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Afghanistan : torture et répression politique à Herat

Le peuple afghan grand oublié de la stratégie américaine et onusienne vis à vis des seigneurs de la guerre

Les forces de la coalition conduite par les Etats Unis soutiennent activement un seigneur de la guerre, dans l'Ouest de l'Afghanistan dont le bilan en matière de droits humains est désastreux, a déclaré Human Rights Watch dans un nouveau rapport publié aujourd'hui.

Ce rapport de 51 pages intitulé " Tous nos espoirs s'effondrent : violence et répression dans l'Ouest de l'Afghanistan " (All Our Hopes Are Crushed : Violence and Repression in Western Afghanistan) apporte des informations sur les abus commis à grande échelle par l'armée, la police et les services de renseignements sous le commandement de Ismail Khan, le gouverneur local. Les abus commis consistent en des arrestations arbitraires ou politiquement motivées, des intimidations, des extorsions de biens et des actes de torture, ainsi que de graves violations du droit à la libre expression et du droit d'association.

" La communauté internationale affirme qu'elle veut réduire le pouvoir des seigneurs de la guerre et restaurer l'état de droit en Afghanistan, " a déclaré John Sifton, co-auteur du rapport et chercheur à la division Asie de Human Rights Watch. " Mais à Herat, elle a fait exactement l'inverse. L'ami de la communauté internationale dans l'Ouest de l'Afghanistan est un ennemi des droits humains. "

Ismail Khan a personnellement ordonné certaines des arrestations et certains des passages à tabac politiquement motivés qui se sont produits tout au long de l'année 2002. Le rapport de Human Rights Watch décrit des coups donnés au moyen de branches épineuses, de bâtons, de câbles, de crosses de fusils. Les cas de torture les plus graves ont consisté à pendre des détenus la tête en bas et à administrer coups de fouet et décharges électriques. Les membres de la minorité pachtoune ont été particulièrement visés par ces abus.

Human Rights Watch a critiqué les acteurs internationaux pour avoir légitimé et soutenu des seigneurs de la guerre tels que Ismail Khan. Un peu plus tôt dans l'année, le Secrétaire américain à la Défense, Donald Rumsfeld a rencontré Ismail Khan lors d'une visite à Herat et l'a ensuite décrit aux journalistes comme " une personnalité attirante ". " Une bonne partie du pays est aux mains de commandants violents et de leurs troupes sans discipline, " a déclaré Sifton. " Les Etats Unis ont même reconnu avoir fourni des armes aux seigneurs de la guerre. "

A Herat, les chercheurs de Human Rights Watch ont trouvé une société fermée dans laquelle pratiquement aucune opposition ou critique du gouvernement ne se fait entendre, où n'existent pas de journaux indépendants et où les réunions publiques sont interdites. Ismail Khan et ses partisans ont intimidé des journalistes et des imprimeurs. Ils ont réduit au silence ou contrôlé les quelques organisations civiques dont ils ont autorisé l'existence. Les groupes civiques non politiques ont cessé de se réunir et les étudiants à l'université évitent de discuter de questions politiques.

" Herat est connu depuis des siècles pour être un centre ouvert sur la culture, la littérature, le savoir, " a déclaré Sifton. " Les Talibans ont essayé de détruire cela. Aujourd'hui, Ismail Khan poursuit leur entreprise. "

Human Rights Watch a souligné que les armées américaine et iranienne sont présentes dans la région, rencontrent régulièrement Ismail Khan et des membres de son gouvernement et ont, par le passé, apporté une assistance militaire et financière à Ismail Khan ainsi qu'à d'autres commandants qui lui sont alliés. Le Président iranien, Hojatoleslam Mohammad Khatami a également rendu visite à Khan.

" Les Etats Unis et l'Iran ont une très grande influence sur Ismail Khan, " a déclaré Sifton. " Ils l'ont mis là où il se trouve aujourd'hui. Ils ont maintenant la responsabilité de veiller à ce qu'il s'amende. "

Human Rights Watch a vivement encouragé l'expansion de la Force internationale d'assistance à la sécurité (ISAF) au-delà de Kaboul afin que les seigneurs de la guerre puissent être mis à l'écart et que puisse se déployer une opération des Nations Unies de surveillance et de protection des droits humains plus importante. L'augmentation des effectifs de la force ne s'est pas faite à cause de l'opposition antérieure des Etats Unis et de la réticence d'autres états membres des Nations Unies. Mais les Etats Unis émettent maintenant des signes montrant qu'ils reconnaissent que leur stratégie consistant à confier la sécurité aux seigneurs de la guerre pourrait conduire à une reprise de l'instabilité.

" Les Etats Unis ont déclaré qu'ils avaient reconsidéré leur position concernant l'ISAF, " a déclaré Sifton. " Avec le commandement de l'ISAF prochainement assuré par l'Allemagne et les Pays Bas, le moment est venu de procéder à l'élargissement de cette force. "

Le rapport de Human Rights Watch critique la mission des Nations Unies en Afghanistan parce qu'elle n'agit pas assez en matière de surveillance des droits humains et de dénonciation des abus. Le rapport presse le représentant spécial du Secrétaire Général, Lakdhar Brahimi, d'accroître les efforts des Nations Unies en matière de droits humains et d'inciter les états membres des Nations Unies à fournir troupes et ressources pour étendre l'ISAF à des zones hors de Kaboul.

" Les Nations Unies déclarent utiliser une approche 'subtile' en Afghanistan, " a déclaré Sifton. " Il est évident que cela ne fonctionne pas quand il s'agit de droits humains. "

Human Rights Watch a appelé les bailleurs internationaux à veiller à ce que l'aide pour l'Afghanistan ne transite pas directement par Ismail Khan ou son gouvernement. L'aide devrait au contraire passer par le gouvernement national ou les organisations non gouvernementales.

Human Rights Watch a vivement encouragé les gouvernements à cesser de faire reposer leurs espoirs en matière de sécurité en Afghanistan sur la création d'une nouvelle armée afghane.

" Bien évidemment, former la nouvelle armée afghane est important mais cela aura peu ou pas d'impact à court terme, " a déclaré Sifton. " Les habitants d'Herat ne peuvent attendre aussi longtemps. Le moment est venu pour les Etats Unis, les Nations Unies et tous les autres acteurs impliqués en Afghanistan de s'asseoir avec le Président Karzai afin d'aboutir à un plan réel pour la sécurité et les droits humains. "

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