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Statut des Chambres africaines extraordinaires au sein des juridictions sénégalaises pour la poursuite des crimes internationaux commis au Tchad durant la période du 7 juin 1982 au 1er décembre 1990

 

 

Article  premier – Objet

L’objet du présent Statut est de mettre en œuvre la décision de l’Union africaine relative à la poursuite par la République du Sénégal des crimes internationaux commis au Tchad entre le 7 juin 1982 et le 1er décembre 1990, et conformément aux engagements internationaux du Sénégal.

 

Article 2 – Création des Chambres africaines extraordinaires

Il est créé au sein des juridictions de la République du Sénégal des Chambres africaines extraordinaires comme suit:  

a)    une Chambre africaine extraordinaire d’instruction au sein du Tribunal Régional Hors Classe de Dakar ;

b)    une Chambre africaine extraordinaire d’accusation à la Cour d’appel de Dakar ;  

c)    une Chambre africaine extraordinaire d’Assises à la Cour d’appel de Dakar ; et

d)    une Chambre africaine extraordinaire d’assises d’Appel près la Cour d’Appel de Dakar.  

 

Article 3 – Compétence

1. Les Chambres africaines extraordinaires sont habilitées à poursuivre et juger le ou les principaux responsables des crimes et violations graves du droit international, de la coutume internationale et des conventions internationales ratifiées par le Tchad, commis sur le territoire tchadien durant la période allant du 7 juin 1982 au 1er décembre 1990.

2. Les Chambres africaines extraordinaires peuvent choisir de poursuivre les crimes les plus graves relevant de leur compétence.

 

Article 4 –Crimes relevant de la compétence des chambres africaines extraordinaires

En vertu du présent Statut, les Chambres africaines extraordinaires ont compétence à l’égard des crimes suivants :

a) le crime de génocide ;

b) les crimes contre l’humanité ;

c) les crimes de guerre ;

d) la torture.

 

Article 5 – Crime de génocide

Aux fins du présent Statut, on entend par crime de génocide l'un quelconque des actes ci-après, commis dans l'intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel:

a)    l’homicide volontaire de membres du groupe;

b)    l’atteinte grave à l'intégrité physique ou mentale de membres du groupe;

c)    la soumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle;  

d)  les mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe ;

e)    le transfert forcé d'enfants du groupe à un autre groupe.

 

Article 6 – Crimes contre l’humanité

Aux fins du présent Statut, on entend par crime contre l’humanité, l’un des actes ci-après commis à l’occasion d’une attaque généralisée ou systématique lancée contre toute population civile :

a)    le viol, l’esclavage sexuel, la prostitution forcée, la stérilisation forcée ou toute autre forme de violence sexuelle de gravité comparable ;

b)    l’homicide volontaire ;

c)    l’extermination ;

d)    la déportation ;

e)    le crime d’apartheid ;

f)     la réduction en esclavage ou la pratique massive et systématique d’exécutions sommaires, d’enlèvement de personnes suivi de leur disparition ;

g)    la torture ou les actes inhumains causant intentionnellement de grandes souffrances ou des atteintes graves à l’intégrité physique ou à la santé physique et psychique inspirées par des motifs d’ordre politique, racial, national, ethnique, culturel, religieux ou sexiste.

 

Article 7 – Crimes de guerre

1. Aux fins du présent Statut, constitue un crime de guerre l’un des actes ci-après lorsqu’il concerne des membres des forces armées, des prisonniers de guerre ou des civils ou des biens protégés par des dispositions des conventions de Genève du 12 août 1949 :

a)    l'homicide volontaire ;

b)    la torture ou les traitements inhumains, y compris, les expériences biologiques ou causant intentionnellement de grandes souffrances à l’intégrité physique et psychique ;

c)    la destruction et l’appropriation des biens, non justifiées par des nécessités militaires et exécutées sur une grande échelle de façon illicite et arbitraire ;

d)    le fait de contraindre un prisonnier de guerre ou toute autre personne protégée à servir dans les forces armées ;

e)    le fait de priver un prisonnier de guerre ou toute autre personne protégée de son droit d’être jugé régulièrement et impartialement;

f)     la déportation ou le transfert illégal ou la détention illégale;

g)    la prise  d’otages.

