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Côte d'Ivoire : Le cheminement vers les élections menacé par de nouvelles violations

De graves abus sont commis en toute impunité par les forces gouvernementales et rebelles

(Washington) -  En Côte d’Ivoire, les forces gouvernementales, les milices qui leur sont alliées et les rebelles des Forces Nouvelles commettent tous, en toute impunité, de graves abus contre les civils, a déclaré Human Rights Watch dans un nouveau rapport publié aujourd’hui. Ces abus et l’impunité qui les rend possible soulèvent de graves interrogations sur la possibilité d’actes violents d’ici les élections d’octobre.  
 
Le rapport de 36 pages, « Parce qu'ils ont les fusils ... Il ne me reste rien », rapporte des informations sur les violations des droits de l'homme commises sur les civils par les forces de sécurité de l'Etat, les milices qui leur sont alliées et le groupe rebelle des Forces Nouvelles, entre novembre et mars. Ces groupes armés s'en sont pris aux civils en recourant à des intimidations ainsi qu'à la force directe.  
 
« Les forces gouvernementales et les rebelles ont disposé d'une totale liberté pour commettre des abus contre les civils, les harceler et les intimider, » a déclaré Peter Takirambudde, directeur de la division Afrique à Human Rights Watch. « Cette impunité suscite un risque de violence dans la période pré-électorale et menace la capacité des individus à exercer leurs droits politiques. »  
 
Depuis 2002, la Côte d'Ivoire est divisée entre le sud contrôlé par le gouvernement, et le nord tenu par les rebelles, avec une zone tampon entre les deux dans laquelle patrouillent des forces de maintien de la paix des Nations unies et des forces françaises. Les accords politiques qui se sont succédés ont échoué à dépasser l'impasse du « ni paix, ni guerre. » Les élections prévues pour le 30 octobre 2005 ont été annulées et les Nations unies ont accepté que le Président Laurent Gbagbo reste au pouvoir pour une année supplémentaire, si des élections libres et impartiales étaient organisées.  
 
Ces élections doivent maintenant se tenir avant le 31 octobre 2006, selon une feuille de route établie par le Groupe de travail international sur la Côte d'Ivoire. En décembre, le Conseil de sécurité des Nations unies a exhorté le nouveau premier ministre, Charles Konan Banny, à mettre en œuvre cette feuille de route aussi rapidement que possible. Cependant, la Côte d'Ivoire aborde la période pré-électorale profondément divisée, les partis politiques étant généralement organisés selon des critères ethniques et religieux. Les forces de sécurité, dans le nord et dans le sud, représentent souvent les intérêts de groupes politiques particuliers.  
 
Human Rights Watch a montré que des membres des forces de sécurité du gouvernement continuent de s'en prendre aux civils en extorquant des biens, en volant et en battant parfois les mêmes personnes qu'elles sont chargées de protéger. Ces abus se produisent typiquement sous couvert de contrôle de sécurité de routine lorsque des policiers et des gendarmes inspectent les papiers d'identité des personnes qu'ils arrêtent à des barrages routiers, sur les marchés ou dans d'autres lieux publics. Les ressortissants des états voisins et les Ivoiriens du nord du pays sont particulièrement soumis à ces abus, parce qu'ils sont soupçonnés de soutenir les rebelles du nord. Les personnes issues de ces groupes sont aussi prises pour cibles et fréquemment soumises à des arrestations arbitraires, des passages à tabac, des actes de torture et parfois des meurtres, en particulier lorsque la tension politique est accrue.  
 
Dans la partie septentrionale de la Côte d'Ivoire, Human Rights Watch a découvert que les rebelles des Forces Nouvelles extorquaient régulièrement de l'argent aux civils en les menaçant, en les intimidant ou en recourant directement à la force. Dans la zone administrée par les Forces Nouvelles, les citoyens accusés de crimes de droit commun sont parfois soumis à des arrestations arbitraires par les officiers de police des zones sous administration des rebelles et l'utilisation de « condamnations » à la prison à la légalité douteuse continue, sans vérifications indépendantes du pouvoir judiciaire ou exécutif.  
 
Le rapport souligne la façon dont ni les autorités ivoiriennes, ni les responsables du groupe rebelle des Forces Nouvelles, ni la communauté internationale n'ont pris des mesures significatives pour que soient traduites en justice les personnes responsables de graves violations des droits humains et du droit international humanitaire. Si des mesures ne sont pas prises maintenant pour combattre l'impunité, la violence qui a éclaté pendant les élections présidentielles et parlementaires de 2000 pourrait se reproduire. En 2000, la violence politique, ethnique et religieuse au cours de la période qui a conduit aux élections a causé la mort de plus de 200 personnes et fait des centaines de blessés.  
 
Human Rights Watch a recommandé que le Conseil de sécurité des Nations unies autorise une application plus large des sanctions économiques et des interdictions de déplacement contre les individus identifiés comme responsables de graves violations des droits humains. Human Rights Watch a également recommandé que soient rapidement publiées et discutées les recommandations du rapport de la Commission d'enquête des Nations unies sur les violations des droits humains commises depuis 2002. Ce rapport n'a toujours pas été rendu public bien qu'il ait été soumis au Conseil de sécurité en décembre 2004.  
 
« La communauté internationale devrait développer une stratégie concrète pour combattre l'impunité qui prévaut partout et qui pourrait conduire à une violence pré-électorale en Côte d'Ivoire, » a déclaré Takirambudde.  
 
La Cour pénale internationale devrait rapidement envoyer une mission en Côte d'Ivoire pour enquêter sur les forces gouvernementales et rebelles accusées de graves crimes. Le rapport appelle également le gouvernement de Côte d'Ivoire et les Forces Nouvelles à enquêter sur les crimes commis dans leur zone de contrôle effectif et à les sanctionner selon les normes internationales. Sont compris dans ces crimes, les exécutions extrajudiciaires, les actes de torture, le harcèlement des civils et l'extorsion de biens.  
 
« Le gouvernement comme les rebelles doivent mettre en œuvre des actions décisives pour montrer aux auteurs de graves crimes que l'époque de l'impunité est révolue, » a déclaré Takirambudde. « Alors que la Côte d'Ivoire se prépare à des élections, les autorités ivoiriennes et les commandants rebelles doivent clairement affirmer que les abus supplémentaires ne resteront pas impunis. »  

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