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Lettre au Ministre de la justice congolais sur l’avant-projet de loi sur la création de chambres spécialisées mixtes au sein du système judiciaire national congolais

Votre Excellence,

 

Nous vous écrivons pour vous soumettre un certain nombre de recommandations clés relatives à l’avant-projet de loi sur la création de chambres spécialisées mixtes au sein du système judiciaire national congolais, qui auraient compétence pour connaitre de crimes graves commis en violation du droit international. Vous avez présenté cet avant-projet de loi lors du séminaire qui s’est déroulé récemment à Kinshasa, du 29 au 30 novembre 2010.

 

De prime abord, nous tenons à souligner que nos organisations ont apprécié l’essentiel de la réponse officielle du gouvernement congolais au rapport des Nations Unies sur le « Projet Mapping concernant les violations les plus graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire commises entre mars 1993 et juin 2003 sur le territoire de la République démocratique du Congo » (rapport de Mapping de l’ONU),[1]exposée dans votre communiqué de presse publié le 2 octobre 2010.[2]Nous avons noté avec satisfaction l’accent mis de nouveau par le gouvernement sur sa politique de« tolérance zéro » à l’égard des crimes graves tels que les meurtres, les actes de torture, les violences sexuelles de masse et le pillage. Nous avons aussi été encouragés par l’engagement exprimé par le gouvernement d'adopter des mesures concrètes, avec l'aide et le soutien financier de la communauté internationale, pour lutter contre l'impunité pour ces crimes. Concrètement, le gouvernement congolais a proposé de créer et de mettre en place des chambres spécialisées mixtes au sein du système judiciaire national, ainsi que des mécanismes non judiciaires de lutte contre l’impunité, comme par exemple une Commission Vérité et Réconciliation et un système de réparations pour les victimes.

adm

 

La préparation rapide d’un avant-projet de loi sur les chambres spécialisées mixtes est une démonstration positive de votre détermination à agir au plus vite pour renforcer les poursuites judiciaires au niveau national des crimes internationaux les plus graves.

 

Nous pensons que ces chambres spécialisées mixtes satisferont les conditions en droit international pour la création de juridictions spéciales. En effet, les chambres spécialisées mixtes proposées sont nécessaires pour des raisons sérieuses et objectives et les individus et crimes visés par leur création ne peuvent actuellement pas être poursuivis de façon efficace par le système judiciaire national.[3]Les procès devant les chambres spécialisées mixtes devraient donc satisfaire les critères de procès équitables, en conformité avec le Protocole International sur les Droits Civils et Politiques.[4]

 

L’avant-projet de loi devant instituer des chambres spécialisées mixtes est manifestement le produit d'une réflexion approfondie. Nos organisations tiennent à souligner plusieurs éléments positifs dans cet avant-projet de loi.  Il s’agit entre autres du fait que la compétence ratione temporis des chambres spécialisées mixtes proposées n’est pas limitée à la période couverte par lerapport Mapping de l’ONU mais s’étend aux crimes actuels et futurs ; du fait que les chambres spécialisées mixtes proposées seront créées au sein du système de justicepénale civile ; de la mise en place d’équipes d’enquête spécialisées  qui se consacreront aux crimes internationaux graves  et de l’introduction de la compétence universelle permettant aux chambres spécialisées mixtes de poursuivre et réprimer les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et le crime de génocide, et ce, en accord avec le droit international.

 

En même temps, nous pensons que le texte, dans sa formulation actuelle, nécessite encore un certain nombre de clarifications et de précisions afin de garantir que les chambres spécialiséesmixtes soient en mesure de s’acquitter de leur mandat de manière efficace et en conformité avec le droit international et, plus largement, afin de renforcer la capacité du système de justice congolais à lutter contre l’impunité des auteurs des crimes internationaux. Nous décrivons ci-dessous les lignes générales qui, selon nous, devraient guider le processus de révision de l'avant-projet de loi sur les chambres spécialisées mixtes, ainsi que des recommandations spécifiques que nous vous invitons à prendre en considération lors de la révision du projet actuel.

 

Il est essentiel pour le succès de cette initiative que le processus de préparation de l’avant-projet de loi poursuive et améliore les efforts de transparence et d'inclusion des différents partenaires. Les acteurs qui joueront un rôle important dans la création, le fonctionnement et la réussite future des chambres spécialisées mixtes, notamment le personnel judiciaire, les organisations de la société civile, les partenaires du développement et les Nations Unies doivent continuer à être consultés et avoir la possibilité de présenter leurs observations.  Nous recommandons donc qu’un autre séminaire puisse être organisé afin de présenter et discuter des améliorations apportées par le comité de rédaction mis en place lors du premier séminaire à Kinshasa.

