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Népal/Bhoutan : les réfugiées victimes de mauvais traitements et de discriminations

Le HCNUR et les gouvernements doivent prendre des mesures lors du Comité exécutif

(New York, 24 septembre 2003) Au Népal, les réfugiées d'origine bhoutanaise font l'objet de violences et de discriminations systématiques dans l'accès à l'aide humanitaire, fondées sur le sexe. C'est ce qu'affirme Human Rights Watch dans un nouveau rapport publié aujourd'hui. La semaine prochaine, à Genève, le Haut commissaire des Nations Unies pour les réfugiés (HCNUR) et les gouvernements devront prendre des mesures décisives pour mettre fin à cette situation intolérable observée dans les camps et les régions du monde entier abritant des réfugiés.

Le rapport de 77 pages de Human Rights Watch, intitulé "Trapped by Inequality: Bhutanese Refugee Women in Nepal," (" Prises au piège de l'inégalité: la situation des réfugiées d'origine bhoutanaise au Népal ") examine les mesures inégales prises par le HCNUR et le gouvernement népalais pour tenter de lutter contre les viols, la violence domestique, sexuelle et physique et la traite des femmes et des jeunes filles vivant dans les camps de réfugiés.

Ces problèmes persistent, malgré les réformes introduites par le HCNUR au terme d'une enquête interne ayant révélé l'"exploitation sexuelle" de femmes et de jeunes réfugiées par des travailleurs humanitaires au Népal et en Afrique occidentale en 2002.

Human Rights Watch a appelé le HCNUR et les gouvernements invités aux réunions du Comité exécutif ("ExCom") du HCNUR (du 29 septembre au 3 octobre) à prendre l'engagement de protéger les femmes réfugiées.

"Au Népal, les femmes réfugiées sont victimes de discrimination dans l'accès à l'aide humanitaire" explique LaShawn R. Jefferson, directeur exécutif de la division Droits des femmes de Human Rights Watch. "Il est à présent urgent que le HCNUR dénonce les politiques qui mettent la vie des femmes en danger. Le gouvernement népalais doit lui aussi résoudre ce problème urgent."

Human Rights Watch a appelé les principaux gouvernements bailleurs de fonds du HCNUR à tout mettre en œuvre pour que de tels changements soient adoptés. Le HCNUR et les gouvernements doivent s'assurer que les réfugiées reçoivent des documents d'enregistrement personnels et que les réfugiées victimes de violences domestiques puissent se mettre en sécurité.

Le système népalais d'enregistrement des réfugiés établit une discrimination à l'égard des femmes: les cartes de rationnement sont délivrées aux chefs masculins de famille, qui distribuent ensuite les rations reçues. Cette politique prive les femmes d'un accès égal et indépendant aux vivres, aux abris et autres produits de première nécessité. Il condamne en outre aux pires épreuves les femmes qui tentent d'échapper à un mari violent. Ces victimes de la violence conjugale n'ont guère d'alternatives : continuer à supporter la violence conjugale, quitter leur mari (ce qui équivaut à lui céder leurs rations d'aide) ou trouver un autre mari (en perdant légalement le droit de garde des enfants).

Le HCNUR a amélioré sensiblement ses systèmes d'enquête, les niveaux des effectifs, l'aide juridique et les codes de conduite pour les travailleurs humanitaires au Népal. Human Rights Watch met cependant l'accent sur certaines lacunes qui subsistent. Ainsi, l'approche des autorités népalaises au problème de la violence intra-familiale se limite souvent à encourager les "réconciliations familiales." Cette approche ne tient pas suffisamment compte des souhaits, de la sécurité et de l'accès aux services des femmes. Le HCNUR a fait état de 24 suicides dans les camps depuis 2001, un taux quatre fois supérieur à celui observé dans le reste de la population. En outre, 35 femmes et jeunes filles réfugiées dans des camps ont été portées disparues. Elles pourraient avoir été victimes de la traite des êtres humains.

Le rapport de Human Rights Watch explique comment la législation népalaise limite les poursuites judiciaires pour violences à l'encontre des femmes. Le Népal ne dispose d'aucune législation contre la violence domestique. Le délai de prescription très court pour ces violences - 35 jours - et une longue et pénible procédure d'expertise médicale découragent les victimes du viol de porter plainte auprès de la police et de poursuivre leur agresseur au pénal. Ce sont ces mêmes obstacles qui ont empêché la poursuite des travailleurs humanitaires et des fonctionnaires du gouvernement népalais accusés en octobre 2002 d'"exploitation sexuelle".

"La situation juridique des femmes au Népal est épouvantable et leurs possibilités d'obtenir réparation lorsqu'elles ont été victimes de violence sont nulles" dénonce Jefferson. "Le HCNUR et d'autres agences humanitaires doivent préconiser vigoureusement l'introduction de réformes juridiques au Népal".

Suite aux allégations d' "exploitation sexuelle " par des travailleurs humanitaires censés venir en aide aux réfugiés, le HCNUR a renvoyé trois expats du Népal pour négligence grave. Le HCNUR doit promouvoir la transparence et établir un mécanisme de "mise en examen" des membres du personnel et des partenaires en rendant publiques les mesures disciplinaires qui ont été prises.

En outre, le HCNUR et les bailleurs de fonds doivent faire davantage pression sur le Népal et le Bhoutan et les appeler à résoudre rapidement le problème des réfugiés, en respectant les normes internationales. Au début des années 1990, plus de 100.000 Bhoutanais ont été privé arbitrairement de leurs droits de citoyen et contraints de fuir le Bhoutan. Ces réfugiés vivent toujours dans sept camps du sud-est du Népal. Les autorités bhoutanaises et népalaises doivent se rencontrer cette semaine à New York pour examiner un récent plan de répartition des réfugiés éligibles au retour dans leur pays d'origine. Selon ce plan, 2,5% seulement d'entre eux possède la citoyenneté bhoutanaise pleine et entière. Les autres sont devant un avenir incertain, probablement d'apatride. Cette procédure n'a pas respecté les normes internationales et les femmes ont été exclues de toute participation réelle.

Récits de réfugiées originaires du Bhoutan :
(des pseudonymes ont été utilisés pour respecter l'anonymat des réfugiées)

Geeta M. a expliqué à Human Rights Watch que son mari la battait souvent et la menaçait de la priver de ses rations alimentaires et autres aides humanitaires. "Parfois, les coups étaient si violents que je saignais. Mon mari a pris une seconde épouse, ce que je n'ai pas accepté. Il m'a dit alors "si tu ne m'autorise pas à prendre une seconde épouse, tu n'auras plus rien, car la carte de rationnement est à mon nom". J'ai demandé à mon mari de me donner ma carte de santé et ma carte de rationnement, mais il a refusé. Je n'ai pas reçu l'autorisation d'avoir une carte de rationnement à mon nom."

Une autre réfugiée, Durga S., a raconté à Human Rights Watch : "Mon mari se méfie quand je parle à quelqu'un. Depuis qu'il a une seconde épouse, il me bat très souvent. J'ai eu des hématomes sur mes cuisses. Il me frappe avec une ceinture et à mains nues. Il m'a déjà battue. Pourquoi devrais-je le montrer à quelqu'un? Les gens diraient du mal de nous. Mon mari menace de me tuer et de me mettre dehors. Il me bat quand il craint que j'aille en parler à quelqu'un. "

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