La nuit du 17 avril 2009, les milices hutues rwandaises dénommées Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) ont attaqué les villages de Luofu et de Kasiki dans le sud du territoire de Lubero, dans la province du Nord-Kivu, en République démocratique du Congo, tuant au moins sept civils dont cinq jeunes enfants qui ont été brûlés vifs dans leurs maisons. Au moins sept autres civils ont été blessés et 300 maisons réduites en cendres. Les photos et récits de témoins qui suivent ont été recueillis par les chercheurs de Human Rights Watch qui se sont rendus dans le village de Luofo dès le lendemain des attaques.
Les soldats de l'armée congolaise postés tant à Luofu qu'à Kasiki auraient à peine résisté et auraient fui, tout comme des habitants des villages et des milliers de personnes déplacées qui avaient cherché refuge dans ces deux localités suite aux vagues de violence antérieures enregistrées au cours des deux derniers mois.
La mission de maintien de la paix des Nations unies au Congo, la MONUC, disposait d'une base opérationnelle provisoire à Luofu, mais celle-ci avait été fermée le 12 avril. La nuit de l'attaque, une patrouille de la MONUC est arrivée à Luofo deux heures après l'attaque, en provenance de sa base la plus proche située à Kanyabayonga, à 22 kilomètres au sud-est, après que les FDLR eurent déjà fui. Aucune patrouille de la MONUC n'est arrivée jusqu'à Kasiki, où au moins 45 maisons ont été réduites en cendres et un homme a été abattu par les FDLR.
Plus tôt dans la journée du 17 avril, les FDLR avaient averti que le village de Luofu serait attaqué. Aucune mesure de précaution n'avait été prise par les soldats gouvernementaux ou la MONUC pour protéger les civils au cas où la menace serait mise à exécution. Alors qu'ils fuyaient Luofo, de nombreux habitants ont entendu les FDLR brandir de nouvelles menaces, avertissant que les villes de Kayna et de Kirumba, situées à sept kilomètres de Luofo, seraient également attaquées.
Les attaques perpétrées par les FDLR à Luofo et Kasiki semblent avoir été menées délibérément en représailles contre la population. Quelques jours auparavant, l'armée congolaise et la MONUC avaient lancé l'Opération Kimia II, une opération militaire conjointe visant à vaincre les rebelles des FDLR. Human Rights Watch a recueilli des informations sur des massacres similaires commis en guise de représailles dans d'autres zones du Nord-Kivu.
Lors de la progression des opérations menées contre les FDLR, la MONUC et l'armée congolaise devraient prendre des mesures urgentes pour veiller à ce que tous les principaux centres de population proches de la ligne de front, notamment ceux qui abritent un grand nombre de personnes déplacées tels que Kirumba et Kayna, soient protégés contre les attaques effectuées en représailles par les FDLR.
Récits de victimes et de témoins, villages de Luofo et de Kasiki :
Père de trois petits garçons (âgés de 3, 4 et 6 ans) brûlés vifs dans leur maison :
Les rebelles des FDLR sont arrivés et ont encerclé ma maison. Lorsque nous avons tenté de partir, ils ont dit : « Vous ne pouvez pas partir ou nous vous tuerons ». J'ai réussi à sortir et à m'éloigner un peu de la maison mais mes trois petits garçons étaient encore à l'intérieur, endormis dans le même lit. Puis j'ai vu les combattants des FDLR mettre le feu directement à ma maison et mes trois petits garçons ont été brûlés vifs.
Père d'une fillette de deux ans brûlée vive dans leur maison :
Les combattants des FDLR ont encerclé notre maison et nous ont dit de partir. Ma femme, trois de mes enfants et moi-même nous sommes précipités dehors mais notre petite fille de deux ans n'a pas réussi à sortir à temps. Ils ont mis le feu à la maison immédiatement et ma fille ainsi que tous nos biens ont été réduits en cendres.
Habitant de Luofu dont la maison a été incendiée :
Les membres des FDLR sont arrivés chez moi et ont commencé à me battre sauvagement. Ils ont pris mon téléphone et tout ce que j'avais sur moi. Puis ils ont mis le feu à ma maison et je me suis vite enfui. Mais maintenant, ma maison et tous mes biens ont disparu. Il ne me reste rien et je ne sais pas où aller.
Personne déplacée de Lushoa qui avait cherché refuge à Luofu :
J'étais chez moi quand les combattants des FDLR sont arrivés. Ils nous ont dit de partir. Alors nous avons couru dans la brousse et notre maison a été incendiée pendant que nous fuyions. Je suis revenu à 5 heures ce matin. Plus tôt dans l'année, j'avais été forcé de quitter mon village natal de Lushoa et ensuite, des soldats ont brûlé nos maisons. Alors, j'ai été déplacé à Bwavinyo où je suis resté trois semaines. Après que des soldats de l'armée congolaise eurent tué trois personnes à Bwavinyo lors d'une opération de pillage, je me suis enfui à Luofu. Et maintenant, la maison que j'avais ici a été brûlée.
Témoin du village de Kasiki, également incendié par les FDLR :
Les bandits des FDLR sont arrivés dans notre village hier soir à 20 heures et ils ont brûlé environ 50 maisons. Un homme a été abattu. Les soldats gouvernementaux étaient là mais ils ont tous fui. La MONUC n'est jamais arrivée. Nous nous sommes enfuis dans la brousse et sommes revenus une ou deux heures plus tard. À ce moment-là, les FDLR étaient parties et le village était en flammes.
Habitante de Luofu :
J'étais dans ma maison quand j'ai entendu les premiers coups de feu. J'ai entendu des gens qui détruisaient les magasins et les boutiques. Puis j'ai entendu des gens crier : « Réveillez-vous ! Réveillez-vous ! » J'ai regardé dehors et j'ai vu les Interhamwe [FDLR] brûler la maison située derrière chez moi. Ensuite [l'un d'entre eux] a arraché le drap que je m'étais enroulé autour du corps et je me suis retrouvée nue. Il a mis le feu à ma maison et m'a dit de courir. J'ai attrapé mon enfant et j'ai commencé à courir vit, toujours dévêtue. Les coups de feu se sont poursuivis longtemps. Il y avait des tas de gens cachés dans la brousse et toute la nuit, nous avons été piqués par les moustiques.