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Toujours pas de procès au Sénégal deux ans après la demande d’extradition belge

Communiqué de Presse de l’Association des Victimes des Crimes et Répressions Politiques au Tchad, l’Association Tchadienne pour la Promotion et la Défense des Droits de l’Homme et la Rencontre Africaine pour la Défense des Droits de l'Homme

(Dakar/N’djaména) – Le 19 septembre 2005, la justice belge délivrait un mandat d’arrêt international pour violation massive des droits de l’homme à l’encontre de l’ancien président du Tchad pour des crimes commis lorsqu’il était président entre 1982 et 1990 et demandait son extradition au Sénégal. Deux ans plus tard, les victimes attendent toujours que justice leur soit rendue.

Les victimes de l’ancien tortionnaire tchadien s’étaient tournées vers la Belgique lorsque les tribunaux sénégalais se sont déclarés incompétents pour le juger en 2001. « La justice sénégalaise qui avait décliné sa compétence en 2001, avait aussi refusé de remettre Habré à la justice belge qui lui aurait certainement fait un procès équitable dès 2005 ou 2006. Il aura fallu une condamnation des Nations unies et l’intervention de l’Union africaine pour qu’enfin le Sénégal accepte de juger Habré à Dakar. Mais nous ne savons toujours pas quand le procès va commencer », déplore Jacqueline Moudeina, présidente de l’Association Tchadienne pour la Promotion et la Défense des Droits de l’Homme (ATPDH) et avocate des victimes.

« Nous luttons depuis dix-sept ans pour que notre bourreau s’explique devant la justice sur les crimes qu’il a commis contre le peuple tchadien. Le temps nous est compté : chaque année des dizaines de survivants et des parents des disparus meurent. Le Sénégal doit rapidement débuter l’instruction de l’affaire Habré, sinon il risque de plus y avoir de témoins le jour du procès », déplore Souleymane Guengueng, vice-président de l’Association des Victimes des Crimes et Répressions Politiques au Tchad (AVCRP) qui a passé trois ans dans les geôles de Habré.

« La réputation et la crédibilité du Sénégal en matière de respect des droits de l’homme ont été écorné par l’affaire Habré » déclare Alioune Tine, de la Rencontre Africaine pour la Défense des Droits de l'Homme (RADDHO). « On ne peut pas à la fois déplorer qu’un Charles Taylor soit renvoyé devant la justice internationale et laisser le dossier Habré s’éterniser à Dakar. Cette affaire a clairement valeur de test pour la justice sénégalaise qui sera confrontée pour la première fois à l'épreuve de la compétence universelle. Comment éviter l’extradition de Habré et d’autres devant les tribunaux européens ou internationaux si les Africains ne s’attaquent pas résolument à l’impunité. »

Deux ans après le refus du Sénégal d’extrader Habré, « le gouvernement belge reste activement saisi du dossier ». En janvier 2006, la Ministre belge de la Justice, Madame Laurette Onkelinx, avait déclaré que la Belgique saisirait les voies de recours prévues par l’article 30 de la Convention des Nations unies contre la Torture, et le cas échéant porterait son différend avec le Sénégal devant la Cour internationale de Justice, si ce dernier manquait à ses obligations internationales.

En avril dernier, la Ministre réaffirmait cette possibilité en soulignant que « cette procédure pourrait mener la Belgique à introduire un recours unilatéral contre le Sénégal devant la Cour internationale de Justice ». Depuis que les autorités sénégalaises se sont publiquement plaintes de n’avoir reçu « ni un dollar ni un euro » pour le financement du procès, la Suisse et la France ont offert au Sénégal de lui apporter une aide financière et technique. D’autres pays ont aussi indiqué leur disposition d’aider.

En revanche, l’Union africaine, qui avait donné mandat au Sénégal « de poursuivre et faire juger, au nom de l’Afrique Hissène Habré » et qui avait demandé « à tous les Etats membres de coopérer avec le Gouvernement sénégalais sur cette question » n’a pris aucune mesure tangible. « Il est regrettable de constater le manque de leadership de l’Union africaine dans cette affaire » observe Jacqueline Moudeina. « Alors qu’en janvier dernier l’Union africaine demandait au Secrétariat de l’Union « d’assurer le suivi de la mise en œuvre de la présente décision » rien n’a été entrepris. Il serait pourtant utile, par exemple, de nommer un envoyé spécial qui puisse coordonner et promouvoir des initiatives africaines ».

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