 

Nos organisations souhaitent pouvoir présenter individuellement d'autres commentaires en ce qui concerne l’avant-projet de loi à un stade ultérieur. En attendant, veuillez trouver ci-dessous un certain nombre de recommandations sur lesquelles nos diverses organisations sont d’accord.

 

1. Rationaliser le nombre de chambres mixtes proposées afin qu’elles répondent plus directement et plus efficacement aux crimes les plus graves

 

L’avant-projet de loi actuel propose la création d’une chambre spécialisée mixte de première instance, ainsi que d’une chambre d’appel spécialisée, ayant toutes deux compétence pour les crimes internationaux graves, dans chacune des 11 cours d’appel du pays.

 

Nous nous interrogeons sur la faisabilité et l'opportunité de cet arrangement. Tout d’abord, des crimes internationaux graves n’ont pas été commis dans les mêmes proportions dans chacune des provinces judiciaires de la République démocratique du Congo (RDC), comme l’illustre le rapport Mapping de l’ONU. Ces dernières années, un nombre élevé de crimes ont eu lieu dans les provinces du Nord et du Sud Kivu. Il est donc probable que les chambres mixtes spécialisées connaitraient un déséquilibre important dans leurs charges de travail respectives. De plus, établir et faire fonctionner un grand nombre  de chambres mixtes est susceptible d’être très coûteux ou risque d’être mis en place au détriment d’investissements suffisants dans chacune d’elles. Afin d’être efficaces, ces chambres mixtes auront besoin d’avoir des unités spécialisées d’enquête, du personnel international, des ressources en matière de protection des victimes et des témoins ou des équipements matériels spécifiques. Il pourrait être difficile d'attirer le financement des bailleurs de fonds pour un si grand nombre de chambres. 

 

Dans ce contexte, il semblerait plus efficace de concentrer le personnel, les ressources et l’expertise nécessaires consacrés à poursuivre les crimes internationaux graves dans les juridictions situées à proximité de l'endroit où la majeure partie des crimes ont été commis. On pourrait, par exemple, imaginer un nombre limité de «pôles » où ces chambres mixtesspécialisées pourraient être créées et qui se répartiraient la compétence géographique des différentes provinces du pays.

 

Une possibilité, par exemple, pourrait être d'avoir une chambre spécialisée mixteétablie dans une des cours d’appel de Kinshasa, avec des sous-sections situées à Goma, Bukavu et Kisangani. Le greffe de la chambre spécialisée mixte à Kinshasa pourrait également assumer certaines responsabilités spécifiques mieux exercées depuis la capitale, comme par exemple l’établissement de contacts réguliers avec les partenaires du développement et l’ONU pour des questions administratives ou de coopération.

 

Chacun des «pôles» aurait aussi sa propre cour d’appel spécialisée, comme prévu dans l’avant-projet de loi actuel. Une élaboration plus poussée est nécessaire dans l’avant-projet de loi en ce qui concerne la phase d’appel. En effet, il sera très important d'intégrer des garanties suffisantes dans les procédures d’appel afin de s’assurer que des enquêtes, des poursuites et des procès solides ne sont pas renversés en appel en raison d’un manque d’indépendance, d’impartialité, ou de compétence au niveau de la cour d’appel. Il peut également être utile d'envisager la possibilité d'organiser sur une base ad hoc une chambre spécialisée à la Cour de Cassation, comme ultime recours en cas de jurisprudence contradictoire provenant des chambres d’appel prévues.

 

Comme mentionné ci-dessus, nos organisations accueillent très favorablement la proposition de créer ces chambres mixtes spécialisées dans le système judiciaire civil. En effet, cela est nécessaire en vertu de la constitution congolaise, et reflète l’état des normes internationalement acceptées.[5]Cette proposition est également en accord avec la proposition de loi de mise en œuvre du Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI) actuellement devant le parlement et qui confère aux tribunaux civils la compétence pour juger des crimes relevant de la CPI.

 

2. Renforcer la présence de personnel international  - temporairement – dans le but de renforcer l’indépendance et l’expertise des chambres mixtes spécialisées :

 

L’avant-projet de loi actuel prévoit que les chambres spécialisées mixtes  seront composées de 5 magistrats, à savoir un président, deux conseillers et deux juges ad litem. Il est expressément prévu que le président et les juges ad litem peuvent être choisis parmi des candidats internationaux.

