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CPI/RDC: Arrestation d’une nouvelle personne soupçonnée de crimes de guerre

La CPI devrait enquêter au sujet de hauts responsables liés aux chefs de guerre

(Bruxelles) – L’arrestation aujourd'hui d’une troisième personne recherchée par la Cour Pénale Internationale (CPI) pour des allégations de crimes de guerre commis en Ituri, République Démocratique du Congo (RDC) devrait encourager la Cour à poursuivre les hauts responsables civils et militaires de la région des Grands Lacs liés à des crimes internationaux perpétrés dans la région, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui.

Les autorités congolaises ont arrêté Matthieu Ngudjolo Chui, ancien chef d'état-major du Front des nationalistes et intégrationnistes (FNI), une milice ethnique lendu qui a commis des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité dans le district de l'Ituri, au nord-est du Congo. Ngudjolo a été remis à la CPI hier sous le chef d'accusation de crimes de guerre et crimes contre l'humanité. Il arrivera à La Haye aujourd'hui dans la journée. Au moment de son arrestation, Ngudjolo était en formation militaire à Kinshasa suite à sa nomination, en octobre 2006, au grade de colonel au sein de l'armée nationale congolaise.  
 
« L'arrestation de Ngudjolo montre que la justice rattrapera ceux qui semblent être intouchables en raison de leur position officielle » a déclaré Param-Preet Singh, juriste au Programme de justice internationale de Human Rights Watch. « Cette arrestation fait naître, chez les nombreuses victimes de crimes de guerre en Ituri, l'espoir que d'autres responsables politiques et militaires devront à leur tour rendre des comptes ».  
 
Contrairement aux deux précédents suspects visés par la CPI qui étaient détenus par les autorités congolaises au moment de leur arrestation, Ngudjolo ne se trouvait pas en détention lorsque la CPI a délivré son mandat d'arrêt. Human Rights Watch a souligné que c'était la coopération efficace entre le gouvernement congolais, la CPI et les autorités belges (qui ont fourni l'avion ayant servi à transporter Ngudjolo jusqu'à La Haye) qui a rendu possible l'arrestation de Ngudjolo. L'organisation des droits humains a exprimé l'espoir que ce type de coopération se renouvelle à l'avenir.  
 
L'arrestation de Ngudjolo fait suite à l'arrestation et au transfert à La Haye, en octobre 2007, de Germain Katanga, ancien chef d'état-major de la Force de résistance patriotique en Ituri (FRPI), alliée du FNI. A l'instar de Katanga, Ngudjolo est accusé de crimes contre l'humanité et de crimes de guerre qu'il aurait perpétrés dans la ville de Bogoro en 2003. L'audience de la CPI pour confirmer les charges portées à l'encontre de Katanga, initialement prévue pour fin février 2008, vient d'être repoussée. Fin mars 2008, la CPI doit également entamer son tout premier procès au cours duquel comparaîtra Thomas Lubanga, ancien chef de guerre et dirigeant de l'Union des patriotes congolais, une milice opposée au FNI et à la FRPI.  
 
Les recherches effectuées par Human Rights Watch suggèrent que la milice de Katanga et Ngundjolo bénéficiait d'un soutien financier et militaire régulier de hauts responsables à Kinshasa au Congo et en Ouganda, et que Katanga avait personnellement participé à des réunions pendant lesquelles ce soutien était discuté. Ce soutien est également décrit dans une lettre publique émanant du président du FNI, Floribert Njabu, et datant de février 2007, dans laquelle il impliquait de hauts fonctionnaires gouvernementaux.  
 
« Les trois dirigeants rebelles détenus par la CPI n'ont pas agi seuls pour terroriser les civils en Ituri », a relevé Singh. « Le procureur de la CPI devrait enquêter sur les relations qu'ils entretenaient avec des fonctionnaires au Congo, au Rwanda et en Ouganda qui pourraient également être responsables d'atrocités ».  
 
