En notre qualité de représentants d’organisations internationales de développement et de défense des droits de l’homme, nous vous écrivons pour assurer que les autorités judiciaires et la Commission d’Enquête mènent une enquête indépendante, approfondie et impartiale sur l’assassinat de Pascal Kabungulu Kibembi. Nous vous demandons d’assurer que les auteurs de cet horrible crime soient amenés devant la justice, dans le respect des normes du droit international garantissant le droit à un procès équitable et l’absence de recours à la peine de mort.
En notre qualité de représentants d’organisations internationales de développement et de défense des droits de l’homme, nous vous écrivons pour assurer que les autorités judiciaires et la Commission d’Enquête mènent une enquête indépendante, approfondie et impartiale sur l’assassinat de Pascal Kabungulu Kibembi. Nous vous demandons d’assurer que les auteurs de cet horrible crime soient amenés devant la justice, dans le respect des normes du droit international garantissant le droit à un procès équitable et l’absence de recours à la peine de mort.
Vous savez sans doute que M. Kabungulu, Secrétaire Exécutif de l’organisation de défense des droits de l’homme, Héritiers de la Justice, a été abattu à son domicile à Bukavu le 31 juillet 2005. Trois hommes armés en uniformes sont entrés par effraction dans sa maison, l’ont trainé hors de sa chambre et l’ont exécuté de sang froid devant les membres de sa famille. Ces derniers ont indiqué que, juste avant de l’abattre, les agresseurs ont dit : « On t’a cherché et aujourd’hui c’est le jour de ta mort ».
Pascal Kabungulu Kibembi était bien connu pour ses prises de position courageuses en faveur des droits de tous les Congolais. Son décès a profondément choqué l’ensemble de la communauté congolaise des défenseurs des droits humains et de la société civile et a suscité une peur profonde parmi les victimes qu’il a défendues et soutenues pendant tant d’années.
Les autorités judiciaires congolaises ont ouvert une enquête pénale sur cette affaire et les autorités provinciales du Sud-Kivu ont établi une Commission d’Enquête, présidée par le procureur militaire du Sud-Kivu.
Il a été rapporté que le déroulement de ces enquêtes a été entravé par l’intervention de soldats de l’armée congolaise. Le 4 août 2005, trois officiers militaires des Forces Armées de la République Démocratique du Congo (FARDC), conduits par l’ancien commandant du Rassemblement Congolais pour la Démocratie-Goma (RCD-Goma), le commandant Thierry Ilunga, ont contraint le directeur de la Prison Centrale de Bukavu à leur remettre les deux soldats suspectés d’être impliqués dans l’assassinat qui y étaient détenus. Entre le 4 et le 18 août, les suspects ont été retenus à la caserne de la 10ème région militaire pendant la journée, et autorisés à rentrer chez eux le soir. Les suspects ont désormais réintégré la prison centrale. Par ailleurs, plusieurs membres de la Commission d’Enquête ont reçu des menaces sous des formes diverses, menaces qui pourraient être liées à leur participation à cette Commission.
Afin de garantir la véritable indépendance de la Commission, libre de toute interférence provenant du personnel militaire, nous vous demandons qu’elle soit dirigée et qu’elle opère uniquement par l’intermédiaire d’autorités civiles.
Nous déplorons également beaucoup les actes reportés ci-dessus et qui tendent vraisemblablement á saper et á entraver le cours de l’enquête. Nous exhortons également les autorités de la RDC à enquêter sur les actes des trois officiers des FARDC suspectés.
Le gouvernement de la RDC devrait également garantir que l’actuelle Commission d’Enquête sur l’assassinat de Pascal Kabungulu soit indépendante, impartiale et compétente, qu’elle ait des objectifs clairement définis, qu’elle soit investie d’autorité; et qu’elle mène une enquête en toute transparence. La Commission devrait également avoir compétence, conformément à la loi, d’octroyer réparation, y compris compensation, et de prendre des décisions ayant force exécutoire et paiement de dommages et intérêts, dans un délai raisonnable. En outre, le gouvernement de la RDC a le devoir de mettre à disposition des autorités judicaires et de la Commission d’Enquête les moyens nécessaires à la conduite d’une enquête indépendante, approfondie et impartiale sur l’assassinat de M. Kabungulu.
L’assassinat de Pascal Kabungulu montre clairement que les défenseurs des droits de l’homme continuent d’être victimes d’harcèlement, d’intimidation et d’agressions en RDC. Conservant cela en tête, nous encourageons vivement le gouvernement de la RDC á mettre en place un plan d’action efficace de protection des défenseurs congolais des droits humains en application de la Déclaration des NU sur le Droit et la Responsabilité des Individus, Groupes et Organes de la Société de Promouvoir et Protéger les Droits de l’Homme et les Libertés Fondamentales Universellement Reconnus.
Nous recommandons au gouvernement de prendre des mesures afin que des enquêtes soient menées sur toute une série de violations des droits de l’homme qui ont été commises á l’encontre de défenseurs des droits humains et d’amener les responsables devant la justice. En particulier, des enquêtes devraient être ouvertes dans les affaires suivantes :
- Les menaces, notamment les menaces de mort contre Richard Bayunda Muhindo, Sheldon Hangi, Charles Mukandirwa et Magellan Lwanda , défenseurs des droits humains à Goma, en janvier 2005.
- L’attaque par des hommes armés contre Golden Misabiko et Amigo Ngonde, membres de premier plan de l’Association Africaine de Défense des Droits de l’Homme (ASADHO) le 16 mai 2005 à Lubumbashi
- L’arrestation arbitraire de Golden Misabiko le 2 juin 2005 à Lubumbashi, et de sept autres défenseurs des droits humains qui protestaient contre sa détention
- L’attaque par des hommes armés contre Dismas Kitenge, chef du Groupe Lotus, dans la nuit du 2 juin 2005, à Kisangani.
Nous appelons le gouvernement de la RDC à apporter son soutien aux mandats tant de la Représentante spéciale des Nations Unies pour les défenseurs des droits humains que du Rapporteur Spécial sur la situation des défenseurs des droits de l’homme en Afrique de la Commission Africaine des Droits de l’homme et des Peuples en les invitant á effectuer une visite en RDC.
Le pays s’engageant dans une réforme majeure de l’armée, nous appelons le gouvernement á établir un système d’examen pour le service militaire indépendant de sorte à éviter d’intégrer dans l’armée nationale des individus que l’on peut raisonnablement suspecter d’avoir commis des violations des droits de l’homme, ce jusqu'à ce que les accusations portées contre eux aient fait l’objet d’une enquête approfondie. Au nombre des autres principales mesures que le gouvernement devrait prendre figure la mise à en place de formations en droit international des droits de l’homme et humanitaire destinées á toutes les personnes ayant intégré le corps de l’armée.
Nous attendons avec impatience votre réaction à notre courrier sur ces importantes questions.
Veuillez agréer, Votre Excellence, l’assurance de nos sentiments les meilleurs.
Kolawole Olaniyan
Directeur du programme Afrique
Amnesty International
Mary Lawlor
Directrice
Front Line
Georgette Gagnon
Directrice adjointe,
Division Afrique
Human Rights Watch
David Pain
Chef de la Programme Afrique
Christian Aid