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Kenya: Une enquête sur les élections est nécessaire pour mettre fin aux violences

Le gouvernement devrait lever les restrictions frappant les manifestations pacifiques et la presse

(New York, le 4 janvier 2008) - Une enquête indépendante sur les élections présidentielles est nécessaire pour prévenir de nouvelles violences au Kenya, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui. L'organisation de défense des droits humains a vivement recommandé au gouvernement de lever les restrictions inutiles qui touchent les médias et les rassemblements pacifiques.

« Le nombre croissant de signes de fraude électorale grave a contribué à déclencher les violences sur tout le territoire kényan », a expliqué Georgette Gagnon, directrice adjointe à la Division Afrique de Human Rights Watch. « Il faut de toute urgence procéder à une enquête transparente et indépendante sur le dépouillement des votes. »  
 
Les observateurs électoraux kényans et internationaux ont relevé des signes généralisés d'irrégularités dans le comptage des voix lors du scrutin présidentiel du 27 décembre dernier, à l'issue duquel le Président en exercice Mwai Kibaki a été désigné vainqueur. Human Rights Watch a appelé Kibaki et le leader de l'opposition, Raila Odinga, à avaliser - et les gouvernements internationaux à appuyer - une enquête transparente et indépendante sur la procédure de dépouillement des votes, menée avec une participation internationale et accompagnée d'un calendrier précis fixant un délai.  
 
Human Rights Watch a exprimé ses inquiétudes à propos des violences qui ont suivi les élections et de la réaction brutale du gouvernement. Les violences post-électorales ont frappé entre autres les régions de Nairobi, Mombasa, Eldoret dans la vallée du Rift et Kisumu dans la province de Nyanza. Les médias ont mentionné jusqu'à 350 morts. Des groupes d'autodéfense ont ciblé et attaqué des Kikuyus, le groupe ethnique du Président Kibaki. Des incidents horribles ont eu lieu, notamment l'incendie, dans l'ouest du Kenya, d'une église où se trouvaient des dizaines de Kikuyus, dont des femmes et des enfants qui y avaient trouvé refuge.  
 
Les partisans de l'opposition ont également été victimes de la répression imposée par les forces de sécurité. La police et l'armée ont recouru de manière excessive à la force pour faire face aux mouvements de contestation de l'opposition, au cours desquels des violences et des pillages ont eu lieu. Les Nations Unies estiment aujourd'hui officiellement que le nombre de Kényans déplacés à l'intérieur de leur pays par les violences post-électorales s'élève à 180 000. Les autorités kényanes devraient veiller à ce que toutes les personnes déplacées et celles se trouvant dans le besoin puissent avoir accès à l'assistance humanitaire. Human Rights Watch a également déclaré qu'une enquête indépendante et impartiale sur les violences post-électorales était nécessaire afin que tous les responsables soient amenés à répondre de leurs actes.  
 
Le gouvernement a interdit les émissions politiques diffusées en direct ainsi que les manifestations. Human Rights Watch a vivement recommandé aux autorités kényanes de lever les restrictions inutiles touchant la liberté de la presse et les rassemblements pacifiques.  
 
« Le gouvernement Kibaki a réagi aux violences en recourant à la répression militaire et à des restrictions à l'encontre des mouvements de contestation et de la presse », a déclaré Gagnon. « Les dirigeants politiques du Kenya et les gouvernements préoccupés par les événements devraient s'unir pour appeler à mettre fin à la violence ».  
 
Contexte  
 
Un nombre record de Kényans se sont rendus aux urnes dans le calme le 27 décembre à l'occasion des scrutins parlementaire et présidentiel. Aux élections parlementaires, 99 des 210 sièges ont été remportés par le Mouvement démocratique orange (ODM), parti d'opposition. Le Vice-Président Moody Awori et 14 des principaux ministres du Président Kibaki ont perdu leur siège.  
 
Le dépouillement des votes pour le scrutin présidentiel semblait suivre le même schéma, le dirigeant de l'ODM, Raila Odinga, menant au nombre de suffrages. Mais c'est alors qu'est survenu un renversement abrupt de situation, la Commission électorale du Kenya (ECK) annonçant que Kibaki était en tête. L'ODM et les observateurs électoraux internationaux ont exprimé leurs préoccupations au sujet des chiffres annoncés, le gouvernement ne leur faisant aucun cas. Alors que les protestations se faisaient croissantes, l'électricité a été coupée au centre de dépouillement de l'ECK et les commissaires de l'ECK sont sortis du bâtiment escortés par la police. Immédiatement après, le Président de l'ECK, Samuel Kivuitu, a déclaré Kibaki vainqueur de l'élection présidentielle avec quelque 230 000 voix de plus qu'Odinga. Le gouvernement a alors diffusé à la télévision un clip qui montrait Kibaki prêtant serment à la State House (siège du gouvernement) au cours d'une cérémonie privée expéditive organisée alors qu'il était près de minuit.  
 
Le président de l'ECK a par la suite été cité dans la presse disant qu'il « ne savait pas si M. Kibaki avait remporté les élections ». Il a expliqué qu'il était « sous pression » pour annoncer un résultat rapidement, en dépit des appels lancés par les observateurs électoraux demandant d'attendre que les irrégularités apparentes aient fait l'objet d'une enquête. Quatre de ses collègues de l'ECK ont également confié qu'ils étaient « mal à l'aise » par rapport au résultat du scrutin présidentiel et ont admis que la procédure suscitait chez eux de « lourdes » inquiétudes.  
 
La Mission d'observation électorale de l'Union européenne a émis de sérieux doutes au sujet de la légitimité du résultat de la présidentielle. Immédiatement après l'élection, elle a déclaré que « la procédure de dépouillement manque de crédibilité et... la Commission électorale du Kenya (ECK) n'a pas assumé les responsabilités qui lui incombaient de mettre en place une telle procédure ». La mission de l'UE a fait part de « certaines irrégularités qui soulèvent des doutes sur la justesse du résultat final annoncé ». Les observateurs européens ont cité la circonscription électorale de Molo, où 25 000 voix ont été frauduleusement ajoutées sur la feuille de dépouillement en faveur de Kibaki. D'autres ont également fait part de fraudes, notamment un officier électoral qui a admis que les résultats figurant sur des feuilles de dépouillement avaient été trafiqués en faveur de Kibaki. Les taux anormaux de participation électorale relevés tant dans les bastions de Kibaki que dans ceux d'Odinga et le fait que les observateurs de l'UE n'aient pu avoir accès à certains centres de dépouillement, en particulier dans le centre du Kenya, bastion de Kibaki, sont d'autres points contentieux.  
 
Le gouvernement Kibaki a jusqu'ici rejeté les appels en faveur d'une enquête, sommant l'ODM de déposer toute plainte éventuelle devant les tribunaux. Toutefois le système judiciaire kényan est largement perçu comme n'étant pas indépendant. Le président actuel de la Cour suprême (chief justice) était présent lors de la récente cérémonie de prestation de serment de Kibaki. Plus tôt dans son mandat, Kibaki avait révoqué un certain nombre de juges haut placés - notamment le chief justice de l'époque - et les avait remplacés par des personnes considérées comme moins indépendantes.

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