 

Nous nous félicitons de la proposition d'inclure des juges internationaux.

 

Cela étant dit,  nos organisations demandent que cette présence internationale proposée soit considérablement renforcée, tant pour siéger dans la chambre qu’au sein d'autres organes judiciaires qui joueront un rôle dans la poursuite des crimes internationaux graves, notamment le Ministère Public et le greffe ; y compris dans les équipes d'enquêtes où une expertise internationale peut permettre un apport significatif tant aux méthodes qu'aux résultats.

Cela est essentiel pour un certain nombre de raisons. Tout d’abord, un écueil important dans les poursuites judiciaires nationales actuelles de crimes internationaux graves est la mauvaise qualité des enquêtes et l’ingérence visant à interrompre les procédures engagées contre des accusés de haut rang au stade des enquêtes. La seule présence de juges internationaux à la phase du procès ne remédiera pas à cette situation. En outre, une présence internationale plus développée favoriserait le renforcement des capacités du système judiciaire congolais dans les différents domaines inclus dans les poursuites de crimes internationaux graves, notamment les enquêtes complexes (responsabilité de commandement, violences sexuelles, preuves médico-légales), la protection des victimes et des témoins, et s’assurer que les accusés bénéficient de tous leurs droits à un procès juste et équitable. Enfin, une présence internationale renforcée permettrait également – par le partage d’expérience - d'isoler les chambres mixtes spécialisées de toute ingérence politique. De plus, une présence internationale à tous les niveaux pourrait aider à dissuader d’éventuels actes d’intimidation et des menaces contre le personnel judiciaire congolais.

 

Afin d'améliorer l’indépendance et la crédibilité des chambres spécialisées mixtes, nous demandons instamment que l’avant-projet de loi soit révisé afin de prévoir que la chambre soit composée d’une majorité de juges internationaux, au moins pour une période initiale. Cette répartition pourrait être modifiée après quelques années de fonctionnement, quand le climat sera plus favorable aux poursuites de crimes graves internationaux. Nous recommandons aussi qu'un Procureur-adjoint international soit nommé pour travailler avec le Procureur-adjoint congolais attribué à chaque chambre spécialisée mixte (ou alternativement, que le Procureur-adjoint soit un international les premières années, pour être ensuite remplacé par un congolais). Enfin, la possibilité d'embaucher des experts internationaux pour aider aux enquêtes et à la gestion des affaires impliquant des crimes internationaux graves doit être expressément prévue dans l’avant-projet de loi. Par exemple, des experts internationaux ayant une expérience avérée dans le domaine des enquêtes sur les violences sexuelles, la prise en charge psychologique, la protection des victimes et des témoins,  et la sensibilisation et  la communication, apporteraient une contribution importante au travail des chambres spécialisées mixtes et à la justice congolaise dans son ensemble. Cette possibilité est expressément prévue dans la note explicative sur l’avant-projet de loi préparée par les professeurs Akele et Liwerant[6]et devrait être explicitement mentionnée dans la loi créant les chambres spécialisées mixtes.

 

Les membres du personnel congolais seront évidemment des acteurs essentiels dans le fonctionnement des chambres. Ils apporteront la connaissance des racines historiques des conflits et des incidents, ils seront familiarisés avec le contexte culturel et  possèderont l’expertise du droit pénal congolais et de ses procédures. Il serait également utile de considérer spécifiquement la possibilité de recruter des personnels congolais ayant une expérience dans des cours et tribunaux régionaux ou internationaux. Une collaboration efficace entre le personnel national et international sera donc indispensable pour que les chambres spécialisées mixtes puissent fonctionner de façon efficiente.

 

Il est convenu que l'inclusion du personnel international ne doit être que temporaire. Actuellement, l’avant-projet de loi  met en avant un mandat de deux ans pour les juges ad litem. C'est trop court. L’expérience menée ailleurs avec d’autres chambres spécialisées mixtes a montré qu’il peut être préférable de ne pas fixer arbitrairement une date à laquelle toute présence internationale prendra fin. Il serait cependant utile pour l’avant-projet de loi de prévoir la préparation par le ministère de la Justice, en consultation avec les partenaires internationaux et la société civile, d’une stratégie visant à supprimer progressivement la présence internationale dans les chambres mixtesspécialisées. Cette stratégie pourrait être régulièrement examinée et révisée, en fonction des progrès réalisés.

