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La Tunisie devrait libérer Salem Zirda, un ancien réfugié traduit mardi devant un tribunal militaire pour les activités politiques poursuivies alors qu’il était à l’étranger, ou bien lui accorder un procès équitable devant les juridictions civiles, dans l’hypothèse ou il y aurait une preuve tangible d’une activité illégale, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui.

« La Tunisie a emprisonné des douzaines de ses nationaux pour leur leur participation à des activités dissidentes légales alors qu’ils étaient en Europe et en Amérique du Nord », a déclaré Sarah Leah Whitson, directrice exécutive de la Division Afrique du Nord et Moyen Orient à Human Rights Watch. « Si le gouvernement tunisien ne peut traduire Salem Zirda devant des juridictions civiles pour des actes manifestement illégaux, il doit être relâché».

Mardi 29 juin, Salem Zirda doit comparaître devant la Cour militaire de Tunis. Il est accusé d’ «avoir servi…une organisation terroriste opérant à l'étranger », un crime prévu par l'article 123 du Code de Justice militaire. S’il est reconnu coupable, il risque 10 ans de prison. Il est incarcéré en Tunisie depuis qu’il y a été renvoyé par les autorités américaines, le 13 mai 2002.

Selon l’avocat de Salem Zirda, Samir Ben Amor, la Cour ne dispose pas d’autre élément qu’une déposition de M. Zirda à la police affirmant qu’il avait eu des contacts avec des membres du parti Nahdha lorsqu’il vivait à l’étranger. La déposition relève par ailleurs le fait que Rachid Ghannouchi, le leader en exil du Parti, avait écrit une lettre de recommandation appuyant la demande d’asile en Allemagne de Salem Zirda. Cependant, rien dans le dossier ne suggère que Salem Zirda ait préparé ou se soit engagé dans une activité à caractère violent.

An-Nahdha est un parti islamiste interdit et réprimé par le gouvernement tunisien au début des années 90, après avoir été toléré pendant les premières années du mandat du Président Zine el-Abidine Ben Ali. Depuis 13 ans qu’il a été condamné à la clandestinité et à l’exil, le parti Nahda n’a jamais été lié à aucune action terroriste.

Des douzaines de tunisiens vivant en Europe et au Canada ont été arrêtés ces dix dernières années à l’occasion de séjours en Tunisie, puis jugés et emprisonnés pour les activités politiques qu’ils auraient poursuivies à l’étranger.

Le cas de Salem Zirda est légèrement différent. Né en Tunisie en 1970, Zirda avait fui le pays au début des années 90. En mars 1992, alors qu’une répression massive s’abattait sur An-Nahdha, une Cour de première instance d’Al-Mahdia reconnaissait la culpabilité de Salem Zirda in abstentia et le condamnait à de nombreuses années de détention pour différents délits politiques : appartenance à une organisation non reconnue, organisation de réunions non autorisées, participation à des manifestations « hostiles » et distribution de tracts. Mais la Cour ne le reconnut coupable d’aucune activité violente.

M. Zirda arriva en Allemagne en 1994 et y déposa une demande d’asile, en vertu du fait qu’en tant que membre de Nahdha, il serait persécuté s’il était renvoyé en Tunisie. L’Allemagne accorda à Salem Zirda un permis de résidence et des documents de voyage, au titre de réfugié.

En 2000, M. Zirda quitta volontairement l’Allemagne. Le 19 octobre de cette année, il fut appréhendé à son arrivée aux Etats-Unis depuis le Mexique et effectua un court séjour en prison pour entrée illégale sur le territoire américain. Une fois sa peine purgée, Salem Zirda fut conifé aux services américains d’immigration et de naturalisation (INS). Il demanda à être reconduit en Allemagne, mais l’Allemagne refusa son retour au motif que son permis de résidence avait expiré depuis qu’il avait quitté le pays. Salem Zirda soumit alors une requête pour obtenir l’asile politique aux Etats-Unis.

L’avocat de l’INS en charge du cas de Salem Zirda a signalé à Human Rights Watch que le FBI (Bureau fédéral d’investigation) avait enquêté sur Salem Zirda en 2000 et avait conclu qu’il n’était impliqué dans aucune « special interest activity », expression utilisée par le gouvernement américain pour designer les affaires liées à l’investigation sur les réseaux terroristes. Un autre élément indique que les autorités américaines n’ont pas lié M. Zirda à des activités terroristes : le 16 août 2001, un juge des affaires d’immigration a décidé de remettre Salem Zirda en liberté, dans l’attente d’une décision sur sa demande d’asile politique, et de ne demander qu’une caution de 17 000 dollars.

Cependant, avant même que Salem Zirda ait déposé la somme, les attaques du 11 septembre eurent lieu. Les juridictions américaines aux affaires d’immigration révoquèrent sa liberté sous caution, comme ce fut le cas pour de nombreuses personnes en détention préventive à l’INS à ce moment-là.

Salem Zirda demeura en détention aux Etats-Unis jusqu'à 2002, quand il décida apparemment d’abandonner sa demande d’asile. Selon l’avocat de l’INS, M.Zirda consentit a être renvoyé en Tunisie. Si cela est vrai, les raisons du revirement de M. Zirda, au moment où il était détenu aux Etats-Unis avec une mince perspective de remise en liberté, sont inconnues de Human Rights Watch.

Salem Zirda est désormais à la prison du 9 avril à Tunis, dans l’attente du commencement de son procès mardi. Human Rights Watch a de fortes raisons de craindre que son procès ne sera pas conforme aux normes internationales en matière de procès équitable. Bien que civil, il va être jugé par une juridiction militaire, et les jugements rendus par les tribunaux militaires sont sans appel. D’après les preuves dont Human Rights Watch dispose, il semble qu’il ne soit poursuivi que pour son association non violente au parti Nahdha.

« S’il y a une preuve que Salem Zirda ait réalisé des activités violentes ou criminelles, les autorités devraient engager une procédure publique et équitable devant des juridictions civiles », a dit Sarah Leah Whitson.

Human Rights Watch a envoyé des courriers aux ambassadeurs allemand et américain en Tunisie, faisant état du statut de réfugié de Salem Zirda en Allemagne et de sa demande d’asile aux Etats-Unis, et les pressant d’envoyer des observateurs diplomatiques au procès de Salem Zirda.

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