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(New York, 19 septembre 2002) - Des détracteurs du gouvernement de l'état d'Anambra, dans le sud est du Nigeria ont reçu des menaces de mort suite à l'assassinat de Barnabas Igwe et de son épouse, le 1er septembre 2002, a déclaré aujourd'hui Human Rights Watch.

Igwe, président de la branche de la National Bar Association (NBA) à Otnitsha avait ouvertement critiqué Chinwoke Mbadinuju, gouverneur de l'état d'Anambra. Certains de ses proches collègues ayant également critiqué le gouverneur ont été victimes de menaces et d'intimidations, avant et après cet assassinat.

" Des preuves solides et dignes de foi montrent qu'Igwe et son épouse ont été pris pour cibles pour des raisons politiques, à cause des critiques publiques d'Igwe et de la NBA contre le bilan du gouvernement de l'état d'Anambra, " a déclaré Peter Takirambudde, directeur exécutif de la division Afrique à Human Rights Watch. " Leurs morts mettent en évidence les risques que courent les autres détracteurs du gouvernement. "

Human Rights Watch a appelé à une enquête indépendante et impartiale sur ces meurtres ainsi qu'à la traduction en justice des personnes responsables de ces actes.

Barnabas Igwe et son épouse Abigail, avocate elle aussi, ont été tués à Onitsha, le 1er septembre, au lendemain de leur retour de la ville d'Ibadan, au sud ouest du pays où ils avaient assisté à une conférence nationale de la NBA. Ils rentraient chez eux lorsqu'un groupe d'assaillants les a attaqués avec des machettes, a fait feu sur eux à plusieurs reprises puis les a écrasés avec leur véhicule. Selon la police, les auteurs de cette agression n'ont rien dérobé à leurs victimes.

Dans les jours qui ont précédé ce meurtre, Igwe et certains de ses proches collègues qui avaient dénoncé les abus commis par le gouvernement de l'état ont reçu des menaces directes émises par de hauts responsables du gouvernement de l'état d'Anambra. Ces menaces ont été proférées à la face des personnes visées et via des appels téléphoniques sur des téléphones portables personnels. Les menaces étaient explicitement liées aux critiques prononcées par Igwe et ses collègues concernant l'incapacité du gouvernement à payer les salaires des fonctionnaires depuis plusieurs mois. Les avocats avaient fixé au gouvernement un ultimatum de 21 jours pour payer les arriérés de salaires ou pour démissionner. Ces appels avaient été lancés lors de déclarations publiques, largement diffusées par les médias. Des responsables du gouvernement de l'état avaient auparavant fait plusieurs tentatives pour réduire ces personnes au silence, par exemple en offrant des pots de vin pour que soient retirées ces déclarations, ce que les intéressés ont refusé de faire.

Human Rights Watch presse le gouvernement de l'état d'Anambra et le gouvernement fédéral de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité des collègues d'Igwe et d'engager une action rapide contre tout responsable se livrant à des intimidations, menaces et autres abus.

" Nous sommes alarmés d'entendre que des gens très proches des victimes ont reçu des menaces de mort depuis le meurtre d'Igwe et de sa femme, y compris le lendemain même des meurtres où il a été affirmé à une personne au moins qu'elle serait la prochaine victime. Nous sommes extrêmement inquiets pour leur sécurité ", a déclaré Takirambudde.

Human Rights Watch est également préoccupé par des récits affirmant que la police a tenté d'interdire un rassemblement à Onitsha, le 18 septembre, organisé par la NBA afin d'exprimer sa solidarité avec les victimes et d'exiger des actions. Il aurait apparemment été affirmé à la police que des actes de violence allaient se produire lors de ce rassemblement. Or, les organisateurs avaient simplement prévu une protestation pacifique afin de condamner les meurtres et de rendre hommage aux victimes.

" Les autorités ont pour responsabilité de s'assurer que la police protège les participants à des manifestations pacifiques, quel que soit leur message, " a déclaré Takirambudde.

Human Rights Watch a également appelé à la libération immédiate de deux parents d'Igwe, arrêtés le 12 septembre pour avoir distribué des affiches dénonçant le meurtre et exigeant justice. Ces deux personnes sont aux mains de la police à Awka, la capitale de l'état.

En réponse aux accusations de la NBA et d'autres selon lesquelles il serait personnellement impliqué dans la préparation du meurtre d'Igwe et de son épouse, le Gouverneur Mbadinuju a annoncé qu'il allait constituer un panel d'enquêteurs. Il a nié toute implication dans le meurtre et aurait suggéré trois théories différentes : Igwe et son épouse auraient été tués par des bandits armés (une théorie que la police a écartée) ; Igwe aurait été visé par des personnes issues de sa communauté locale ; enfin, les propres opposants politiques du gouverneur auraient orchestré le meurtre avec l'intention précise d'en faire porter la responsabilité au gouverneur.

" Seule une enquête indépendante pourra révéler la vérité et identifier les véritables coupables, " a déclaré Takirambudde. " Compte tenu des agressions politiquement motivées qui se sont multipliées au cours des dernières années dans l'état d'Anambra et de l'impunité qui a protégé les coupables, nous pensons qu'une enquête devrait être lancée par le gouvernement fédéral, en particulier à cause des allégations selon lesquelles le gouverneur de l'état d'Anambra lui-même serait personnellement impliqué. "

L'équipe d'enquêteurs ne devrait pas comporter de membres du gouvernement de l'état ou tout autre individu qui pourrait avoir un intérêt direct dans les résultats de l'enquête.

" Nous appelons la police, les autorités judiciaires et le gouvernement fédéral du Nigeria à s'assurer que les responsables du meurtre d'Igwe et de son épouse, ainsi que d'autres cas de meurtres politiques, seront rapidement traduits en justice. Nous appelons aussi à la fin de l'impunité qui a protégé jusqu'à ce jour les auteurs de tels abus, " a déclaré Takirambudde.

Human Rights Watch a déclaré que le gouvernement de l'état d'Anambra devrait apporter une coopération pleine et entière à l'enquête et devrait lancer des mesures disciplinaires, notamment des suspensions quand nécessaire, contre toute personnalité officielle du gouvernement de l'état qui aurait proféré des menaces de mort.

Ce n'est pas la première fois que des opposants au gouvernement de l'état d'Anambra sont pris pour cibles. Dans un rapport publié en mai 2002, Human Rights Watch et le Centre for Law Enforcement Education, basé à Lagos ont recueilli des informations sur plusieurs autres cas de meurtres, arrestations et actes de tortures à motivations politiques, perpétrés par les Bakassi Boys, un groupe d'autodéfense utilisé par le gouvernement de l'état d'Anambra pour intimider ses opposants. Parmi les personnes prises pour cibles à cause de leur supposée opposition au gouvernement de l'état se trouvaient Prophet Eddie Okeke, tué en novembre 2000, Chief Ezeodumegwu G. Okonkwo, président d'un gouvernement local tué en février 2001 et Ifeanyi Ibegbu, chef de la minorité à l'Assemblée de l'état d'Anambra, détenu et torturé par les Bakassi Boys en août 2000. Personne n'a été traduit en justice pour ces affaires.

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