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Libye : Le gouvernement devrait mettre en œuvre les recommandations du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies

Le gouvernement libyen a rejeté diverses recommandations sur des reformes cruciales formulées lors du premier Examen périodique universel concernant ce pays

(Londres, le 17 novembre 2010) - Le rejet par la Libye des propositions du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies jette de sérieux doutes sur la volonté proclamée par le gouvernement d'adopter des réformes, ont déclaré conjointement Amnesty International et Human Rights Watch aujourd'hui. Au cours de son premier examen devant le Conseil des droits de l'homme, le 9 novembre 2010, la Libye a accepté les recommandations générales concernant la protection et la promotion des droits humains, mais a rejeté celles qui portaient sur des violations précises de ces droits et les mesures concrètes visant à y remédier.

Lors de l'Examen périodique universel (EPU), les pays membres du Conseil des droits de l'homme ont fait part de leurs préoccupations quant aux violations des droits fondamentaux actuellement commises en Libye. Ils ont exhorté la Libye à garantir la liberté d'expression et d'association, à remédier à l'impunité pour les violations flagrantes commises par le passé, à libérer les personnes détenues de manière arbitraire, à adopter un système de protection des réfugiés, des demandeurs d'asile et des migrants, et à abolir la peine de mort.

« La Libye démentit son adhésion rhétorique aux droits humains en balayant du revers de la main toutes les propositions qui pourraient remédier à des problèmes précis en matière de droits fondamentaux », a déploré Hassiba Hadj Sahraoui, directrice adjointe du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d'Amnesty International. « Les belles paroles sur la liberté d'expression sont dénuées de sens si le gouvernement refuse de modifier les dispositions du Code pénal qui érigent en infraction toute dissidence pacifique. »

Au cours de la semaine où la Libye a refusé d'envisager de tels changements, l'Agence de sécurité intérieure a placé en détention arbitraire 20 journalistes pendant trois jours. Les journalistes sont fréquemment harcelés par les forces de sécurité et les dispositions excessivement larges du Code pénal servent souvent à étayer des accusations de diffamation lorsqu'ils exercent leur droit à la liberté d'expression, ont expliqué Human Rights Watch et Amnesty International.

Par ailleurs, la Libye a rejeté la recommandation qui lui a été faite d'enquêter sur les affaires passées de disparitions forcées, d'actes de torture et d'exécutions extrajudiciaires, notamment sur les événements qui ont conduit à la mort de 1 200 détenus tués à la prison d'Abou Salim en juin 1996. Pourtant, le gouvernement s'était engagé publiquement en septembre 2009, après avoir refusé pendant des années ne serait-ce que de confirmer leur mort, à enquêter sur ces faits.

« Pourquoi les autorités libyennes ont-elles rejeté la recommandation de publier la liste des victimes de la prison d'Abou Salim et de donner à leurs familles des certificats de décès fiables ? », s'est interrogée Sarah Leah Whitson, directrice de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch. « Ce refus témoigne d'un mépris flagrant pour la souffrance des proches qui attendent depuis plus de 14 ans de connaître la vérité et confirme que le gouvernement n'est guère disposé à annoncer la fin de l'impunité. »

En réponse aux recommandations concernant la libération de toutes les personnes détenues de manière arbitraire, la Libye a assuré qu'elle les avait déjà remises en liberté. S'il est vrai qu'un très grand nombre de prisonniers ont été libérés ces deux dernières années, au moins 200 personnes demeurent derrière les barreaux, alors qu'elles ont purgé leur peine ou ont été acquittées sur décision de justice. Le ministre de la Justice Mustapha Abdeljalil a publiquement sollicité la libération de ces prisonniers, mais l'Agence de sécurité intérieure aux mains de laquelle ils se trouvent refuse d'obtempérer.

D'autres ont été incarcérés à l'issue de procès contraires aux règles d'équité les plus élémentaires. La Libye se refusant à supprimer ou refondre la Cour de sûreté de l'État, dont la procédure ne respecte pas les garanties fondamentales d'équité des procès, les procès iniques de personnes accusées d'« infractions contre l'État » vont se poursuivre, ont averti Amnesty International et Human Rights Watch. Même la Société des droits humains de la Fondation Kadhafi pour le développement, dirigée par Saif al Islam Kadhafi, un des fils du chef de l'État libyen, a demandé en décembre 2009 « au Conseil suprême des organes judiciaires de prendre une décision visant à annuler la Cour de sûreté de l'État et a invit[é] les législateurs libyens à abroger toutes les lois, dispositions et pouvoirs inscrits dans la Loi relative aux tribunaux populaires et au Bureau du procureur public ». Aucune suite n'a été donnée à cette requête.