2.Les Chambres africaines extraordinaires sont compétentes pour juger les personnes ayant commis des violations graves de l’article 3, commun aux Conventions de Genève du 12 août 1949 pour la protection des victimes en temps de guerre et du Protocole additionnel II auxdites Conventions du 8 juin 1977. Ces violations comprennent:

a)    les atteintes portées à la vie, à la santé et au bien-être physique ou mental des personnes, en particulier le meurtre, de même que les traitements cruels tels que la torture, les mutilations ou toutes formes de peines corporelles;

b)    les châtiments collectifs;

c)    la prise d’otages;

d)    les actes de terrorisme;

e)    les atteintes à la dignité de la personne, notamment les traitements
humiliants et dégradants, le viol, la prostitution forcée et tout attentat à la pudeur;

f)     le pillage;

g)    les condamnations et les exécutions sans jugement rendu au préalable
par un tribunal régulièrement constitué et assorti des garanties judiciaires reconnues comme indispensables par les peuples civilisés;

h)   la menace de commettre les actes précités.

 

Article 8 – Torture

Aux fins du présent Statut, le terme "torture" désigne tout acte par lequel une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, sont intentionnellement infligées à une personne aux fins notamment d'obtenir d'elle ou d'une tierce personne des renseignements ou des aveux, de la punir d'un acte qu'elle ou une tierce personne a commis ou est soupçonnée d'avoir commis, de l'intimider ou de faire pression sur elle ou d'intimider ou de faire pression sur une tierce personne, ou pour tout autre motif fondé sur une forme de discrimination quelle qu'elle soit, lorsqu'une telle douleur ou de telles souffrances sont infligées par un agent de la fonction publique ou toute autre personne agissant à titre officiel ou à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite. Ce terme ne s'étend pas à la douleur ou aux souffrances résultant uniquement de sanctions légitimes, inhérentes à ces sanctions ou occasionnées par elles. Aucune circonstance exceptionnelle, quelle qu'elle soit, qu'il s'agisse de l'état de guerre ou de menace de guerre, d'instabilité politique intérieure ou de tout autre état d'exception, ne peut être invoquée pour justifier la torture.

 

Article 9 – Imprescriptibilité

Les crimes relevant de la compétence des Chambres africaines extraordinaires  sont imprescriptibles.

 

Article 10 – Responsabilité pénale individuelle et défaut de pertinence de la qualité officielle

1. Les Chambres africaines extraordinaires sont compétentes à l’égard des personnes physiques en vertu du présent Statut.

2. Quiconque a commis, ordonné, planifié ou incité à commettre, ou de toute autre manière aidé et encouragé à planifier, préparer ou exécuter un crime visé aux articles 5 à 8 du présent Statut est individuellement responsable dudit crime en tant qu’auteur ou complice.

3. La qualité officielle d’un accusé, soit comme Chef d’État ou de Gouvernement, soit comme haut fonctionnaire, ne l’exonère en aucun cas de sa responsabilité pénale au regard du présent Statut, plus qu’elle ne constitue en tant que telle un motif d’atténuation de la peine encourue.

4. Le fait que l’un quelconque des actes visés aux articles 5 à 8 du présent Statut ait été commis par un subordonné n’exonère pas son supérieur de sa responsabilité pénale s’il savait ou avait des raisons de savoir que le subordonné s’apprêtait à commettre cet acte ou l’avait fait et que le supérieur n’a pas pris les mesures nécessaires et raisonnables pour empêcher que ledit acte ne soit commis ou en punir les auteurs.

