Le renouvellement par le Conseil de sécurité du mandat des forces de maintien de la paix au Darfour sans pour autant repousser les poursuites judiciaires contre le président soudanais réaffirme un engagement en faveur de la justice et de la sécurité pour les civils soudanais, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui.
Lors des débats au Conseil de sécurité sur le renouvellement du mandat de l’Opération hybride UA-ONU au Darfour, la Libye et l’Afrique du Sud ont tenté d’introduire dans le texte des clauses visant à interrompre l’examen par les juges de la Cour pénale internationale (CPI) d’un mandat d’arrêt à l’encontre du Président soudanais Omar el-Béchir. Préoccupés par le fait que la résolution fruit d’un compromis puisse envoyer un message trop faible pour ce qui est de traduire el-Béchir en justice, les Etats-Unis se sont abstenus lors du vote.
« Le Conseil de sécurité a refusé de permettre à certains de ses membres de prendre en otage les forces de maintien de la paix face à la dernière tentative du Soudan pour entraver la justice », a déclaré Richard Dicker, directeur du programme Justice internationale à Human Rights Watch. « La décision des Etats-Unis de s’abstenir est clairement un vote contre un permis donné au Président el-Béchir d’échapper à la prison. »
Le 14 juillet 2008, le procureur de la CPI a demandé que soit délivré un mandat d’arrêt contre el-Béchir sur les chefs d’accusation de génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre, pour avoir orchestré la campagne de contre-insurrection comportant de multiples exactions dans la région du Darfour au Soudan. Le gouvernement soudanais a tenté de bloquer l’émission d’un mandat d’arrêt contre el-Béchir en persuadant les Etats africains siégeant au Conseil de sécurité d’obtenir un délai à la CPI.
En mars 2005, les Etats-Unis se sont abstenus lors d’un vote au Conseil de sécurité qui renvoyait la situation au Darfour devant la CPI, du fait de leurs inquiétudes au sujet de la cour. Human Rights Watch a affirmé que l’abstention des Etats-Unis le 31 juillet était particulièrement significative, comme l’expression du soutien à la justice et à la procédure de la CPI.
Le Statut de Rome portant création de la CPI comporte une disposition, l’article 16, qui autorise le Conseil de sécurité, agissant sous l’autorité de son Chapitre VII pour le maintien de la paix et de la sécurité, à différer une enquête ou des poursuites de la CPI pendant 12 mois.
« Le Conseil de sécurité a demandé à la cour d’enquêter sur les crimes commis au Darfour, et ses membres devraient respecter cet engagement à y faire régner la justice. Cette tentative pour entraver le travail de la CPI constitue une ingérence politique flagrante avec un tribunal indépendant », a affirmé Dicker.
Au cours des trois années qui se sont écoulées depuis que le Conseil de sécurité a référé le Darfour à la CPI, le gouvernement soudanais a continué à violer en toute impunité le droit humanitaire international ainsi que nombre de résolutions du Conseil de sécurité. Et même depuis que le procureur a demandé le mandat il y a deux semaines, il a été fait état d’au moins deux attaques contre des villages menées par les forces gouvernementales. Le Soudan n’a fait non plus aucun effort sérieux pour traduire devant ses tribunaux nationaux les auteurs de crimes graves.
Le processus de paix au Darfour est au point mort depuis au moins neuf mois pour des motifs totalement étrangers aux enquêtes de la CPI ou au mandat demandé à l’encontre d’el-Béchir. Durant tout ce temps, le Soudan a tellement fait obstacle et retardé le déploiement de l’Opération hybride UA-ONU au Darfour (MINUAD) que, pour son premier anniversaire, à peine un tiers des effectifs de la force de maintien de la paix est déployé. Il n’y a eu aucun changement sur le terrain au Darfour qui pourrait justifier des concessions d’aucune sorte à l’égard du gouvernement soudanais pour le moment.
Depuis que la CPI a émis ses deux premiers mandats en avril 2007, Khartoum a refusé toute coopération avec la cour, en dépit des obligations légales du Soudan au regard de la résolution 1593 du Conseil de sécurité. Le 5 juin, le procureur de la CPI s’est adressé au conseil, déclarant que son enquête au Darfour avait constaté « un plan criminel basé sur la mobilisation de l’appareil d’Etat dans son ensemble, dont les forces armées, les services du renseignement, les administrations diplomatiques et de l’information publique, et le système judiciaire. » Le 16 juin, le Conseil de sécurité a adopté à l’unanimité une déclaration présidentielle appelant le gouvernement soudanais à coopérer avec la CPI.