La Libye s'est engagée devant le Conseil des droits de l'homme à « prendre toutes les mesures nécessaires afin de garantir que les forces de sécurité soient soumises à une surveillance légale ». Amnesty International et Human Rights Watch se sont réjouies de cette mesure positive. Les pouvoirs illimités dont disposent les organes chargés de la sécurité, notamment l'Agence de sécurité intérieure, se sont traduits par de graves violations des droits humains dans un climat d'impunité totale, ont déclaré les deux organisations.

Les autorités doivent veiller à ce que les agents de l'Agence de sécurité intérieure ne puissent plus procéder à l'arrestation, la détention et l'interrogatoire des suspects, et doivent placer tous les centres de détention, y compris les prisons d'Abou Salim et d'Aïn Zara, sous le contrôle des autorités judiciaires. Le ministre libyen de la Justice Mustapha Abdeljalil a fait savoir qu'il n'était pas en mesure d'ordonner la tenue d'une enquête sur les violations imputables aux membres de l'Agence de sécurité intérieure car ils sont couverts par l'immunité. Seul le ministère de l'Intérieur est habilité à lever cette immunité, a-t-il ajouté, mais il s'y est systématiquement refusé.

Lors de l'examen du Conseil des droits de l'homme, la Libye a conservé une position radicale s'agissant de reconnaître les droits des réfugiés et a refusé de revoir des pratiques telles que la détention pour une durée indéterminée, la torture et les autres mauvais traitements, ainsi que les expulsions arbitraires. Le pays n'est pas doté de procédures d'asile. Malgré les promesses faites de promulguer ces procédures, le gouvernement libyen a rejeté les recommandations visant à ratifier la Convention des Nations unies relative au statut des réfugiés et à signer un protocole d'accord avec le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), qu'il a expulsé en juin 2010. Si le HCR a été autorisé à reprendre des activités restreintes environ un mois plus tard, il ne peut plus se rendre dans les centres de détention ni traiter aucune demande d'asile.

« Les États membres de l'Union européenne (UE) recherchent activement la coopération de la Libye en vue de faire baisser le nombre de réfugiés qui gagnent l'Europe depuis l'Afrique, mais ils ne doivent pas pour autant fermer les yeux sur le traitement effroyable qu'inflige la Libye aux réfugiés, aux demandeurs d'asile et aux migrants », a indiqué Hassiba Hadj Sahraoui.

Plusieurs États ont demandé à la Libye d'instaurer un moratoire sur la peine de mort, à laquelle les autorités continuent de recourir pour un large éventail de crimes, notamment en lien avec la liberté de parole et d'association. Si les autorités ont indiqué qu'elles pourraient commuer toutes les condamnations à mort, elles ont rejeté la recommandation du Canada d'« amender ou abroger les lois qui prévoient la peine de mort pour des crimes peu graves [...] y compris liés à l'exercice du droit à la liberté d'expression ».

La Libye a rejeté cette recommandation, alors qu'en 2008 un projet de Code pénal élaboré par une commission nommée par le ministère de la Justice avait restreint l'application de la peine de mort au meurtre.

Enfin, les États membres ont souligné que la Libye, en particulier parce qu'elle est membre du Conseil des droits de l'homme, doit s'ouvrir davantage à la surveillance internationale s'agissant de son bilan en matière de droits humains et autoriser les experts du Conseil à se rendre dans le pays. Les autorités libyennes ont assuré qu'elles prendraient en compte ces recommandations lorsque le Conseil adoptera le rapport de l'EPU sur la Libye en mars 2011.

Le Conseil des droits de l'homme examine le bilan en termes de droits humains de tous les États membres des Nations unies une fois tous les quatre ans.

Amnesty International et Human Rights Watch recommandent à la Libye de prendre immédiatement des mesures afin d'afficher sa volonté de coopérer avec le Conseil des droits de l'homme, notamment en prenant les mesures suivantes :  

  • planifier immédiatement des visites du Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d'opinion et d'expression et du Groupe de travail sur la détention arbitraire, dont les demandes sont restées lettre morte ;
  • inviter le Rapporteur spécial sur la torture à se rendre en Libye;
  • autoriser les organisations internationales et indépendantes de défense des droits humains, dont Amnesty International et Human Rights Watch, à se rendre librement en Libye.

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