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Ravagé par une guerre civile qui a fait plus de 200.000 victimes, le Liberia a eu son moment sous le feu des projecteurs cet été. Président Bush, partant pour l’Afrique, a promis que les Etats-Unis “aideraient le peuple du Liberia à trouver le chemin de la paix”. Deux milles officiers de la marine américaine ont avancé vers les côtes libériennes. Et le 15 août, après le départ du dirigeant brutal du Liberia, Charles Taylor, une force ”avant-garde” de 200 Américains a débarqué à Monrovia, donnant à espérer aux Libériens que les Etats-Unis les aideraient enfin.

Mais seulement 10 jours plus tard, avec beaucoup moins de fanfares, les officiers de la marine se sont repliés vers leurs bateaux, laissant dans la capitale du Liberia une force ouest-africaine en sous-effectifs et mal équipée. Liberia a commencé son retour à l’obscurité, mais pas encore son retour à la paix.

Beaucoup de Libériens et d’Africains ont tiré des conclusions cyniques de cet épisode concernant l’engagement pris par l’administration Bush à l’égard de leur continent. Dans leurs yeux, les Etats-Unis ont envoyé leurs troupes les 99 % du chemin allant au Liberia – suffisamment près pour pouvoir dire qu’ils avaient agi, mais pas assez près pour assumer des risques ou des responsabilités.

L’approche de l’administration n’est probablement pas aussi calculée. Plutôt, elle paraît être le produit d’encore un compromis embrouillé entre le Secrétaire d’Etat Colin Powell, avec sa définition généreuse des intérêts globaux des Etats-Unis, et le point de vue plus étroit du Pentagone. Mais comme avec un grand nombre de ces compromis, l’effet est le pire de tout: les troupes américaines restent en dehors des côtes libériennes, suffisamment proches pour être terni par l’échec, mais trop loin pour pouvoir assurer le succès.

La défense de l’administration est que la situation au Liberia est en train de se stabiliser, et qu’il n’y a plus besoin des forces américaines. Effectivement, malgré leurs limites, les forces de maintien de la paix ouest-africaines ont réussi à apporter un peu de calme et d’espoir là où elles se sont déployées -- à Monrovia, dans la ville de Katata et, la semaine dernière, au port de Buchanan. Le problème est que les forces de maintien de la paix se sont à peine déplacées en dehors de ces villes, dans les zones rurales où la plupart des Libériens vivent et meurent.

Vendredi dernier, le Conseil de Sécurité des Nations Unies a ratifié l’envoi d’une mission plus grande, mais on s’attend à ce qu’il faille trois ou quatre mois pour déployer cette force au Liberia. Pendant ce temps, dans la plus grande partie du pays, les fractions armées prennent ce qu’elles considèrent leur dernière chance de piller. Des groupes armés continuent de tuer, violer et de recruter des enfants dans leur rang. Des milliers de personnes restent cachées dans la brousse, où la nourriture, l’eau, l’abri et les soins médicaux sont limités ou non existants. Des combats entre les rebelles et les forces gouvernementales et des raids contre les civils commis par tous les camps obligent de plus en plus de personnes à quitter leur maison.

En effet, les rapports faisant état de violences dans les villages en dehors de Monrovia ont augmenté depuis que les forces de maintien de la paix sont déployées dans la capitale, ce qui a forcé les milices du gouvernement vers les périphéries de la ville. En plus, sans sécurité aucune, une partie importante du pays reste trop dangereuse pour le personnel humanitaire.

Un déploiement militaire américain plus solide n’aurait pas mis terme à toute cette misère, mais il aurait fait une différence. Une présence américaine significative à Monrovia aurait eu des effets psychologiques profonds sur les Libériens et sur les dirigeants des factions armées. Une telle présence aurait rendu possible le déploiement des forces de maintien de la paix ouest-africaines en dehors de la capitale, où l’on avait le plus besoin d’elles. Elle aurait aussi facilité le recrutement de plus de forces dans les autres pays. En plus, des démonstrations symboliques de pouvoir de la part des américains auraient pu créer plus de confiance et de calme.

Il n’est pas trop tard pour les Etats-Unis de tenir ses promesses au Liberia. L’administration devrait demander des fonds au Congrès pour soutenir la reconstruction du pays, entre autre la reconstruction des institutions judiciaires et de mise en application de la loi. Elle devrait soutenir une force de maintien de la paix des Nations Unis avec un mandat explicite de protéger les civils, ainsi qu’un mécanisme pour tenir responsable les auteurs des atrocités passées. Elle devrait chercher à obtenir l’extradition de Charles Taylor du Nigeria, où il s’est réfugié, au Tribunal spécial pour la Sierra Leone, qui l’a mis en examen pour crimes de guerre. De même que Saddam Hussein, Taylor doit être capturé et poursuivi par la justice, pour que son peuple puisse savoir qu’il ne retournera jamais et qu’il ne déstabilisera plus jamais leur pays.

Il n’est pas non plus trop tard pour renvoyer ces officiers de la marine à Monrovia. Un tel déploiement sauverait encore des vies. Il enverrait un message que l’administration devrait être très empressé d’envoyer : que les Etats-Unis ont la volonté d’utiliser leur pouvoir immense non seulement dans leur intérêt propre, mais aussi dans l’intérêt des autres. Ce dont l’Afrique a besoin de la part du Président Bush est un engagement réel pour la construction des nations. La visite des nations n’est pas un substitut.

*L’auteur est directeur de la division de plaidoirie de Human Rights Watch

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