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Lorsque 800000 manifestants favorables au Hezbollah se rassemblent dans le centre-ville de Beyrouth, ils expriment au monde entier que, en dépit de la guerre menée contre Israël, le Hezbollah représente encore une force politique et militaire redoutable. En tant que tel, il est devenu un modèle pour les groupes armés dans toute la région. Parce qu'il constitue un mouvement fort et populaire, il est encore plus crucial que le Hezbollah soit tenu pour responsable de sa conduite pendant la guerre. Bien que le Conseil des droits de l'homme des Nations unies et le gouvernement libanais aient exigé qu'Israël soit tenu pour responsable de ses crimes, ces instances n'ont pas formulé la même demande à l'encontre du Hezbollah.

Sarah Leah Whitson

Mercredi 4 octobre 2006
Lorsque 800000 manifestants favorables au Hezbollah se rassemblent dans le centre-ville de Beyrouth, ils expriment au monde entier que, en dépit de la guerre menée contre Israël, le Hezbollah représente encore une force politique et militaire redoutable. En tant que tel, il est devenu un modèle pour les groupes armés dans toute la région. Parce qu'il constitue un mouvement fort et populaire, il est encore plus crucial que le Hezbollah soit tenu pour responsable de sa conduite pendant la guerre. Bien que le Conseil des droits de l'homme des Nations unies et le gouvernement libanais aient exigé qu'Israël soit tenu pour responsable de ses crimes, ces instances n'ont pas formulé la même demande à l'encontre du Hezbollah.

Les tragédies causées par cette guerre sont le résultat direct du mépris affiché par Israël et par le Hezbollah pour leurs obligations au regard du droit international humanitaire. Human Rights Watch a recueilli des informations sur l'incapacité systématique d'Israël à faire la distinction entre objets civils et militaires lors de sa campagne aérienne de bombardements, allant parfois jusqu'à commettre des crimes de guerre. Mais nous avons aussi enquêté sur les violations du droit humanitaire international commises par le Hezbollah.

Le Hezbollah a lancé des milliers de roquettes sur des villes, des communes et des villages densément peuplés, situés dans le nord d'Israël, utilisant toute une variété de roquettes non guidées, souvent désignées sous le nom de «Katiouchas». Ces dernières ne peuvent pas cibler précisément des objets militaires parce qu'elles sont technologiquement limitées. En tirant ces roquettes sur des zones civiles, le Hezbollah savait qu'il avait peu de chances de frapper une cible militaire, mais que par contre la probabilité de causer morts et blessés parmi les civils était élevée. De telles attaques étaient au mieux des attaques non discriminées contre des zones civiles, au pire des attaques directement lancées contre des civils.

Du fait du secret qui entoure le Hezbollah, on sait peu de choses sur la conduite de ses forces au Liban et si ses actions ont fait courir ou non des risques aux civils libanais. Les recherches de Human Rights Watch ont montré que, dans un certain nombre de cas, le Hezbollah avait mis en danger des civils libanais, sans raison valable, en stockant des armes dans des habitations privées, en tirant des roquettes depuis des zones peuplées et en permettant à ses combattants d'opérer à partir d'habitations privées. Le Hezbollah a également eu recours à des enfants comme combattants, ce qui constitue une autre violation du DIH.

Le Hezbollah a publiquement défendu ses attaques contre Israël, en insistant sur le fait que nombre de ses roquettes avaient pour cibles des objets militaires. Or, ceci n'excuse pas les très nombreuses autres roquettes lancées sans discrimination aucune contre des zones civiles. Le Hezbollah a également cherché à justifier ses attaques contre des civils israéliens en affirmant qu'il s'agissait de représailles légitimes, d'après certaines interprétations du droit islamique. De telles affirmations sont pour le moins décevantes, de la part d'une organisation qui s'est vantée de n'avoir jamais attaqué les civils lors des précédents conflits avec Israël. Elles sont aussi totalement irréfléchies: des violations du droit international humanitaire se produisent dans pratiquement toute guerre, si bien que, si une violation perpétrée par un camp excusait les violations commises par un autre, toutes les guerres dégénéreraient en attaques contre les civils. Ceci explique pourquoi les représailles contre les civils ne sont jamais permises par le droit international humanitaire. Une fois la guerre terminée, le Conseil des droits de l'homme des Nations unies, initialement à l'instigation des Etats membres arabes et musulmans, a agi rapidement afin d'établir une commission d'enquête sur les violations du droit de la guerre commises par Israël. Or, faisant preuve d'une affligeante partialité, le conseil a refusé d'examiner la conduite du Hezbollah. Cette réponse a mis à mal la crédibilité du mécanisme des Nations unies de défense des droits humains, au moment même où il se devait de compenser l'incapacité ou le manque de volonté du Liban de lancer, de lui-même, une telle enquête.

Le conseil devrait demander, sans équivoque, qu'une enquête soit faite sur la conduite du Hezbollah. Les personnes qui soutiennent le Hezbollah et qui estiment qu'il a le droit de résister se doivent d'exiger que le Hezbollah combatte en respectant les règles du droit humanitaire international. Refuser de tenir le Hezbollah pour responsable de ses actes risque d'entraîner cette force de combat dans une anarchie complète et d'encourager d'autres groupes armés à mépriser ouvertement les principes fondamentaux de la guerre.

Si le feu vert est donné aux attaques contre des civils, la seule chose que nous tenons pour certaine, c'est que les victimes ne seront pas uniquement israéliennes. Comme dans le cas de l'Irak, Arabes et musulmans en feront aussi les frais.

Sarah Leah Whitson est la directrice de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord de Human Rights Watch

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