 

3. Harmoniser l’avant-projet de loi sur les chambres spécialisées mixtes et la loi de mise en œuvre de la Cour pénale internationale

 

Comme vous le savez, une proposition de loi de mise en œuvre du Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale (CPI) est actuellement examinée par la Commission politique administrative et juridique de l’Assemblée nationale avant d'être proposée au parlement. Le texte contient de nombreuses dispositions importantes, notamment la définition des crimes relevant de la CPI, des dispositions sur la coopération judiciaire avec la CPI, sur les atteintes à la bonne administration de la justice, sur la protection des victimes et des témoins et sur la participation effective des victimes aux procédures – toutes choses qui sont absentes de l’avant-projet de loi sur les chambres spécialisées mixtes.

 

La relation entre les deux avant-projets de lois devrait être approfondie au risque de voir certaines dispositions de ces lois  rendre le droit congolais incohérent ou contradictoire.

 

Nos organisations croient fermement que les deux avant-projets de lois sont également importants et doivent donc faire l'objet d'une harmonisation  et, si cela est souhaitable, être présentés et défendus ensemble au parlement. Nous ne suggérons pas que l’actuelle proposition de loi relative à la mise en œuvre des dispositions du Statut de Rome en droit interne est exempte d'améliorations à apporter, et certaines de nos organisations ont même proposé ou proposeront des amendements que nous souhaiterions voir être pris  en considération par la Commission parlementaire et les autres membres du parlement. Une harmonisation des deux textes serait logique, efficace et ferait preuve d’un engagement fort de la part de la République démocratique du Congo dans la lutte contre l’impunité pour les crimes internationaux graves, au niveau international et national. Les dispositions créant les chambres spécialisées pourraient être présentées comme des amendements déposés par le gouvernement devant la Commission politique administrative et juridique de l’Assemblée nationale et incluses dans un chapitre distinct dans la loi de mise en œuvre de la CPI. Il sera évidemment important de conserver clairement la description de la compétence matérielle pour les chambres spécialisées mixtes entre 1993 et la date d’adoption de la loi de mise en œuvre du Statut de Rome. Alternativement, le gouvernement pourrait envisager de déposer un amendement prévoyant l'application de la loi de mise à œuvre à partir de 1993 afin de permettre aux chambres spécialisées mixtes d’appliquer les définitions du Statut de Rome, qui sont en ligne avec le droit coutumier international, aux crimes ayant eu lieu entre 1993 et l’adoption de la législation de mise en œuvre de la CPI. Cela a été fait dans d'autres pays.[7]

 

Les deux textes sont substantivement imbriqués. Ce serait un signal très malheureux si l’avant-projet de loi sur les chambres spécialisées mixtes avait l’effet de ralentir l’adoption de la loi de mise œuvre de la CPI. Nous connaissons votre engagement personnel, Votre Excellence, envers la CPI et la lutte contre l’impunité pour les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et de génocide. Nous faisons appel à vous pour utiliser la dynamique actuelle afin de faire avancer à la fois l’adoption d’une bonne loi de mise en œuvre de la CPI et la création de chambres spécialisées mixtes.

 

 

4. Plan d’action pour lutter contre l’impunité et pour une interaction productive entre les chambres spécialisées mixtes proposées et les tribunaux ordinaires locaux

 

Compte tenu du grand nombre de crimes internationaux graves commis en RDC au cours des deux dernières décennies, les chambres mixtes spécialisées, à elles seules, ne pourront constituer l'unique solution au problème de l’impunité. Nous sommes convaincus qu’elles peuvent cependant agir comme moteur permettant de renforcer la capacité du système judiciaire à enquêter sur des affaires complexes et des individus jusqu'à présent intouchables. Mais  la poursuite de la réforme du système judiciaire national en RDC demeure essentielle et nécessaire pour permettre aux tribunaux ordinaires de remplir leur rôle en matière d’enquêtes et de poursuites pour violations des droits humains internationaux et du droit humanitaire sur le long terme.

 

En tant que tel, il est important que l’avant-projet de loi prévoie pour les chambres spécialisées mixtes  une compétence principale, mais non exclusive, pour les crimes concernés. Après leur création, les chambres spécialisées mixtes devraient élaborer une stratégie de poursuites décrivant le type d’affaires qu’elles traiteront en priorité et celles qui devront relever de la politique pénale des tribunaux ordinaires locaux. Cette stratégie pourrait comporter des mesures visant à encourager une interaction productive entre les chambres spécialisées et les tribunaux ordinaires afin de démultiplier le renforcement des capacités et le partage d'expertise entre les acteurs du système judiciaire congolais.

