Skip to main content

Syrie : Une approche exhaustive est nécessaire pour l’obtention de justice

La saisine de la CPI et d'autres mesures sont essentielles à la lutte contre le climat d'impunité

Les gouvernements concernés devraient prendre des mesures vers une approche exhaustive de l’obligation de rendre des comptes pour les crimes graves commis en Syrie, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport publié aujourd’hui. Les décideurs et les bailleurs de fonds internationaux qui favorisent des poursuites pénales crédibles pour les graves violations commises en Syrie devraient tirer des leçons des succès et des échecs des efforts de responsabilisation dans d'autres parties du monde.

Le rapport de 20 pages, intitulé « Syrie : La justice pénale pour les crimes graves au regard du droit international », souligne la nécessité urgente de rendre des comptes et examine un certain nombre de mesures concrètes qui contribueraient à l’enquête et la mise en accusation équitables, dans un tribunal régulièrement constitué, de personnes responsables de violations en Syrie. Le document décrit les actions à court terme ainsi que les politiques et les pratiques à long terme que les pays devraient adopter pour démontrer leur engagement envers la justice.

« La communauté internationale devrait comprendre que la responsabilité pour les crimes horribles commis en Syrie sera essentielle pour une paix durable », a déclaré Balkees Jarrah, juriste auprès de la division Justice internationale à Human Rights Watch. « Le monde aura besoin à la fois d’une diversité d'outils judiciaires pour la justice en Syrie et d’une vision à long terme qui évite d'opposer les mesures entre elles. »

Human Rights Watch a présenté une série de recommandations sur la reddition de comptes, notamment sur l'implication de la Cour pénale internationale (CPI), les poursuites pénales par des tribunaux syriens et les poursuites nationales dans des tribunaux étrangers à l'extérieur de la Syrie en vertu du principe de la compétence universelle. Le document aborde également les avantages potentiels d'un tribunal ou d'une chambre spécialisée au sein du système national de justice qui aurait à la fois du personnel international et syrien, et qui travaillerait avec la CPI et d'autres tribunaux syriens sur les cas d'atrocités de masse.

Human Rights Watch a noté que des poursuites pénales ne sont qu'un élément d’un processus plus étendu de justice et de reddition de comptes. Davantage de mécanismes d’obtention de la vérité, de réparation, de contrôle, de développement économique et de reconstruction seront également nécessaires dans le cadre du processus d’avancement de la société syrienne d'une manière durable.

Au cours des deux dernières années et demie, Human Rights Watch a largement documenté les exactions commises par les forces gouvernementales et pro-gouvernementales et a conclu qu'elles ont commis des crimes contre l'humanité et des crimes de guerre. Le gouvernement continue de procéder à des frappes aériennes et d'artillerie aveugles contre des zones résidentielles et de détenir arbitrairement, de torturer et d'exécuter de façon extrajudiciaire des civils et des combattants.

Human Rights Watch a également documenté des violations graves constituant des crimes de guerre perpétrées par certains groupes d’opposition, notamment l'usage indiscriminé de voitures piégées et de mortiers, d’enlèvements, de torture et d’exécutions extrajudiciaires. Human Rights Watch a également documenté l'enlèvement systématique et le meurtre intentionnel de civils par des groupes d'opposition, qui peuvent constituer des crimes contre l'humanité.

Le gouvernement syrien n'a pas pris de mesures concrètes pour traduire en justice les forces gouvernementales et pro-gouvernementales responsables de violations. Les autorités ont fait preuve d'un manque de volonté politique pour assurer une justice crédible pour les graves violations de droits humains passées et en cours. En outre, il existe de graves préoccupations quant à savoir si le système judiciaire syrien a la capacité de répondre efficacement à ces crimes à grande échelle. Les forces d'opposition n'ont pas abordé de manière adéquate la responsabilisation pour les exactions commises par leurs membres. En conséquence, les poursuites nationales ne sont pas une option pour l'instant, selon Human Rights Watch.

Dans ce contexte, Human Rights Watch a exhorté le Conseil de sécurité des Nations Unies à déférer la situation en Syrie à la CPI comme première étape cruciale vers la justice pour les victimes d'atrocités commises par toutes les parties. Soixante-quatre pays, dont six membres du Conseil de sécurité, ont exprimé leur appui pour un renvoi vers la CPI.

Une saisine de la Cour pourrait donner des avantages à court et à long terme. Dans l’immédiat, l’implication de la Cour dans le cadre du conflit en cours en Syrie adresserait un message clair à toutes les parties que la commission de crimes graves ne sera pas tolérée et entraînera de lourdes conséquences. Cette menace crédible de poursuites pourrait aider à freiner de nouvelles exactions.

Dans une période post-conflit, la CPI peut jouer un rôle essentiel, étant donné que le secteur de la justice syrienne sera probablement mal équipé pour traiter des affaires complexes et politiquement sensibles. La Cour peut également établir un point de référence précieux pour d'autres initiatives judiciaires, notamment des procès nationaux.

Même avec la participation de la CPI, des enquêtes et des poursuites justes et efficaces menées au niveau national resteront essentielles pour réduire l'espace d'impunité. Cependant, au-delà des difficultés pratiques posées par l'ampleur des violations, il faudra du temps pour que le système national soit en mesure de rendre une justice significative de manière impartiale et indépendante, selon Human Rights Watch.

En effet, le succès de tout effort visant à renforcer le système de justice national reposera sur les autorités du moment. Sans l'engagement politique nécessaire pour une justice crédible dès le départ, il sera également impossible d'envisager la création d'autres instances judiciaires nationales, comme un tribunal ou une chambre spécialisée axée sur les crimes atroces. Ces préoccupations sont un rappel des raisons pour lesquelles la CPI a été créée en premier lieu, a fait remarquer Human Rights Watch.

Des mesures peuvent encore être prises pendant le conflit afin d’aider à préparer le système de justice syrien pour des procès à venir. En particulier, les gouvernements concernés pourraient soutenir les efforts visant à identifier les changements nécessaires dans la loi syrienne de manière à veiller à ce que le droit interne couvre les crimes internationaux et garantisse un procès équitable, notamment l'indépendance des juges.

« Il sera bien sûr nécessaire de traiter des affaires supplémentaires dans les tribunaux syriens afin de porter la pleine responsabilité au-delà de ce que le processus de la CPI pourrait produire », a conclu Balkees Jarrah. « Mais nous devons être lucides sur ce qu’il faudra faire à long terme afin d’obtenir des poursuites nationales équitables pour les crimes commis en Syrie. »

Your tax deductible gift can help stop human rights violations and save lives around the world.