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Tchad : L’Union européenne devrait immédiatement déployer des troupes pour protéger les civils

Besoin urgent d’une force neutre de l’UE pour garantir l’arrivée de l’aide humanitaire

(New York)- L’Union européenne, qui a prévu de déployer des troupes pour protéger les civils dans l’Est du Tchad, devrait agir de toute urgence, a déclaré aujourd'hui Human Rights Watch. Les récents combats entre les forces du gouvernement tchadien et des groupes rebelles ont mis en danger des dizaines de milliers de civils et ont paralysé l’arrivée de l’aide humanitaire.

L’EUFOR, la mission de protection des civils de l’Union européenne mandatée par le Conseil de sécurité des Nations unies pour protéger les civils au Tchad, a déjà déployé 150 soldats au Tchad. Toutefois, les récents combats ont retardé des déploiements supplémentaires. L’EUFOR a pour mandat d’assurer la protection de plus de 400 000 réfugiés soudanais et Tchadiens déplacés à l’intérieur du pays, dans l’Est du Tchad.

La présence de l’EUFOR est particulièrement cruciale dans la région de Guéréda à l’Est du Tchad, où plus de 12 000 réfugiés soudanais vivent depuis le 10 février dans des conditions effroyables, après avoir fui le Darfour occidental suite aux attaques par avions militaires du gouvernement soudanais et des milices Janjaweed. Les réfugiés soudanais récemment arrivés sont concentrés dans le village frontalier de Birak, une localité isolée où la présence du gouvernement tchadien est minimale et où s’affairent de nombreux groupes armés, notamment ceux déjà responsables d’attaques antérieures contre des civils.

« Les réfugiés qui ont récemment fui le Darfour pour le Tchad se trouvent dans une région où la situation est précaire et dangereuse, avec peu de nourriture et sans protection aucune », a déclaré Georgette Gagnon, directrice de la division Afrique de Human Rights Watch. « L’Union européenne a pour mandat de protéger ces réfugiés mais elle doit déployer immédiatement ses troupes au Tchad. »

Aux personnes ayant récemment fui le Darfour pour Birak et maintenant en danger s’ajoutent les réfugiés de deux camps supervisés par les Nations unies, dans la région de Guéréda, Kounoungo et Mile, dont la population totale atteint 30 000 individus. Des groupes paramilitaires opèrent dans les deux camps et ont activement recruté des réfugiés, dont des enfants selon certaines informations. En avril 2007, des réfugiés de Kounougo ont fait part à Human Rights Watch des violents abus perpétrés par les groupes rebelles tchadiens opérant dans la région, notamment des tentatives de viols. En décembre 2007, des abus violents, notamment des viols, commis par des groupes armés contre des réfugiés du camp de Mile ont été rapportés à Human Rights Watch.

« Dans certains camps, la police tchadienne responsable de la protection des réfugiés a été dans l’incapacité d’assumer ses fonctions parce que les groupes armés pratiquent l’intimidation et profèrent des menaces de mort », a déclaré Gagnon. « Un grave danger demeure pour les civils et le déploiement immédiat de l’EUFOR est particulièrement urgent. »

En plus de son rôle de protection des civils, l’EUFOR a reçu pour mandat du Conseil de sécurité des Nations unies de faciliter l’apport de l’aide humanitaire, sérieusement compromis par l’insécurité croissante. Fin janvier 2008, le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR) a commencé à évacuer son personnel national et international en réponse à l’escalade de la violence dans le pays. Depuis lors, l’activité des rebelles tchadiens a paralysé les transports par routes en direction de l’Est du Tchad, privant de vivres 400 000 réfugiés et personnes déplacées vivant dans les camps. En février, l’UNHCR a lancé un appel urgent en faveur de l’établissement d’un corridor aérien humanitaire pour assurer l’acheminement de l’aide de la capitale N’Djamena et de sa région vers l’Est du Tchad.

Certains membres de l’UE ont exprimé leurs réserves quant à la neutralité de l’EUFOR dans le conflit puisque la France, qui fournit une assistance militaire au gouvernement tchadien, met à disposition quelques 2 100 soldats sur les 3 700 que compte la force. Selon ces membres, la force ne serait pas en mesure de rester extérieure à la politique interne tchadienne. Les responsables de l’EUFOR maintiennent cependant qu’ils observeraient une stricte neutralité dans le conflit qui oppose le gouvernement tchadien aux rebelles.

« L’EUFOR est une force européenne opérant sous mandat de l’ONU et elle n’est pas supposée prendre parti », a déclaré Gagnon. « Si un éventail plus large de membres de l’UE s’engageait à mettre des soldats à disposition de l’EUFOR, cette dernière aurait alors le soutien nécessaire pour assurer la protection des civils. »

Human Rights Watch est préoccupé par la sécurité des réfugiés soudanais récemment arrivés à Birak et a appelé l’EUFOR à envisager l’établissement d’un bureau de terrain dans la région assiégée de Guéréda, située dans l’Est du Tchad.

Human Rights Watch a vigoureusement condamné l’arrestation à N’Djamena, le 2 février, de trois responsables de l’opposition politique au Tchad, lors d’une attaque rebelle et a exprimé une inquiétude toute particulière quant à la sécurité des défenseurs des droits humains. De plus, Human Rights Watch a accueilli avec satisfaction la déclaration du Commissaire européen, Louis Michel qui a appelé le 11 février à la libération immédiate des hommes politiques de l’opposition qui ont été arrêtés.

En septembre 2007, le Conseil de sécurité des Nations unies a approuvé une présence multidimensionnelle UE-ONU au Tchad et en République centrafricaine comprenant trois éléments distincts :

  • L’EUFOR
  • La MINURCAT (Mission des Nations unies en République centrafricaine et au Tchad) comprenant environ 1 400 employés civils des Nations unies, 300 policiers des Nations unies et 50 officiers de liaison militaire des Nations unies et
  • La PTPH (Police tchadienne pour la protection humanitaire), une force de police tchadienne de 850 membres formés par la police des Nations unies.

L’EUFOR représente la première mission de la Politique européenne de sécurité et de défense (PESD), sous mandat de l’ONU dans un pays où la Cour pénale internationale (CPI) a compétence. L’UE dispose d’un accord de coopération avec la CPI et l’EUFOR devrait fournir à la CPI toute aide nécessaire.

En septembre 2008, à mi-chemin du mandat d’un an de l’EUFOR, le Conseil de sécurité des Nations unies et le gouvernement canadien évalueront tous les aspects de la mission et se prononceront sur un éventuel passage de relais à une force de maintien de la paix des Nations unies d’ici mars 2009. La résolution 1778 du Conseil de sécurité des Nations unies qui a autorisé le déploiement d’une force UE-ONU au Tchad, concevait l’EUFOR comme une force passerelle vers une mission plus longue des Nations unies.

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