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Rwanda : Il faut abolir la peine de réclusion criminelle à perpétuité

L’initiative parlementaire relative aux transferts par le Tribunal pénal international ne suffit pas

(New York) - Le gouvernement rwandais devrait honorer ses obligations internationales en promulguant une législation qui abolisse la peine de réclusion criminelle à perpétuité, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui dans une lettre au président du Sénat et à la présidente de la Chambre des Députés.

En décembre 2008, le parlement rwandais a interdit la peine de réclusion criminelle à perpétuité pour les suspects de génocide transférés par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) ou extradés par d'autres pays et reconnus coupables par des tribunaux rwandais. Cependant, cette peine demeure dans les textes pour d'autres personnes jugées et reconnues coupables de crimes liés au génocide au Rwanda. Dans sa lettre, Human Rights Watch a exprimé ses préoccupations à propos de la législation de décembre et a appelé le parlement à supprimer cette peine du droit rwandais.

« L'isolement carcéral prolongé est un traitement cruel et inhumain », a rappelé Alison Des Forges, conseillère senior pour la division Afrique à Human Rights Watch. « Le parlement doit intégralement interdire cette peine pour remplir ses obligations internationales et pour démontrer un véritable engagement envers les droits humains. »

La récente modification législative fait partie des efforts du Rwanda pour poursuivre dans ce pays les personnes soupçonnées d'être impliquées dans le génocide de 1994. Jusqu'à présent, les efforts du gouvernement visant le renvoi de suspects au Rwanda pour y être jugés ont largement échoué. Le TPIR, basé en Tanzanie, a refusé le transfert dans cinq affaires cette année, et la France a refusé l'extradition dans trois affaires. Une autre affaire impliquant des personnes soupçonnées de génocide est en appel au Royaume-Uni.

« La décision du Rwanda d'éliminer l'isolement carcéral uniquement pour les suspects transférés d'autres juridictions, dont ceux qui sont soupçonnés d'avoir joué un rôle dirigeant dans le génocide de 1994, donne aussi aux Rwandais l'impression que des règles différentes s'appliquent à des gens différents », a ajouté Alison Des Forges. « Tous les suspects jugés et reconnus coupables au Rwanda devraient être traités de la même façon et aucun ne devrait être passible de cette peine. »

Le système de justice pénale du Rwanda a fait l'objet d'un examen attentif après que le Rwanda a exprimé sa volonté de recevoir des affaires du TPIR il y a près de deux ans. A cette époque, compte tenu de l'imminence de la date fixée pour la fin des procès en 2008, le TPIR a entrepris de trouver d'autres juridictions pour juger les affaires restantes. Le Rwanda faisait partie des candidats potentiels, à ceci près que le TPIR ne peut pas transférer d'affaires à une juridiction où la peine de mort peut être imposée.

Le Rwanda a adopté une loi en mars 2007 excluant la peine de mort pour tous les suspects transférés du TPIR aux tribunaux rwandais. En juillet 2007, le pouvoir législatif a adopté une loi abolissant définitivement la peine de mort. Toutefois, cette loi l'a remplacée dans certains cas par la peine de réclusion criminelle à perpétuité, qui ne peut être révisée ni commuée avant une période de 20 ans au moins.

Une remise en question de la constitutionnalité de la peine de réclusion criminelle à perpétuité a été initiée, mais la Cour suprême rwandaise a jugé cette peine constitutionnelle en août 2008. Le gouvernement a annoncé des projets pour diffuser des instructions sur la façon dont la peine devrait être appliquée, mais il ne l'a pas fait.

La disposition prévoyant l'isolement carcéral a empêché le transfert d'affaires du TPIR au Rwanda, en dépit d'assurances de la part de fonctionnaires rwandais que les suspects transférés ne seraient pas passibles de la peine de réclusion criminelle à perpétuité s'ils étaient reconnus coupables par les tribunaux rwandais. Le TPIR a refusé le transfert de cinq suspects, rejetant pour les mêmes motifs les appels déposés par le procureur dans plusieurs affaires. Le TPIR a aussi exprimé sa préoccupation quant au fait que les suspects aient la possibilité d'obtenir la comparution de témoins pour leur défense, afin de garantir un procès équitable.

L'isolement carcéral pendant des périodes prolongées viole la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, l'Article 7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et l'Article 5 de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples. Le Rwanda a ratifié la Charte africaine en 1983, et a accédé au PIDCP en 1975 ainsi qu'à la Convention contre la torture le 15 décembre 2008.

« La nouvelle loi envoie le mauvais signal tant aux Rwandais qu'à la communauté internationale », a déclaré Alison Des Forges. « Elle laisse entendre que le pays est plus soucieux d'obtenir le transfert d'affaires du TPIR que de respecter les droits humains pour tous ses citoyens. »

La peine de réclusion criminelle à perpétuité peut être imposée par les tribunaux rwandais conventionnels et par les tribunaux populaires gacaca. En mai 2008, le pouvoir législatif rwandais a transféré la plupart des affaires de génocide restantes aux tribunaux gacaca, et requiert obligatoirement la peine de réclusion criminelle à perpétuité pour les affaires dans lesquelles un suspect est reconnu coupable sans qu'il ait auparavant fait des aveux ou plaidé coupable.

« En rendant la justice pour le génocide, le Rwanda doit se conformer à ses obligations internationales en matière de droits humains et respecter la dignité et les droits de toutes les personnes », a insisté Alison Des Forges. « La peine de réclusion criminelle à perpétuité devrait être définitivement abolie. »

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