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Le Secrétaire d’État américain John Kerry a décrit vendredi, avec force détails, les éléments de preuves permettant aux États-Unis de conclure que les forces gouvernementales syriennes sont responsables des terribles attaques aux armes chimiques menées au cours du mois. Celles-ci ont frappé des zones de la banlieue de Damas contrôlées par les rebelles. Toutefois, John Kerry a fourni moins de détails sur les motifs permettant de justifier l'intervention militaire qui semble imminente. Le président Obama n'a pas non plus fourni davantage de précisions dans sa propre allocution, prononcée peu de temps après.

Selon John Kerry, une intervention militaire se justifie essentiellement par le fait que la Syrie apparaît avoir violé la norme internationale établie de longue date qui proscrit le recours aux armes chimiques. Ces armes sont en effet ignobles, comme le révèlent les vidéos et les photos choquantes montrant leurs victimes mortes ou mourantes. Mettre fin à tout recours à ces armes est certes un objectif louable, et tracer une « ligne rouge » à leur sujet aidera à prévenir l'utilisation d'autres armes de destruction massive.

Ce qui est moins clair, c’est ce que compte faire le gouvernement américain au-delà de l'action militaire, qui selon les déclarations d’Obama et de Kerry est censée avoir une portée limitée. Selon Kerry, le président Bachar al-Assad doit être tenu responsable (« accountable ») de ses actes, mais ce terme est plus approprié pour la Cour pénale internationale (que les États-Unis omettent soigneusement de mentionner dans le contexte syrien) que dans le cadre d’une intervention militaire. D’autres ont parlé de punir Bashar al-Assad, un objectif qui laisse dubitatif si l’on songe à combien il semble disposé à accepter toute forme de cruauté envers son peuple et la destruction rapide de son Etat.

En outre, la norme interdisant l'utilisation d'armes chimiques n'est pas la seule norme internationale actuellement en jeu. Le gouvernement syrien a violé de manière plus flagrante encore les lois internationales qui interdisent les attaques délibérées et aveugles contre des civils. John Kerry a évoqué les 1 429 victimes de la récente attaque chimique dans la banlieue de Damas, mais ce chiffre est à comparer aux dizaines de milliers de civils déjà tués par les troupes et les milices syriennes en deux ans et demi de guerre. Les groupes d'opposition armés ont également perpétré de leur côté des bombardements aveugles ainsi que des exactions graves à l’égard de partisans présumés du gouvernement.

Faire respecter la règle selon laquelle les civils ne doivent jamais subir d'attaque au gaz est important. Mais il est également important de faire appliquer le droit interdisant les massacres de civils en général, un enjeu que Barack Obama a d'ailleurs qualifié précédemment d' "intérêt fondamental en matière de sécurité nationale". Alors que les États-Unis se préparent à prendre la tête d'une offensive militaire en Syrie, la campagne sera évaluée à l'aune des conséquences qu'elle aura. Permettra-t-elle d'améliorer la protection de tous les civils syriens, quel que soit letype d’attaques qu'ils subissent ? Oules États-Unis ont-ils d'autres stratégies en réserve pour atteindre cet objectif ? Ni Barack Obama ni John Kerry ne se sont prononcés sur ce point.

John Kerry a déclaré de manière éloquente : « L'Histoire nous jugera avec une sévérité extrême si nous fermons les yeux face au recours flagrant par un dictateur à des armes de destruction massive, en dépit de toutes les mises en garde, et en violation des principes de décence les plus élémentaires. »

Renforcer la «ligne rouge» contre les attaques chimiques est certes important. Mais si ceci équivaut à un «feu vert» donné à Assad pour le meurtre massif de civils par d'autres moyens, ce ne sera qu’une vaine victoire.

Une intervention militaire face à ces autres violations n’est peut-être pas la réponse appropriée, mais quelle est la stratégie à employer à l’égard de ces autres victimes? Cette question exige une réponse non seulement de la part des États-Unis mais aussi de la Russie, de la Ligue arabe, et de tant d'autres pays qui font bien peu aujourd'hui pour venir en aide aux victimes. Ou bien choisiront-ils de continuer à détourner leur regard des innombrables civils dont la vie est toujours menacée par des armes conventionnelles ?

 

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