 

Afin d’assurer un suivi significatif et un impact durable du rapport Mapping de l’ONU, le ministère de la Justice devrait également préparer un plan d’action pour lutter contre l’impunité pour les crimes internationaux graves, qui détaille les objectifs fixés aux chambres mixtes spécialisées, aux tribunaux ordinaires et autres mécanismes non-judiciaires proposés de lutte contre l’impunité, dans le contexte plus large des réformes de l’État de droit en RDC, qui contribue à renforcer la capacité du système judiciaire national à faire face à ces crimes. 

 

5. Veiller à ce que le projet de loi soit examiné et adopté par le Parlement dans un délai raisonnable :

 

Nous exhortons le gouvernement congolais à prendre les mesures appropriées pour veiller à ce que l’avant-projet de loi sur les chambres spécialisées mixtes, après un processus de rédaction minutieux et une fois approuvé par le Conseil des ministres, soit mis rapidement à l’ordre du jour du parlement, et fasse l’objet d’ une sensibilisation appropriée des parlementaires. Comme mentionné ci-dessus, nos organisations considèrent que ce résultat serait certainement en mesure d'être atteint par un travail intensif de sensibilisation des parlementaires et, si cela est souhaitable, en proposant les dispositions créant les chambres spécialisées mixtes en tant qu’amendements à la loi de mise en œuvre de la CPI, actuellement à l’examen devant la Commission Politique, Administrative and Légale de l’Assemblée Nationale.

 

6. Faciliter la participation et le soutien de la communauté internationale :

 

Nos organisations notent avec intérêt l’article 37 de l’avant-projet de loi, qui prévoit la mise en place d’un cadre de coopération approprié avec les partenaires régionaux et internationaux, notamment les Nations Unies, pour assurer le fonctionnement efficace des chambres spécialisées mixtes. L'implication, la coopération et l'appui de ces acteurs, notamment le Bureau du Haut Commissaire aux droits de l'homme, seront essentiels pour assurer le fonctionnement efficace et la légitimité des chambres spécialisées mixtes. Nos organisations suggèrent que des protocoles d’entente et des accords spécifiques soient conclus pour codifier cette coopération, le cas échéant. Comme mentionné ci-dessus, il est également essentiel à notre avis que ces acteurs, en particulier quand ils ont une expertise pertinente dans la création de chambres spécialisées mixtessimilaires ailleurs, soient convenablement consultés lors du processus de rédaction de la loi créant les chambres congolaises.

 

L’élaboration d’un projet de loi créant les chambres spécialisées mixtesest un développement important qui est riche de promesses pour que justice soit enfin rendue aux victimes d’atrocités indicibles. Il s'agit d'une occasion sans précédent de tourner la page sur l'impunité passée. Pour cette raison, elle s’accompagne de la responsabilité de présenter un texte au parlement qui ouvre la voie pour des chambres spécialisées mixtes efficaces, crédibles et indépendantes, qui respectent les standards d’un procès juste et équitable.

 

Si l'urgence de créer des mécanismes efficients afin de lutter contre les crimes les plus graves est bien connue de tous, le processus de rédaction de l’avant-projet ne doit pas pour autant être précipité et doit permettre la participation de toutes les parties prenantes, afin de répondre au mieux aux attentes de justice de la population. Comme mentionné ci-dessus, nos organisations se féliciteraient vivement de l’organisation d’un second séminaire à Kinshasa pour examiner le projet de loi révisé.

 

Les travaux concernant les chambres spécialisées mixtesdevraient également faire partie d’une discussion plus large sur le suivi du rapport de Mapping de l’ONU. Nos  organisations ont pris note avec intérêt de la proposition du gouvernement congolais d’organiser une conférence internationale sur le suivi du rapport de Mapping à Kinshasa.  Nous nous félicitons vivement de cette proposition et nous encourageons Votre Excellence à bien vouloir consulter les partenaires concernés en vue d’organiser cette conférence au cours de la première moitié de l’année 2011.

 

En conclusion, nos organisations tiennent à assurer Votre Excellence de notre entière disponibilité à poursuivre le travail avec votre cabinet afin de faire avancer cette importante initiative. Nous sommes également déterminés à insister auprès de la communauté internationale pour qu’elle soutienne la création de chambres spécialisées mixtes compétentes, indépendantes et impartiales, ainsi que la mise en œuvre d’un plan d’action pour lutter contre l’impunité en RDC de manière plus générale.

