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Cameroun : Lettre au Ministre de la Justice concernant les droits des personnes LGBT

L’article 347 bis du Code pénal porte atteinte aux droits des personnes présumées gays, lesbiennes, bisexuelles ou transgenres

Monsieur le Ministre de la Justice Laurent Esso
Ministère de la Justice
BP 466, Yaoundé
Cameroun

Par fax : +237 2 223 55 59

le 22 décembre 2011

Monsieur le Ministre,

En novembre 2010, nous avons eu l’honneur de rencontrer votre prédécesseur, Amadou Ali, dans son bureau en compagnie des représentants d’Alternatives Cameroun et de l’ADEPHO, deux organisations camerounaises. À cette occasion, nous lui avions présenté notre rapport intitulé « Criminalisation des identités : Atteintes aux droits humains au Cameroun fondées sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre ».

Ce rapport explique comment le gouvernement utilise l’article 347 bis du Code pénal pour priver de leurs droits fondamentaux les personnes présumées gays, lesbiennes, bisexuelles ou transgenres. Il décrit les arrestations et les abus commis par les forces de police, les mauvais traitements infligés aux prisonniers et l’incapacité du gouvernement à protéger les homosexuels ou les individus perçus comme tels contre les agressions de membres de la société camerounaise.

Lors de notre rencontre, nous avions exhorté M. Ali et le gouvernement  camerounais à réparer cette injustice en dépénalisant les relations sexuelles entre adultes consentants du même sexe, de manière à ce que tous les Camerounais puissent exercer pleinement leurs droits, quelles que soient leur orientation sexuelle ou leur identité de genre. Nous vous avions demandé de mettre en œuvre les recommandations du Comité des droits de l’homme des Nations Unies, rendues publiques le 29 juillet 2010, pour mettre la législation camerounaise en conformité avec le Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Depuis cette rencontre de novembre 2010, la situation des personnes gays, lesbiennes, bisexuelles et transgenres au Cameroun s’est aggravée. En 2011, plus de dix hommes ont été arrêtés et accusés de comportement homosexuel. Le 22 novembre, trois d’entre eux ont été condamnés à cinq ans de prison. Le 23 novembre, deux autres personnes ont été arrêtées. Elles attendent aujourd’hui d’être présentées devant la justice.

Human Rights Watch a appris que le pouvoir législatif du Cameroun a entamé la procédure parlementaire de révision du Code pénal. Il s’agit là d’une excellente opportunité pour dépénaliser le comportement homosexuel entre adultes consentants. Nous avons remarqué que le gouvernement a proposé deux nouveaux systèmes distincts de peines d’emprisonnement et d’amendes, l’un pour punir les relations sexuelles avec un enfant du même sexe, et l’autre pour punir les relations sexuelles avec un enfant de sexe différent. Human Rights Watch soutient la pénalisation par le Cameroun des relations sexuelles non consenties, notamment entre un adulte et un enfant. Cependant, la différence de traitement des cas où l’acte a été commis par une personne du même sexe nous apparaît injustifiée. Lorsqu’une personne homosexuelle se rend coupable d’un crime, elle doit être punie de la même manière qu’une personne hétérosexuelle, ni plus ni moins.

Par cette lettre ouverte, j’en appelle à vous et à toute personne ayant l’autorité nécessaire, pour libérer tous les individus actuellement en détention en vertu de l’article 347 (a) ou uniquement en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre, qu’elles soient avérées ou présumées, et abandonner les charges retenues contre ces individus ; pour mettre un terme aux arrestations, aux poursuites et à toute autre forme de persécution et de discrimination des gays, lesbiennes, bisexuelles et transgenres, ou des individus perçus comme tels ; pour abroger toute loi qui pénalise les relations sexuelles entre adultes consentants ; pour retirer toute proposition de loi qui alourdit les peines encourues pour des relations sexuelles consenties entre personnes de même sexe et pour modifier toute proposition qui entraîne une différence de traitement dans les affaires d’actes sexuels commis sur un enfant de même sexe par rapport à celles où l’enfant est de sexe différent.

Dans l’attente de votre réponse, nous vous prions de bien vouloir agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de notre très haute considération.

 

Boris O. Dittrich

Directeur chargé du plaidoyer

Programme sur les droits des lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres

Human Rights Watch

 

Yves Yomb

Directeur exécutif

Alternatives-Cameroun

 

Alice Nkomb

Présidente

Association pour la défense de l’homosexualité (ADEFHO)

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