5. Le fait qu’un accusé ait agi en exécution d’un ordre d’un gouvernement ou d’un supérieur ne l’exonère pas de sa responsabilité pénale mais peut être considéré comme un motif d’atténuation de la peine.

 

Article 11 – Composition des chambres africaines extraordinaires et nomination des Juges

1. La Chambre africaine extraordinaire d’instruction du Tribunal Régional Hors Classe de Dakar sera composée de quatre (4) juges d’instruction titulaires de nationalité sénégalaise et deux (2) juges suppléants de nationalité sénégalaise nommés par le Président de la Commission de l’Union africaine sur proposition du Ministre de la Justice du Sénégal.

2.  La Chambre africaine extraordinaire d’Accusation de la Cour d’Appel de Dakar est composée de trois (3) juges titulaires de nationalité sénégalaise et d’un (1) juge suppléant de nationalité sénégalaise nommés par le Président de la Commission de l’Union africaine sur proposition du Ministre de la Justice du Sénégal.

3. La Chambre africaine extraordinaire d’Assises de la Cour d’Appel de Dakar est composée d’un Président, de deux (2) juges titulaires de nationalité sénégalaise et de deux (2) juges suppléants de nationalité sénégalaise nommés par le Président de la Commission de l’Union africaine sur proposition du Ministre de la Justice du Sénégal. Le Président de la Chambre est ressortissant d’un autre Etat membre de l’Union africaine.

4. La Chambre africaine extraordinaire d’assises d’Appel est composée d’un Président, de deux (2) juges titulaires de nationalité sénégalaise et de deux (2) juges suppléants sénégalais nommés par le Président de la Commission de l’Union africaine sur proposition du Ministre de la Justice du Sénégal. Le Président de la Chambre est ressortissant d’un autre Etat membre de l’Union africaine.

5. Les juges sont choisis parmi des personnes jouissant d’une haute considération morale, connus pour leur impartialité et leur intégrité et ayant exercé les fonctions de juges pendant au moins dix (10) ans. Les Présidents des Chambres africaines extraordinaires d’assises et d’appel doivent réunir en plus  les conditions requises dans leurs États respectifs pour l’exercice des plus hautes fonctions judiciaires.

 

Article 12 – Ministère public

1. Le Procureur général représente en personne ou par ses adjoints le ministère public  auprès des Chambres africaines extraordinaires. Le Procureur général et ses trois (3) adjoints  de nationalité sénégalaise sont nommés par le Président de la Commission de l’Union africaine sur proposition du Ministre de la Justice du Sénégal.

2. Les Procureurs doivent jouir  d’une haute considération morale, être connus pour leur impartialité et  leur intégrité, et avoir une  expérience professionnelle  d’au moins dix (10) ans,  et une grande expérience des enquêtes et des poursuites pénales. Les Procureurs exercent leurs fonctions en toute indépendance.

3. Le ministère public exerce l’action publique devant les Chambres africaines extraordinaires et sauf disposition contraire du présent Statut. Il dispose,  à cet effet, des pouvoirs qui lui sont conférés par le Code de procédure pénale sénégalais.

 

Article 13 – Greffe

1. Les Chambres africaines extraordinaires sont assistées d’un ou de plusieurs greffiers dont les attributions sont déterminées conformément au Code de procédure pénale sénégalais.

2. Les Greffiers des Chambres africaines extraordinaires sont nommés par le Ministre de la justice du Sénégal.

 

Article 14 – Principes généraux relatifs à la participation des victimes en   qualité de partie civile

1.    La constitution de partie civile peut avoir lieu à tout moment au cours de l’instruction et se fait par demande écrite de la victime ou son ayant droit au greffier. Le greffier communique la demande à la Chambre compétente, ainsi qu’au ministère public et à la défense.

2.    Les victimes peuvent former des groupes et décider d’être représentées par un représentant choisi en commun. Lorsque l’intérêt de la justice le commande, les Chambres africaines extraordinaires peuvent exiger des victimes ou d’un groupe particulier de victimes le choix, au besoin avec l’assistance de l’Administrateur, d’un ou de plusieurs représentants communs. Le mandat ainsi donné peut être révoqué à tout moment.

