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Haïti : Des élections sécurisées et crédibles sont vitales pour la stabilité du pays

La communauté internationale doit tenir son engagement

Le gouvernement haïtien et la Mission des Nations Unies en Haïti doivent s’assurer que ces élections tant attendues ouvrent la voie à une stabilité politique, a déclaré aujourd’hui Human Rights Watch.

Pour permettre à ces dernières de faire progresser la démocratie en Haïti, les autorités doivent s’assurer que la violence ne déstabilisera pas le scrutin et n’empêchera pas les électeurs de voter, et que les bulletins seront comptés de façon transparente et équitable.

Les élections parlementaires et présidentielles, reportées quatre fois pour des raisons de sécurité et des problèmes logistiques, sont prévues pour demain. Ce seront les premières élections en Haïti depuis le départ de Jean-Bertrand Aristide en 2004. Ces deux dernières années, le pays a été dirigé par un gouvernement de transition appuyé par une force des Nations Unies qui compte actuellement 9000 soldats et policiers.

« Il est essentiel que ces élections soient crédibles aux yeux du peuple haïtien » a déclaré Joanne Mariner, conseillère à Human Rights Watch sur le dossier Haïti. « Sinon, au lieu d’aboutir à une stabilité nécessaire, elles pourraient déclencher une autre crise ».

Dans le passé, les élections en Haïti ont souvent été marquées par des violences, ainsi que par une désorganisation généralisée et de nombreuses fraudes. Les élections de 2000, très contestées, avaient aggravé les tensions politiques et sociales et attisé les polarisations politiques.

Human Rights Watch a indiqué que dans la course aux élections de février, ni le gouvernement, ni la Mission de stabilisation de l’ONU ne sont parvenus à résoudre les graves problèmes du pays en matière de droits de l'homme et de sécurité.

A Port-au-Prince, la capitale, les gangs criminels terrorisent toujours les habitants des bidonvilles, tandis qu’en province, des groupes armés composés d'anciens soldats exercent une autorité de facto en l'absence d’institutions gouvernementales en état de marche. En dépit des tactiques plus agressives adoptées par les forces de l’ONU qui ont conduit à une diminution des violences depuis l'été dernier, quelques quartiers demeurent trop dangereux, même pour des élections. Aucun bureau de vote n'a, par exemple, été mis en place dans Cité Soleil, un des bidonvilles les plus violents de la capitale.

Les milliers d’armes illégales qui circulent en Haïti représentent un autre facteur d’inquiétude. Jusqu'à présent, les programmes de désarmement et de démobilisation n'ont pas réussi à atteindre la majorité des groupes armés, urbains et ruraux. Cela constitue un échec pour le maintien de la sécurité.

Rien n’a été fait pour résoudre un des plus graves problèmes d’Haïti, l’absence totale de poursuite judiciaire envers les auteurs de crimes anciens et récents. Lors d’une mission en Haïti en 2005, Human Rights Watch a constaté que la police haïtienne, en sous-effectif et mal fromée, n’enquêtait que sur une minorité de crimes et que le système juridique fonctionnait à peine. Les efforts menés par la Mission de stabilisation de l’ONU (MINUSTAH) pour résoudre ces problèmes, y compris les crimes perpétrés par la police, n’ont donné jusqu'ici aucuns résultats probants.

Ce manque d’engagement à plus de responsabilité est très bien illustré par le fait que plusieurs candidats à la présidentielle ont été impliqués dans des atteintes aux droits de l’homme dans le passé. Parmi eux, on dénote Guy Philippe, ancien chef de la police à Delmas et un des chefs de la rébellion de 2004 contre le gouvernement Aristide et Franck Romain, officier militaire de haut rang sous la dictature Duvalier. Selon la Mission Civile Internationale dirigée par l’ONU, des douzaines de personnes soupçonnées d’appartenir à des gangs ont été sommairement exécutées quand Philippe était en fonction comme chef de la police. L'Organisation des États Américains (OEA) a découvert que Romain, avait été mêlé à un massacre survenu lors de son mandat de maire de Port-au-Prince en 1998.

Malgré les inquiétudes de nombreux observateurs concernant la situation instable et les problèmes techniques qui pourraient compromettre le processus électoral, les récents sondages montrent que la majorité des Haïtiens soutient les élections à venir. Tous admettent pourtant que les élections ne seront que la première étape d’un long processus vers la stabilité politique et l’Etat de droit. Le nouveau gouvernement ne préservera sa crédibilité que s'il s'engage à régler sur-le-champ les problèmes politiques, économiques et sociaux dont souffre Haïti depuis longtemps.

« Une élection, même si couronnée de succès, ne mettra pas fin instantanément à la violence et à l'impunité », a ajouté Mariner. « Des mesures immédiates doivent être prises pour assurer la sécurité et des réformes institutionnelles essentielles doivent être entreprises ».

La communauté internationale a été largement impliquée dans la planification et l’organisation des élections en Haïti. L'Union Européenne a débloqué 72 millions d'euros en octobre pour soutenir le processus électoral, l'OEA a géré la procédure d'inscription des électeurs et la mission de l’ONU s’est engagée à assurer la sécurité des bureaux de vote.

Human Rights Watch a déclaré que le gouvernement haïtien aura encore besoin du soutien de la communauté internationale pour s’attaquer à la tâche complexe de la reconstruction. L’organisation a sommé le Conseil de sécurité de l’ONU de renouveler le mandat de la Mission de stabilisation, qui expire le 15 février 2006. Ce nouveau mandat doit tirer les leçons de ce qui s’est passé jusqu’à présent en Haïti et adopter une approche plus proactive pour le maintien de l’ordre, le désarmement et la justice.

« La communauté internationale ne devrait pas croire que sa tâche sera terminée une fois les bureaux de vote fermés », a déclaré Mariner. « Le maintien de l’engagement international sera essentiel pour aider Haïti à se remettre de la crise actuelle ».

Quelques données sur les élections de 2006 en Haïti :

• 34 personnes se sont portées candidates pour le poste de président; 312 sont en compétition pour 30 sièges au sénat et plus de 1000 pour 89 sièges à la Chambre des députés.
• La plupart des candidats parlementaires appartiennent au Parti Fusion des Sociaux - Démocrates Haïtiens mais Lavalas, Lespwa et un certain nombre de partis plus petits participent également.
• Selon le Conseil Provisoire électoral (CEP), 3 533 430 électeurs haïtiens (on dénombre 4 448 065 citoyens âgés de 18 ans et plus) sont inscrits sur les listes électorales. Le gouvernement haïtien a également signalé que 88 pour cent des 3,5 millions d’électeurs haïtiens inscrits (soit 3 099 291 personnes) ont déjà reçu une carte d'électeur.
• Plus de 800 bureaux de vote ont été installés dans tout le pays. Le 25 janvier 2006, les organisateurs des élections haïtiennes ont annoncé qu'aucun bureau de vote ne serait ouvert dans Cité Soleil. Cité Soleil, un des quartiers les plus pauvres et les plus dangereux de Port-au-Prince, comprend plus de 250 000 habitants, parmi lesquels on dénombre 60 800 électeurs inscrits.
• Près de 200 observateurs internationaux, venus de partout dans le monde, surveilleront les élections.
• Si aucun candidat ne remporte la majorité (plus de 50% des votes) au premier tour, un second tour doit être tenu entre les deux meilleurs candidats. Le second tour des élections présidentielles et parlementaires est prévu pour le 19 mars 2006.
• Les élections municipales et locales auront lieu le 5 avril 2006.
• L’investiture présidentielle est prévue pour le 29 mars 2006.

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