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Burundi : Il faut mettre fin à la violence et à la répression politiques

Les attaques perpétrées par le parti au pouvoir et par les ex-rebelles menacent les élections de 2010

(Bujumbura) - Le gouvernement burundais devrait prendre d'urgence des mesures visant à mettre un terme aux meurtres, agressions et arrestations arbitraires à caractère politique, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport publié aujourd'hui. Les violences et la répression politiques - qui persistent en dépit des progrès opérés dans les pourparlers de paix entre le gouvernement et l'ancien groupe rebelle, les Forces Nationales de Libération (FNL) - limitent l'expression pacifique des opinions divergentes et menacent l'intégrité des élections présidentielle, parlementaires et locales prévues en 2010.

Le rapport de 95 pages, intitulé « La quête du pouvoir : Violences et répression politiques au Burundi », décrit des cas où tant les FNL que le gouvernement, dominé par le Conseil National pour la Défense de la Démocratie-Forces pour la Défense de la Démocratie, (CNDD-FDD), ont recouru à des actes de violence et d'intimidation politiques contre des opposants et des voix dissidentes au sein de leurs propres rangs.

« Le parti au pouvoir et les ex-rebelles des FNL ont montré qu'ils n'étaient que trop disposés à commettre des exactions pour intimider leurs adversaires politiques et affirmer leur pouvoir », a souligné Georgette Gagnon, directrice de la division Afrique à Human Rights Watch. « Mais cette voie ne mènera ni à des élections probantes ni à un avenir décent pour le peuple burundais. »

Le rapport fournit des informations détaillées sur 23 meurtres, ainsi que sur une douzaine d'attaques non meurtrières à l'arme à feu ou à la grenade, perpétrés entre janvier 2008 et avril 2009 vraisemblablement dans le cadre de règlements de comptes qui ont eu lieu au niveau local entre des membres des FNL et des personnes affiliées au CNDD-FDD, notamment des policiers, des fonctionnaires de l'administration et des agents des services de renseignement nationaux. Il donne également des informations sur plus de 120 arrestations effectuées depuis la mi-2008 par des policiers et des responsables de l'administration, apparemment pour des raisons d'affiliation politique.

La plupart des victimes vivent dans des régions rurales reculées ou des zones urbaines marginalisées. Pratiquement personne n'a été poursuivi pour les exactions commises bien que le gouvernement ait exprimé son engagement envers les droits humains lors de son arrivée au pouvoir en 2005 et que les FNL aient déclaré, au cours des pourparlers de paix, qu'elles coopéreraient avec les enquêtes ou poursuites judiciaires.

Human Rights Watch a appelé les bailleurs de fonds internationaux ainsi que les diplomates engagés dans le processus de paix et dans la préparation des élections au Burundi à faire pression pour que les attaques cessent et pour que des poursuites soient engagées à l'encontre des auteurs présumés, quel que soit le camp auquel ils appartiennent.

Étant donné que même en temps de paix relative, des membres des FNL et d'autres partis de l'opposition ont été la cible d'agents de l'État et de militants du parti au pouvoir, Human Rights Watch estime peu probable que le récent désarmement des FNL et leur passage du statut de mouvement rebelle à celui de parti politique mettent fin aux violations des droits humains liées à la lutte pour la suprématie politique. Ainsi en avril, au plus fort des pourparlers de paix, alors que les FNL s'apprêtaient à déposer les armes, des agents des services de renseignement de l'État ont assassiné Emmanuel Minyurano, un élu local membre du Front pour la Démocratie au Burundi (FRODEBU) et sympathisant actif des FNL.

Des membres d'autres partis politiques, tels que l'Union pour la Paix et le Développement (UPD-Zigamibanga) et le Mouvement pour la Solidarité et la Démocratie (MSD), ont également été la cible d'arrestations arbitraires massives. Par ailleurs, le gouvernement a pris d'autres mesures pour éliminer les voix politiques divergentes, expulsant du parlement 22 membres de l'opposition en juin 2008 et interdisant certains meetings des partis de l'opposition.  

Les FNL se sont également livrées à des exactions. Les recherches de Human Rights Watch révèlent qu'en 2007, les FNL ont violé un accord de cessez-le-feu ainsi que le droit international humanitaire lorsqu'elles ont cherché à exercer un contrôle plus étroit sur leurs propres membres en attaquant des camps abritant des dissidents non armés qui avaient quitté leur mouvement. Les recherches de Human Rights Watch ont aussi dévoilé que plus récemment, en janvier et février 2009, des membres des FNL avaient tué l'un de leurs propres militants, Abraham Ngendakumana, et en avaient enlevé et torturé un autre, Jean-Baptiste Nsabimana, après que ces deux personnes eurent exprimé ouvertement leur désaccord sur des décisions prises par les FNL dans le cadre du processus de paix.

Les violences symboliques, telles que la destruction de biens d'autres partis politiques, qui, au Burundi, ont souvent été le signe avant-coureur de violences plus graves, sont généralisées. Depuis décembre 2008, des agresseurs non identifiés ont réduit en cendres plus de cinquante permanences du parti au pouvoir dans au moins dix provinces. En partie en réponse à ces événements, des membres de la ligue des jeunes du parti, les Imbonerakure, ont commencé à défiler dans les rues de certaines communes avant l'aube, armés de bâtons et de matraques, en scandant des slogans, notamment des menaces de mort visant à intimider leurs opposants politiques.

En accordant la priorité à l'instauration d'une paix officielle, les bailleurs de fonds internationaux et autres parties prenantes n'ont pas prêté suffisamment attention à la dynamique des violences politiques locales au Burundi, y compris au manque d'imputabilité des exactions. Human Rights Watch estime que même s'il leur arrive de critiquer certaines arrestations à connotation politique, les diplomates internationaux pourraient se montrer beaucoup plus actifs dans la défense des droits civils et politiques des politiciens burundais qui ont fait l'objet d'arrestations arbitraires et d'une expulsion du parlement en raison de leurs opinions. La mission de l'ONU au Burundi, qui a joué un rôle important dans le processus de paix, a soigneusement consigné en privé des informations sur les atteintes aux droits humains mais a omis de dénoncer publiquement ces violations.

Human Rights Watch a appelé le gouvernement burundais à mettre fin aux violences politiques, à s'engager sur la voie de la lutte contre l'impunité pour ces exactions en ouvrant des enquêtes et en engageant des poursuites pour les 23 meurtres et autres délits décrits dans le rapport, et à prendre des mesures immédiates pour organiser des élections libres et équitables en 2010. Les FNL devraient faire la preuve de leur engagement à agir en parti politique pacifique, d'une part en mettant fin aux exactions perpétrées contre leurs propres membres et contre les partisans du CNDD-FDD, et d'autre part en coopérant avec la police et le parquet dans le cadre des enquêtes menées sur les délits commis par des membres des FNL.

« En raison des meurtres, arrestations et autres formes de répression, les Burundais vivent dans la peur des conséquences que pourrait entraîner l'expression de leur opinion politique », a expliqué Georgette Gagnon. « Leurs droits seront en péril aussi longtemps que le parti au pouvoir et l'ancien groupe rebelle ne devront pas supporter les conséquences de leurs actes. »

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