3.    Si les victimes ne sont pas en mesure de choisir un ou plusieurs représentants communs dans le délai imparti par la Chambre compétente, celle-ci peut demander à l’Administrateur de désigner un ou plusieurs représentants.

4.    Si un groupe de victimes n’a pas les moyens de rémunérer un représentant commun, il peut demander l’assistance de l’Administrateur qui statue sur la demande.

5.    Sous réserve des dispositions du présent Statut, les modalités de la participation des victimes sont régies par le Code de Procédure pénale sénégalais.

 

Article 15 – Administration des Chambres africaines extraordinaires

1. Le Ministre de la justice de la République du Sénégal nomme un Administrateur des Chambres africaines extraordinaires. L’Administrateur est en charge des aspects non-judiciaires de l’administration et du service des Chambres africaines extraordinaires. Il gère également les ressources en personneldes Chambres africaines extraordinaires en collaboration avec les différents Présidents de chambres et le Ministère public.  L’Administrateur est assisté, dans l’exercice de ses fonctions, par le personnel nécessaire au fonctionnement des Chambres africaines extraordinaires. 

2. L’Administrateur représente les Chambres africaines extraordinaires dans leurs relations avec la communauté internationale, y compris avec le Comité de Gestion établi par le Document Final de la Table ronde des donateurs du 24 novembre 2010.

3. L’Administrateur des Chambres africaines extraordinaires peut conclure les accords appropriés pour la mise en œuvre d’actions de sensibilisation et pour informer l’opinion publique africaine et internationale au sujet du travail des Chambres africaines extraordinaires. 

4. L’Administrateur est chargé d’orienter et d'aider de toute manière appropriée les témoins et les victimes qui comparaissent devant les Chambres africaines extraordinaires ainsi que les autres personnes auxquelles les dépositions de ces témoins peuvent faire courir un risque, ainsi que de prévoir les mesures et les dispositions à prendre pour assurer leur protection et leur sécurité. A cet effet, l’Administrateur coordonne son action avec les gouvernements du Tchad, du Sénégal et d’autres États concernés.

5. L’Administrateur contribue à l’établissement d’un mécanisme de coopération judiciaire entre le Sénégal et d’autres Etats.

 

Article 16 – Droit applicable

1. Les Chambres africaines extraordinaires appliquent, le présent Statut.

2. Pour les cas non prévus au présent Statut, elles appliquent  la loi sénégalaise.

 

Article 17 – Procédure et déclenchement de l’action publique

1. Les Chambres africaines extraordinaires appliquenten premier lieu le présent Statut et pour les cas non prévus le Code de Procédure pénale sénégalais.

2. Les crimes énoncés aux articles 5 à 8 du présent Statut ne peuvent faire l’objet d’une procédure de médiation.

3. L’action publique ne peut être mise en mouvement que par le ministère public près les Chambres africaines extraordinaires.

 4. Le Procureur peut ouvrir une information d'office ou sur la foi des renseignements obtenus de toutes sources, notamment des gouvernements, organisations internationales et non-gouvernementales ou sur plaintes des victimes sans préjudice de leur lieu de domiciliation.

 

Article 18 – Enquêtes et procédures judiciaires antérieures

1. Les Chambres africaines extraordinaires prennent toutes les mesures nécessaires pour la coopération judicaire, la réception et l’utilisation, en cas de besoin, des résultats des enquêtes menées par les autorités judiciaires d’autres États pour les crimes visés par le présent Statut.

2. Elles peuvent solliciter tous transferts de poursuite pénale et dans ce cadre valider les procès-verbaux et tout élément de preuve établi par les autorités compétente des pays requis.

