de travailleurs migrants œuvrant à la construction des infrastructures pour la Coupe du Monde de la FIFA 2022 seraient en proie à l’exploitation et à la misère. D’autres révélations ont été faites en 2013 sur les conditions de vie et de travail épouvantables et sur les taux de mortalité élevés observés chez les travailleurs migrants. Mais en dépit des critiques internationales de plus en plus nombreuses, les autorités qataries n’ont manifesté aucune volonté particulière quant à la mise en œuvre des réformes nécessaires.
« Le Qatar se trouve sous le feu des projecteurs au sujet d’un problème qui constitue un véritable fléau dans la région du Golfe, et les autorités qataries devraient considérer cela comme une opportunité de donner le bon exemple », a déclaré Sarah Leah Whitson, directrice de la division Moyen Orient à Human Rights Watch. « Si le Qatar saisit cette opportunité, le pays gagnera une reconnaissance internationale. »
Dans son Rapport mondial 2014 (24ème rapport annuel, dont la version anglaise compte 667 pages), Human Rights Watch résume les pratiques en matière de droits humains dans plus de 90 pays. Les massacres massifs de civils en Syrie ont suscité un sentiment d’horreur, mais peu d’actions ont été engagées par les leaders mondiaux pour y mettre fin, a indiqué Human Rights Watch. La doctrine de la « responsabilité de protéger », qui a connu un regain de popularité, semble avoir empêché des atrocités de masse dans certains cas en Afrique. Les majorités au pouvoir en Égypte et dans d’autres pays ont étouffé les voix dissidentes, et ont réprimé les droits des minorités. Le rapport examine aussi les révélations d’Edward Snowden sur les programmes de surveillance américains, et leurs répercussions à l’échelle internationale.
Le Qatar compte près de 2 millions d’habitants, dont seulement 10% sont des citoyens de ce pays, d'après les statistiques officielles de 2013. Le nombre de travailleurs étrangers devrait encore augmenter avec les demandes croissantes dans le secteur de la construction.
Les travailleurs migrants sont soumis à un système de travail qui ouvre la voie au trafic et au travail forcé. En contravention de la loi qatarie, les travailleurs paient souvent des commissions de recrutement exorbitantes et les employeurs leur confisquent leur passeport. Le système de kafala (parrainage) lie le statut juridique d’un travailleur migrant à un employeur parrain, les travailleurs étant tenus d'obtenir un visa de sortie de la part de leur parrain pour pouvoir quitter le pays. Le Qatar interdit aux travailleurs migrants de se syndiquer ou de faire grève ; et ces derniers se heurtent à des obstacles importants lorsqu’ils demandent réparation.
Les travailleurs migrants vivent souvent dans des endroits exigus et insalubres et un grand nombre d’entre eux se plaint des heures de travail excessives et des salaires non payés. Le journal britannique The Guardian a signalé que, entre le 4 juin et le 8 août, 44 travailleurs népalais avaient trouvé la mort dans le pays, suite à des arrêts cardiaques ou à des accidents du travail dans la plupart des cas.
Un joueur de football français, Zahir Belounis, est resté bloqué au Qatar pendant plus de deux ans car l’équipe qui l'employait ne lui fournissait pas un visa de sortie. Belounis est retourné en France en novembre, six mois après la première évocation de son cas par Human Rights Watch. De nombreux autres expatriés parmi lesquels trois anciens salariés de la chaîne Al Jazeera restent bloqués au Qatar à cause de cette condition du visa de sortie.
Les travailleuses et travailleurs domestiques migrant(e)s (des femmes dans la quasi-totalité des cas) sont particulièrement vulnérables aux abus. Un contrat unifié régional destiné aux travailleuses et travailleurs domestiques qui devrait être approuvé en 2014 est bien loin de répondre aux normes minimales spécifiées dans la Convention sur les travailleuses et travailleurs domestique de l’Organisation internationale du travail.
Le bilan du Qatar en matière de liberté d'expression est une source de préoccupation. En février, une cour d'appel a confirmé la condamnation d’un poète qatari pour incitation au renversement du gouvernement dans des poèmes critiquant l’émir du Qatar alors au pouvoir. Les projets de loi sur la cybercriminalité et les médias pourraient étouffer la libre expression.