 

Veuillez agréer, Votre Excellence, l’expression de notre haute considération.

 

 

ACAT Nord Kivu

Action contre l'impunité pour les droits de l'homme, ACIDH

Action des Chrétiens Activistes des Droits de l'Homme à Shabunda (ACADHOSHA)

Action Sociale pour la Paix et le Développement (ASPD)

Africa justice peace and development (AJPD)

Agir Ensemble pour les Droits de l'Homme

Amis de Nelson Mandela pour les droits de l'homme, ANMDH

Ange du ciel

APEO

Appui aux Femmes Démunies et Enfants Marginalisés (AFEDEM)

Association africaine de défense des droits de l'homme, ASADHO

Avocats sans frontières de la RDC

Blessed Aid

Campagne Pour la Paix

Carrefour des femmes et familles

Centre d'Appui pour le Développement Rural Communautaire (CADERCO)

Centre de Paix pour la Guérison et la Reconstruction des Bases Communautaires (CPGRBC)

Club des Amis du Droit du Congo

Coalition Congolaise pour la Justice Transitionnelle

Fédération Internationale des Droits de l’Homme

Femmes de medias pour la justice

Héritiers de la Justice

Human Rights Watch

Initiative Congolaise pour la Justice et la Paix

Le Centre de Recherche sur l'Environnement, la Démocratie et les Droits de l'Homme (CREDDH0)

Ligue des électeurs

LIPADHO

Observatoire Congolais pour les droits de l'homme

ODDE - RDC Coordination Afrique

PAIF

Œuvres sociales pour le développement

Réseau des associations des droits de l’Homme du Sud Kivu (Radhoski)

Solidarité des Volontaires pour l'humanité (SVH)

Solidarité pour la Défense des Droits Humains (SDH)

Synergie congolaise pour le développement

Synergie des ONG congolaises pour les Victimes

Toges noires

 

 

 

[1]               Nations Unies, Haut Commissariat aux Droits de l’homme, « Rapport du projet Mapping concernant les violations les plus graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire commises en République Démocratique du Congo entre 1993 et 2003, » http://www.ohchr.org/Documents/Countries/ZR/DRC_MAPPING_REPORT_FINAL_FR.pdf(consulté le 20 décembre 2010).

[2]               « Communication de presse de Son Excellence Monsieur le ministre de la Justice et des Droits humains », 2 octobre 2010, http://www.justice.gov.cd/(consulté le 16 décembre 2010.)

[3]Voir le Comité des Droits de l’Homme des Nations Unies, Observation Générale numéro 32, « See UN Human Rights Committee, General Comment No. 32, “Article 14: Droit à l’égalité devant les tribunaux et les cours de justice et à un procès équitable, » CCPR/C/GC/32, 23 août, 2007, para. 22.

[4]Pacte International relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), A.G. res. 2200A (XXI), entré en vigueur le 23 mars 1976, http://www2.ohchr.org/french/law/ccpr.htm(consulté le 20 décembre 2010). La RDC a ratifié le PIDCP en 1976.

 

[5]Constitution de la République démocratique du Congo, 18 février 2006, http://www.justice.gov.cd/j/index.php?option= com_docman&task=doc_download&gid=35&Itemid=54 (consulté le 20 décembre 2010), art. 156 ; Directives et principes sur le droit à un procès équitable et à l’assistance judiciaire en Afrique, Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, 2001, http://www.achpr.org/francais/declarations/guidelines_trial_fr.html (consulté le 20 décembre 2010) ; Projets de principes sur l’administration de la justice par les tribunaux militaires, Rapport présenté par le Rapporteur spécial de la Sous-Commission de la promotion et de la protection des droits de l’homme, Emmanuel Decaux, 13 janvier 2006, Doc. ONU E/CN.4/2006/58, http://www.icj.org/IMG/G0610678.pdf (consulté le 20 décembre 2010), principe 9.           

[6]               « Les chambres spécialisées : contexte de leur création et économie générale de l’avant-projet »,  Professeurs Pierre Akele Adau et Sara Liwerant, conseillers juridiques auprès du ministre de la Justice, Septembre-Novembre 2010, p. 7.

[7]               Voir par exemple, Royaume-Uni, “Coroners and Justice Act 2009,” paragraphe 70, http://www.legislation.gov.uk/ukpga/2009/25/section/70(consulté le 20 décembre 2010).

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