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Guinée : Les victimes du massacre du stade attendent que justice leur soit rendue

À la veille du troisième anniversaire des meurtres et des viols, l’enquête doit bénéficier d’un soutien renforcé

(Johannesburg) – Les centaines de victimes du massacre, des viols et des autres abus commis en 2009 par les forces de sécurité en Guinée attendent toujours que justice leur soit rendue, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui à la veille du troisième anniversaire des attaques. Le gouvernement guinéen doit renforcer son soutien vis-à-vis de l’enquête menée à l’échelle nationale, afin que les responsables de ces crimes puissent être traduits en justice sans plus attendre.

Le 28 septembre 2009, plusieurs centaines de membres des forces de sécurité de Guinée ont fait irruption dans un stade de la capitale guinéenne, Conakry, et ont ouvert le feu sur les dizaines de milliers de partisans de l’opposition qui s’y étaient rassemblés pacifiquement. À la fin de l’après-midi, au moins 150 Guinéens gisaient morts ou mourant, et des dizaines de femmes avaient subi des violences sexuelles brutales, y compris des viols individuels ou collectifs.

« Il serait temps pour les victimes et les proches de ceux qui ont perdu la vie de voir les auteurs des crimes atroces du 28 septembre 2009 être obligés de répondre de leurs actes », a déclaré Elise Keppler, juriste senior au programme Justice internationale de Human Rights Watch. « De plus, l’absence continuelle de mesures de la part de l’État visant à poursuivre les violateurs des droits humains responsables de plusieurs décennies de répression en Guinée a encouragé d'autres abus. »

En février 2010, un comité national de juges a été nommé pour enquêter sur les crimes du 28 septembre. Le comité a fait d’importants progrès dans le cadre de l’enquête, notamment en interrogeant plus de 200 victimes, a expliqué Human Rights Watch. Des poursuites ont aussi été engagées contre au moins sept personnes en lien avec les crimes : il s’agit, entre autres, de Moussa Tiégboro Camara, le ministre guinéen actuel en charge de la lutte contre le trafic de drogue et le crime organisé et, plus récemment, du colonel Abdoulaye Cherif Diaby, qui était ministre de la Santé de Guinée à l’époque des faits.

Cependant, plus de deux ans après le massacre, plus de 100 victimes attendent de pouvoir faire leur déposition auprès des juges d’instructions et une enquête doit encore être réalisée sur de possibles fosses communes. De même, les juges d’instruction n’ont toujours pas interrogé deux des personnes clés impliquées dans les crimes : le capitaine Moussa Dadis Camara, qui était président à l’époque, et le capitaine Claude « Coplan » Pivi, qui était ministre de la Sécurité présidentielle au moment des faits et qui occupe toujours cette fonction. Le collège de juges n’a pas non plus interrogé les autres témoins des services de sécurité de la Guinée.

Jusqu’à présent, les juges d’instruction n’ont pas disposé de l’équipement et des ressources nécessaires et n’ont bénéficié que d’une protection limitée. De plus, les principaux suspects n’ont pas été démis de leurs fonctions au gouvernement le temps de l’enquête : c’est le cas, par exemple, de Moussa Tiégboro Camara qui occupe une position lui permettant d’intervenir dans les enquêtes criminelles.

Une enquête menée par Human Rights Watch en 2009 a conduit à la supposition que les meurtres, les viols et les autres abus perpétrés par les forces de sécurité le 28 septembre et après s’élèvent au rang de crimes contre l’humanité, étant donné leur ampleur et leur nature systématique. Une commission d’enquête établie par le Secrétaire général des Nations Unies a également jugé qu’il était raisonnable de conclure que des crimes contre l’humanité ont été commis.

En octobre 2009, le Bureau du Procureur de la Cour pénale internationale (CPI) a placé la situation en Guinée – qui a rejoint la CPI en 2003 – sous examen préliminaire. La question de l’ouverture possible d’une enquête de la CPI en Guinée reste en suspens : d’après le principe de complémentarité de la CPI, la Cour n’agit que lorsque les autorités nationales n’ont pas la capacité ou la volonté d’entreprendre des poursuites.

Mais même si la CPI ouvrait une enquête, sa marge de manœuvre pour garantir la justice serait limitée parce qu’elle se concentre uniquement sur les génocides, les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et les suspects aux plus hauts niveaux de responsabilité, et qu’elle est basée à des milliers de kilomètres de la Guinée.

Human Rights Watch a conduit une mission de recherche en Guinée en juin 2012 pour évaluer la progression de l’enquête sur le massacre du 28 septembre 2009, dans le but de promouvoir une enquête et des procès efficaces et justes au sein du pays. Un rapport sur cette mission de recherche sera publié prochainement.

« La Guinée envoie un terrible message aux victimes en permettant aux principaux suspects de rester en fonction au gouvernement d’où ils peuvent influencer l’enquête », a précisé Elise Keppler. « Alors que les juges d’instruction ont fait quelques progrès dans l’enquête, ils doivent être davantage soutenus par le gouvernement guinéen afin de mettre un terme au cycle d’abus et d’instaurer le respect de la règle de droit en Guinée. »

 

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