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Union africaine : Présentation d’un nouveau projet pour juger Hissène Habré

Le Sénégal est appelé à accepter le projet de juridiction mixte proposé par la Commission de l’UA

(Addis Abeba, le 26 janvier 2011) - Le Sénégal devrait accepter le projet de la Commission de l'Union africaine pour faire juger Hissène Habré devant une juridiction spéciale composée de juges sénégalais et africains, ont déclaré aujourd'hui des organisations de défense des droits humains.


Ce projet, rédigé en réponse à la décision d'une cour de justice ouest-africaine exigeant que Habré soit jugé par une juridiction spéciale, sera au centre des discussions lors du Sommet de l'Union africaine qui s'ouvre le 30 janvier à Addis Abeba.


« L'Union africaine a proposé un plan excellent pour juger Hissène Habré », a déclaré Jacqueline Moudeina, présidente de l'Association tchadienne pour la promotion et la défense des droits de l'Homme (ATPDH). « Si le Sénégal veut vraiment que Habré soit jugé, il doit accepter le projet de l'Union africaine afin que la justice, tant attendue, soit enfin rendue dans cette affaire. »


Le projet de la Commission de l'Union africaine, présenté dès le 12 janvier au président du Sénégal, Abdoulaye Wade, par le Commissaire de l'Union africaine à la paix et la sécurité, M. Ramtane Lamamra, prévoit la création de Chambres africaines extraordinaires au sein des tribunaux sénégalais, dont les présidents de Chambre, de première instance et d'appel, seraient nommés par l'Union africaine. Les Chambres seraient habilitées à poursuivre la personne ou les personnes « qui portent la responsabilité la plus lourde » pour génocide, crimes contre l'humanité, crimes de guerre et de torture commis au Tchad entre juin 1982 et décembre 1990.


Le 18 novembre 2010, la Cour de Justice de la Communauté Economique des Etats d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) a décidé que Habré devait être jugé dans le cadre « d'une procédure spéciale ad hoc à caractère international ».


Une semaine plus tard, le 24 novembre, les donateurs internationaux se sont réunis à Dakar et ont engagé les fonds couvrant intégralement le budget prévu pour le procès estimé à 11,7 millions de dollars. Le ministre de la justice sénégalais a d'ailleurs affirmé à cette occasion que la Table ronde des donateurs était « le parachèvement du long processus de préparation, devant aboutir au démarrage effectif du procès », et que le Sénégal examinerait avec l'Union africaine les moyens de répondre à la décision de la Cour de la CEDEAO.


Le Président Wade est ensuite revenu sur ces avancées le 10 décembre et a invoqué la décision de la Cour de la CEDEAO en annonçant qu'il "en avait assez" de l'affaire Habré qu'il la « renvoyait » à l'Union africaine.

Le 12 janvier 2011, en réponse aux déclarations du Président Wade, le Comité des Nations Unies contre la Torture a écrit au Sénégal pour lui rappeler son « obligation » de juger ou d'extrader Habré en Belgique, qui en avait fait la demande en 2005. (voir lettre du CAT ici)

Dans un communiqué en date du 19 janvier, le Président Wade a déclaré que Habré devait être jugé en Afrique, et a évoqué la possibilité de renvoyer Habré au Tchad pour qu'il y soit jugé. Le Président tchadien, Idriss Deby a annoncé récemment, à plusieurs occasions, qu'il était prêt à accepter le procès au Tchad. Les organisations de défense des droits humains ont exprimé la crainte que Habré ne bénéficie pas d'un procès équitable au Tchad ou qu'il soit maltraité ou condamné à mort. En effet, Habré a déjà été condamné à mort par contumace par une cour tchadienne en 2008 en raison de sa participation alléguée à la rébellion visant à renverser le Président Déby.


« En aucun cas Habré ne pourrait bénéficier d'un procès équitable au Tchad », a affirmé Dobian Assingar, le Président honoraire de la Ligue Tchadienne des Droits de l'Homme, et représentant la Fédération Internationale des Ligues des Droits de l'Homme (FIDH). « Les juridictions tchadiennes sont sous la houlette de l'exécutif. »


« La crédibilité du Sénégal en matière de lutte contre l'impunité est en jeu dans cette affaire. En effet, le Sénégal ne cesse de contester l'action des tribunaux internationaux contre des dirigeants africains, et par ailleurs se dérobe à ses propres obligations internationales », a rappelé Alioune Tine, président de la Rencontre Africaine pour la Défense des Droits de l'Homme (RADDHO).


Les organisations - Human Rights Watch, FIDH, ATPDH, RADDHO - ont réaffirmé qu'elles considéraient l'extradition de Habré vers la Belgique comme la mesure la plus efficace et la plus rapide pour que Habré réponde des charges qui pèsent contre lui, avec toutes les garanties d'un procès équitable.


Hissène Habré est accusé de milliers d'assassinats politiques et de torture systématique alors qu'il dirigeait le Tchad entre 1982 et 1990, et avant qu'il ne s'enfuie au Sénégal.

Habré a ensuite été inculpé au Sénégal en 2000 avant que la justice sénégalaise ne se déclare incompétente pour le juger. Ses victimes se sont alors tournées vers la Belgique. A l'issue de quatre années d'enquête, un juge belge a délivré un mandat d'arrêt international en septembre 2005 accusant Habré de crimes contre l'humanité, de crimes de guerre et d'actes de torture et a demandé son extradition.


Les autorités sénégalaises ont ensuite consulté l'Union africaine sur la « juridiction compétente » pour le juger. Le 2 juillet 2006, l'Union africaine a demandé au Sénégal de juger Hissène Habré « au nom de l'Afrique », ce que le Président du Sénégal, Abdoulaye Wade, a accepté. Cependant, il a refusé de s'exécuter pendant plusieurs années, jusqu'à ce que le Sénégal reçoive les fonds pour financer le procès.

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