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La Suisse est un pays de paradoxes. Riche d'une tradition humanitaire, elle a néanmoins rétréci son point de vue sur la migration. Dernier signe : l'initiative sur le renvoi des criminels étrangers. La victoire du « oui » suscite la réprobation de divers acteurs internationaux, dont les agences de l'ONU pour les droits humains et les réfugiés, siégeant à Genève.

Suite au durcissement de l'attitude envers les étrangers et des migrants, de nombreuses personnes vivant en Suisse et nécessitant une protection continue, parmi lesquelles les membres de groups minoritaires du Kosovo (Roms, Ashkalis et Egyptiens albanophones), sont susceptibles d'être renvoyées.

Lorsque la guerre a éclaté, la Suisse a donné refuge aux Albanais du Kosovo, principale communauté ethnique persécutée. Après la guerre, la Suisse a accueilli les minorités, craignant des représailles de la majorité albanaise.

Aujourd'hui la diaspora kosovare compte 164 000 personnes: 40 000 sont devenues citoyens suisses,120 000 détiennent un permis de travail. Une petite partie, 33 000 personnes environ, bénéficie d'une autorisation de résidence temporaire. En plus, environ 1000 requérants d'asile sont en attente d'une décision. Ces deux derniers groupes sont à lamerci d'un renvoi imminent.

L'indépendance du Kosovo en 2008 n'a malheureusement pas amené la paix et la prospérité pour tous. Les Roms, Ashkalis et Egyptiens restent confrontés à la pauvreté, la discrimination, la marginalisation et la misère.

Le Haut-Commissariat pour les réfugiés demande aux Etats de ne pas renvoyer les Roms au Kosovo et recommande de ne pas y renvoyer les Ashkalis et les Egyptiens sans evaluation individuelle des risques liés à ce retour forcé. Pourtant, des pays européens, dont la Suisse, en ont renvoyé, soutenant que la situation était normalisée. En outre, la Suisse et le Kosovo ont signé en février 2010 un accord bilatéral facilitant leur expulsion.

Les personnes forcées à retourner au Kosovo ne reçoivent que très peu ou aucune aide de la part des agences internationales et locales. Il leur est difficile d'obtenir des documents d'identité ou de reprendre possession de leur propriété. Certaines personnes se sont retrouvées de facto sans patrie, une violation de la déclaration universelle des droits de l'homme, texte fondamental s'il en est. Leurs enfants, pour leur part, ne parviennent pas à réintégrer l'école en raison du manque d'appui dans l'enseignement de la langue, et des différences dans le programme scolaire.

Les personnes forcées au retour au Kosovo reçoivent très peu ou pas d'aide des agencies internationales et locales. Il leur est difficile d'obtenir des documents d'identité ou de reprendre possession de leur propriété. Leurs enfants ne parviennent pas à réintégrer l'école. Certains se sont retrouvés de facto sans patrie. A terme, cette situation risque de mener à la déstabilisation d'un pays encore fragile.

L'attitude dans notre pays, reflétée par les affiches d'«Ivan le violeur», stigmatise comme criminel un groupe ethnique spécifique: les ressortissants des Balkans. Cette attitude est inacceptable. La réalité est que les minorités ethniques originaires des Balkans sont plus vulnérables que jamais et continuent de requérir une protection spéciale. En niant cette réalité, la Suisse trahit ses valeurs humanitaires et se place en contravention du droit international.

Sandra Wolf est membre du Comité de Genève de Human Rights Watch. Wanda Troszczynska - van Genderen est chercheuse sur les Balkans de l'Ouest.

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