Deux autres anciens chefs de guerre devenus colonels participaient à la même formation militaire que Ngudjolo à Kinshasa : Cobra Matata, commandant haut placé lors du massacre de Nyakunde en septembre 2002, le plus grand massacre commis dans l'est du Congo pendant la récente guerre, et Peter Karim, responsable présumé de nombreuses atrocités à l'encontre de civils congolais et de la prise d'otages de huit Casques bleus de l'ONU, dont l'un a été tué, en avril 2006. Ces deux hommes ont été nommés colonels au sein de l'armée congolaise aux côtés de Ngudjolo. A ce jour, aucun des deux n'a été inculpé de quelque crime que ce soit.  
 
« L'arrestation de Ngudjolo est importante dans le sens où elle rompt le cercle vicieux de l'impunité au Congo » a souligné Singh. « Au lieu de récompenser des chefs de guerre brutaux tels que Cobra Matata et Peter Karim en leur octroyant des postes militaires en or, les autorités congolaises devraient suivre l'exemple de la CPI et les juger pour crimes de guerre dans le cadre de procès diligents et équitables ».  
 
En avril 2004, le gouvernement de transition congolais a saisi la CPI des crimes commis sur son territoire. Le procureur a annoncé le 23 juin 2004 l'ouverture de l'enquête de la Cour en RDC. 

Contexte

Matthieu Ngudjolo Chui était un haut dirigeant militaire au sein du groupe armé ethnique lendu connu sous le nom de Front des nationalistes et intégrationnistes (FNI), y occupant pour un temps en 2003 le poste le plus élevé, celui de chef d'état-major. En octobre 2003, avec le concours des Casques bleus de l'ONU à Bunia, Ngudjolo a été arrêté pour le meurtre d'un homme d'affaires hema lié à un groupe armé rival. Un tribunal de Bunia l'a ensuite acquitté mais il est demeuré incarcéré, le procureur local ayant interjeté appel de la décision. Le gouvernement a alors accusé Ngudjolo de crimes de guerre pour un massacre perpétré par les troupes du FNI en mai 2003 dans la ville de Tchomia et Ngudjolo a été transféré de Bunia à la prison de Makala, à Kinshasa, d'où il s'est évadé avant qu'un jugement n'ait pu être rendu.  
 
En 2005, après la chute de certains hauts dirigeants politiques et militaires du FNI, Ngudjolo a contribué à la création d'un nouveau groupe armé en rassemblant certains effectifs émanant des milices antérieures, lequel groupe s'est fait connaître sous le nom de Mouvement révolutionnaire congolais (MRC). Ngudjolo en est devenu le président.  
 
Au milieu de l'année 2006, Ngudjolo a signé un accord avec le gouvernement congolais pour le désarmement et l'intégration de ses forces dans l'armée nationale. Le 2 octobre 2006, un décret ministériel l'a promu au grade officiel de colonel au sein de l'armée congolaise et il a été chargé des enquêtes pour les opérations de l'armée en Ituri. Aucune enquête n'a été menée afin de vérifier s'il convenait pour cette fonction. Le 2 novembre 2007, Ngudjolo a quitté Bunia pour suivre une formation militaire à Kinshasa.  
 
Le FNI et son organisation alliée, la FRPI, ont reçu un soutien militaire et financier de l'Ouganda et, à partir de fin 2002, du gouvernement central de la RDC à Kinshasa, lequel cherchait à se forger de nouveaux alliés dans l'est du Congo. Lorsque les forces ougandaises se trouvaient au Congo en 2003, elles ont effectué des opérations militaires conjointes avec le FNI et la FRPI. En 2002 et 2003, le FNI et la FRPI ont également bénéficié d'une formation et d'un soutien militaires prodigués par un groupe rebelle national, le RCD-ML, alors dirigé par Mbusa Nyamwisi, aujourd'hui ministre des affaires étrangères. Le MRC a aussi bénéficié du soutien de l'Ouganda.  
 
Au cours des six dernières années, Human Rights Watch a rassemblé des centaines de témoignages documentant les atteintes généralisées aux droits humains commises par tous les groupes armés en Ituri, dont le FNI, la FRPI et le MRC. Selon des témoins oculaires, Ngudjolo a lui-même pris part et dirigé les combattants du FNI lors de plusieurs massacres, notamment ceux qui ont eu lieu à Bogoro, Tchomia, Mandro et Bunia en 2003.

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