 

Article 19 Non bis in idem

1. Sauf disposition contraire du présent Statut, nul ne peut être jugé par les Chambres africaines extraordinaires pour des actes constitutifs de crimes pour lesquels il a déjà été condamné ou acquitté par elles.

2. Nul ne peut être jugé par une autre juridiction pour les crimes visés des articles 5 à 8 pour lequel il a déjà été condamné ou acquitté par les Chambres africaines extraordinaires.

3. Quiconque a été jugé par une autre juridiction pour un comportement tombant aussi sous le coup des articles 5, 6, 7 ou 8 ne peut être jugé par les Chambres africaines extraordinaires que si la procédure devant l’autre juridiction :

a) Avait pour but de soustraire la personne concernée à sa responsabilité pénale pour des crimes relevant de la compétence des Chambres africaines extraordinaires ; ou

b) N’a pas été au demeurant menée de manière indépendante ou impartiale, dans le respect des garanties d’un procès équitable prévues par le droit international, mais d’une manière qui, dans les circonstances, était incompatible avec l’intention de traduire l’intéressé en justice.

 

Article 20 Amnistie

L’amnistie accordée à une personne relevant de la compétence des Chambres africaines extraordinaires pour les crimes visés aux articles 5 à 8 du présent Statut ne fait pas obstacle à l’exercice de poursuites.

 

Article 21 – Droits de l’accusé

1. Tous les accusés sont égaux devant les Chambres africaines extraordinaires.

2. Tout accusé a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement, sous réserve des mesures ordonnées par les Chambres africaines extraordinaires pour assurer la protection des victimes et des témoins.

3. Tout accusé est présumé innocent jusqu’à ce que sa culpabilité ait été établie, conformément aux dispositions du présent Statut.

4. Lors de l’examen des charges portées contre lui conformément au présent Statut,  tout accusé a droit au moins aux garanties suivantes :

     a)     être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu’il comprend et de  façon détaillée, de la nature et des motifs de l’accusation portée contre lui ;

     b)    disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense et communiquer librement avec le conseil de son choix;

     c)    être jugé sans retard excessif ;

     d)   être présent à son procès et se défendre lui-même ou être assisté d’un conseil de son choix ; s’il n’a pas de conseil, être informé de son droit d’en avoir un, et, chaque fois que l’intérêt de la justice le commande, se voir commettre d’office un conseil, sans frais, s’il n’a pas les moyens de le rémunérer ;

     e)    interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la comparution et l’interrogatoire des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge ;

     f)    se faire assister gratuitement d’un interprète s’il ne comprend pas ou ne parle pas la langue employée;

    g) ne pas être forcé de témoigner contre lui-même ou de s’avouer coupable.

 

Article 22 – Audiences

Les audiences sont publiques et les questions relatives à la conduite des audiences sont régies par le Code de procédure pénale sénégalais.  

 

Article 23 Sentence

1. La Chambre africaine extraordinaire d’assises prononce des sentences et impose des peines et sanctions à l’encontre des personnes convaincues de violations graves des droits de l’homme, du droit international et de la coutume internationale.

 2. La sentence est rendue en audience publique à la majorité des juges de la Chambre africaine extraordinaire d’assises. Elle est établie par écrit et motivée.

 

Article 24 – Peines applicables

1. Les Chambres africaines extraordinaires peuvent prononcer contre une personne déclarée coupable d’un crime visé aux articles 5 à 8 du présent Statut l’une des peines suivantes :

a) une peine d’emprisonnement à temps de trente (30) ans au plus ; ou

b) une peine d’emprisonnement à perpétuité, si l’extrême gravité du crime et la situation personnelle du condamné le justifient.

2. À la peine d’emprisonnement, les Chambres africaines extraordinaires peuvent ajouter :

a)   Une amende fixée selon les critères prévus par la loi sénégalaise;

b) La confiscation des profits, biens et avoirs tirés directement ou indirectement du crime, sans préjudice des droits des tiers de bonne foi.

