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Burundi : Le nouvel organe de l’ONU pour la consolidation de la paix doit mettre l’accent sur les droits humains

Quand la Commission de consolidation de la paix des Nations Unies rencontrera demain les représentants du gouvernement burundais, ce nouvel organe de l’ONU conçu pour favoriser la reconstruction des pays au sortir de conflits armés devrait mettre l’accent sur le besoin crucial de protection des droits humains au Burundi, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui.

La situation des droits humains au Burundi s’est détériorée depuis une réunion qui s’est tenue au mois d’octobre, au cours de laquelle les membres de la Commission ont souligné l’importance de l’état de droit et du respect des droits humains pour la consolidation de la paix. Le Burundi et la Sierra Leone sont les premiers pays à bénéficier du soutien de la nouvelle commission, qui a commencé à fonctionner en juin. La commission a recommandé que le Burundi bénéficie d’un financement du nouveau Fonds pour la consolidation de la paix.

« Comme l’a reconnu la Commission de consolidation de la paix, une paix véritable doit se construire sur des fondations solides en matière de lois et de droits humains, » a déclaré Alison Des Forges, conseillère principale pour l’Afrique à Human Rights Watch. « Les autorités burundaises n’ont pas fait grand-chose pour traduire en justice les officiers impliqués dans des massacres et des actes de torture. Elles ont en revanche sévi contre des journalistes et d’autres personnes qui montrent du doigt les faiblesses du gouvernement. »

Les massacres de Muyinga restent impunis

En juillet, une trentaine de civils détenus dans la province de Muyinga « ont disparu » et sont présumés morts. Selon les témoins et les survivants, des soldats ont tué beaucoup des détenus après qu’ils aient été interrogés par les agents de renseignement. Les assassins ont jeté les corps dans une rivière proche. Les corps qui ont été retrouvés flottant dans la rivière ont confirmé cette allégation.

A la suite des protestations au niveau national et international, les autorités judiciaires ont arrêté en septembre deux soldats et un agent de renseignement, mais ne les ont pas encore fait passer en justice. Les autorités n’ont pas non plus exécuté cinq mandats lancés le 14 octobre pour l’arrestation d’autres suspects, dont le commandant de la Quatrième Région Militaire, le Colonel Vital Bangirinama. Le Colonel Bangirinama reste en fonction, tandis que l’un des procureurs impliqués dans l’enquête a été transféré à un autre poste, apparemment pour sa propre sécurité. A la fin du mois de novembre, les habitants de Muyinga ont trouvé au moins cinq autres corps dans la rivière, et ils ont dit que des administrateurs locaux leur avaient déconseillé de parler de leur découverte aux enquêteurs sur les droits humains.

Les auteurs présumés de la tentative de coup d’Etat torturés en détention

Au début du mois d’août, les agents du service de renseignement ont arrêté sept personnes, dont l’ancien président et l’ancien vice-président du Burundi, sous l’accusation d’avoir fomenté un coup d’Etat. Les détenus attendent le procès. Les agents du service de renseignement auraient torturé trois des personnes arrêtées. Celles-ci ont déposé plainte pour cela, mais aucune arrestation n’a été faite.

Arrestations arbitraires de journalistes et de militants de la société civile

Au cours des sept derniers mois, le gouvernement a arrêté trois journalistes et deux militants de la société civile sous des accusations excessivement vagues et peu justifiées. Ils sont tous actuellement en prison à Bujumbura.

En mai, le militant pour la paix Térence Nahimana a été arrêté sous l’accusation d’atteinte à la sûreté de l’Etat après qu’il ait écrit une lettre au président burundais Pierre Nkurunziza, exprimant des doutes à propos des retards dans les pourparlers de paix avec le dernier groupe rebelle à combattre alors le gouvernement. Bien que la lettre n’ait provoqué aucuns troubles, les autorités ont prétendu qu’elle aurait pu inciter la population contre elles. Après plus de six mois de détention préventive, Nahimana est passé en justice et il attend actuellement une décision.

Le 22 septembre, Gabriel Rufyiri, président de l’Observatoire de Lutte contre la Corruption et les Malversations Économiques (OLUCOME), a été arrêté et accusé d’avoir diffamé un homme d’affaires en faisant état de ses transactions apparemment illégales. Au cours des dix dernières années, OLUCOME a documenté des centaines de cas de corruption et de détournements de la part des autorités gouvernementales et d’hommes d’affaires au Burundi. Dans un cas récent très connu, OLUCOME a protesté contre les conditions de vente apparemment irrégulières d’un avion présidentiel pour un montant inférieur à l’offre maximum qui était de 2 millions de dollars.

Human Rights Watch s’oppose à l’utilisation des lois contre la diffamation criminelle en toutes circonstances, car elles constituent une restriction injustifiée du droit à la liberté d’expression. De plus, la détention préventive de Rufyiri n’a pas été entérinée par un juge dans un délai de 30 jours, comme l’exige le droit burundais. Aucune date n’a été fixée pour le procès.

En septembre, la police burundaise a déposé plainte contre trois stations de radio privées – Radio Publique Africaine (RPA), Isanganiro, et Bonesha – pour avoir diffusé qu’une fausse attaque était en cours de préparation contre les résidences du président burundais et du président du parti au pouvoir, le Conseil national pour la défense de la démocratie-Forces pour la défense de la démocratie (CNDD-FDD).

La fausse attaque aurait pour but de renforcer les accusations contre les personnes accusées d’avoir préparé le coup d’Etat, évoquées ci-dessus. En accord avec le droit burundais, les radios ont accordé un temps d’antenne à un porte-parole de la police pour lui permettre de réfuter les affirmations. L’affaire est restée en sommeil jusqu’à la fin du mois de novembre, lorsque les autorités ont arrêté Serge Nibizi et Domitile Kiramvu de Radio Publique Africaine (RPA) sous l’accusation de diffusion d’informations relatives à la sûreté de l’Etat.

Bien que les accusations étaient censées être liées à la plainte déposée en septembre, aucun de ces journalistes n’avait participé aux émissions en question. De plus, Nibizi a été accusé de diffuser des informations relatives à une enquête judiciaire, mais son compte-rendu était un commentaire sur un article publié au préalable dans Intumwa, un journal proche du CNDD-FDD. Les journalistes de Intumwa n’ont pas été arrêtés pour leur publication originelle des informations. Une semaine après ces arrestations, Mathais Manirakiza a également été arrêté pour diffusion sur Radio Isanganiro d’informations relatives à la sûreté de l’Etat, en lien avec la plainte de septembre. Deux autres journalistes de RPA ont été interrogés par les autorités en lien avec des comptes-rendus du coup d’Etat présumé. Le procès des trois journalistes est actuellement fixé au 14 décembre.

« Les massacres et les actes de torture au Burundi doivent s’arrêter, les auteurs des crimes commis doivent être punis, et la liberté d’expression doit être respectée, » a affirmé Des Forges. « Les membres de la Commission devraient souligner que le rétablissement d’un pays sortant du conflit armé exige la protection des droits humains. »

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