 

Article 25 – Procédures d’appel

1. La Chambre africaine extraordinaire d’assises d’appel est compétente pour examiner en dernier ressort les appels interjetés par le Procureur ou les personnes condamnées ou les parties civiles quant à ses intérêts civils seulement par la chambre africaine extraordinaire d’Assises pour les motifs suivants :

a)    Une erreur de procédure ;

b)    Une erreur sur une question de droit matériel qui invalide la décision ; y compris une erreur sur la compétence ;

c)    Une erreur de fait qui a entrainé un déni de justice.

2. La Chambre africaine extraordinaire d’assises d’appel peut, selon le cas, confirmer, annuler ou réformer les décisions prises par la chambre africaine extraordinaire d’assises.

3. Les juges de la chambre africaine extraordinaire d’appel d’assises peuvent s’inspirer de la jurisprudence des cours ou tribunaux pénaux internationaux.

4.Les arrêts rendus par la Chambre africaine extraordinaire d’assises d’appel sont définitifs. Ils ne sont susceptibles d’aucune voie de recours même extraordinaire.

 

Article 26 – Mesures de détention provisoire et exécution des peines

1. Toute mesure de détention provisoire et de détention ordonnée par les Chambres africaines extraordinaires préalablement au jugement final est exécutée au Sénégal au sein des établissements pénitentiaires existants et conformément à la pratique et au droit sénégalais.

2. Les peines d’emprisonnement sont exécutées conformément aux standards internationaux. Si les circonstances l’exigent, le condamné peut purger sa peine d’emprisonnement dans l’un des États membres de l’Union africaine qui a conclu un accord d’exécution des peines avec le Sénégal.

3. Les conditions de détention, que ce soit au Sénégal ou dans un autre État  membre de l’Union africaine, sont régies par la loi de l’État d’exécution et conformes aux standards internationaux. L’État d’exécution est lié par la durée de la peine.

4. Les  juridictions nationales seront en charge de toutes procédures, relatives notamment à la détention, qui pourraient survenir postérieurement à la dissolution des Chambres africaines extraordinaires.

5.Les autorités nationales compétentes font exécuter les peines d’amende et les mesures de confiscation ordonnées par les Chambres africaines extraordinaires en vertu de l’article 22, conformément à la législation du lieu de localisation des biens et avoirs.

 

Article 27 – Réparations

1. Les réparations accordées par les Chambres africaines extraordinaires sont la restitution, l’indemnisation et la réhabilitation.

2. Les Chambres africaines extraordinaires peuvent décider que l’indemnité accordée à titre de réparation soit versée par l’intermédiaire du fonds visé à l’article 28 du présent Statut.

3. Avant de rendre une décision en vertu du présent article, les Chambres africaines extraordinaires peuvent  solliciter les observations de la personne condamnée, des victimes et des autres personnes ou Etats intéressés.

4. Les dispositions du présent article s’entendent sans préjudice des droits que le droit interne ou le droit international reconnaissent aux victimes.

 

Article 28 – Le fonds au profit des victimes

1. Un fonds est créé, au profit des victimes de crimes relevant de la compétence des Chambres africaines extraordinaires et de leurs ayant droits. Ce fonds est alimenté par des contributions volontaires de gouvernements étrangers, d’institutions internationales, d’organisations non gouvernementales et d’autres sources désireuses d’apporter un soutien aux victimes.  

2. Les réparations peuvent être attribuées aux victimes individuellement ou collectivement, qu’elles aient ou non participé aux procédures devant les Chambres africaines extraordinaires.

 

Article 29 –  Privilèges et immunités

1. Les juges de nationalité étrangère, ainsi que les membres de leur famille qui font partie de leur ménage, jouissent des privilèges et immunités, exemptions et facilités, y compris fiscales, accordés aux agents diplomatiques conformément à la Convention de Vienne de 1961 sur les relations diplomatiques. Ils sont exonérés d’impôts sur leurs traitements, émoluments et indemnités au Sénégal.

2. Les Juges, les Procureurs, les Greffiers, l’Administrateur et les autres membres du personnel des Chambres africaines extraordinaires de nationalité sénégalaise  jouissent, conformément à la Convention générale de l’Organisation de l’Unité africaine (OUA) sur les privilèges et immunités,  des privilèges et immunités suivants :

a)      de l’immunité de juridiction pénale et civile pour tous les actes (y compris leurs paroles et écrits) qu’ils accomplissent dans l’exercice de leurs fonctions. Cette immunité est maintenue après qu’ils ont quitté le service des Chambres africaines extraordinaires.

b)      de l’exonération de tout impôt sur les traitements, indemnités et émoluments qui leur sont versés dans le cadre de leur participation aux Chambres africaines extraordinaires.

 

Article 30   Langue de travail

La langue de travail des Chambres africaines extraordinaires est la langue française.

 

Article 31 – Dispositions pratiques

1.  La mise en place  des Chambres africaines extraordinaires se fait  selon l’ordre chronologique  suivant :

a)    Les Procureurs et les procureurs adjoints, les juges d’instruction de la Chambre africaine extraordinaire d’accusation de la Cour d’appel de Dakar et les Greffiers sont nommés lors de la première étape de création des Chambres africaines extraordinaires.

b)     Lors de la phase d’instruction, les juges de la Chambre africaine extraordinaire d’Accusation sont saisis et statuent sur tout recours qui leur sera déféré en vertu du Code de Procédure pénale du Sénégal. La décision de la Chambre africaine extraordinaire d’accusation est définitive et sans recours.

c)    Les juges de la Chambre africaine extraordinaire d’Assises seront appelés à siéger de manière permanente à la fin de l’instruction. Les juges de la Chambre africaine extraordinaire d’Assises d’Appel siégeront au moment où un appel est interjeté à l’encontre de la décision rendue en premier ressort par la Chambre africaine extraordinaire d’Assises.

 2. Le mandat des juges se termine à l’issue de leurs phases d’intervention respectives.

 

Article 32 Budget

1. La mise en place et le fonctionnement des Chambres africaines extraordinaires sont financés par le budget approuvé par la Table ronde du 24 novembre 2010.

2. Des ressources financières supplémentaires peuvent être mobilisées en cas de besoin au moment opportun. 

 

Article 33 – Accès au procès

Toutes les mesures raisonnables seront prises afin de garantir l’accès au procès de toutes les parties concernées ainsi que des représentants de la presse, des observateurs de la communauté internationale et de l’Union africaine et des représentants de la société civile.

 

Article 34 – Protection des parties et témoins au procès

Le gouvernement du Sénégal assure, sur son territoire, la protection des parties et témoins au procès pendant toute la durée des procédures et jusqu’à  leur terme.

 

Article 35 – Protection des témoins et experts

La protection des témoins et experts pour les actes accomplis au cours de la procédure devant les Chambres africaines extraordinaires est régie par l’Accord relatif àla création des Chambres africaines extraordinaires conclu entre l’Union africaine et le Gouvernement de la République du Sénégal.

 

Article 36 – Enregistrement des audiences

Les audiences devant les Chambres africaines extraordinaires, sous l’autorité du Procureur général, sont filmées et enregistrées afin d’être diffusées sauf si cela contrevient aux mesures nécessaires à la protection des témoins et autres participants.   

 

Article 37 – Durée d’existence des Chambres africaines extraordinaires

1. Les Chambres africaines extraordinaires sont dissoutes de plein droit une fois que les décisions auront été définitivement rendues.

2. Les dossiers sont archivés au Greffe de la Cour d’appel de Dakar une fois que les Chambres africaines extraordinaires auront été dissoutes.

3. Les  juridictions nationales sont en charge de toutes les questions qui pourraient survenir postérieurement à la dissolution des Chambres africaines extraordinaires.

 

 

 

 

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