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Les ministres du commerce qui se retrouveront lors du prochain sommet de l'OMC, à Doha, au Qatar, devraient renoncer à menacer de sanctions les pays qui essayent de se procurer des médicaments pour des urgences médicales telles que la lutte contre le VIH/SIDA, a déclaré Human Rights Watch. Le sommet de l'OMC se tiendra du 9 au 13 novembre.

La partie de l'accord de l'OMC traitant des brevets dénommée TRIPS en anglais (trade-related aspects of intellectual property rights) ou ADPIC en français (aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce) autorise des exceptions aux règles sur les brevets dans le cas d'urgences nationales ou lorsqu'un produit aura des usages non-commerciaux. Cinquante pays en développement plus la Norvège pressent les ministres réunis à Doha pour l'OMC de s'engager à ne pas entraver le recours légitime aux exceptions de l'ADPIC concernant les situations d'urgence. Lors des négociations préalables au sommet de Doha, les Etats Unis et un certain nombre d'autres pays qui abritent les sièges des principales compagnies pharmaceutiques multinationales se sont montrés intransigeants dans leur opposition à cet engagement.

Les Etats Unis ont aussi menacé de sanctions bilatérales plusieurs pays gravement touchés par le SIDA tels que la Thaïlande, l'Afrique du Sud et le Brésil.

"Le SIDA déchire déjà ces pays," a déclaré Joanne Csete, directrice du programme VIH/SIDA de Human Rights Watch. "Ces derniers ne devraient pas en plus avoir à faire face à des sanctions de la part du monde développé."

Environ 9 000 personnes meurent quotidiennement du SIDA, la majeure partie dans des pays où les médicaments anti-rétroviraux ne sont pas disponibles ou sont inabordables. Plus de 22 millions de personnes sont mortes du SIDA, dont 18 millions en Afrique sub-saharienne.

Le bureau du représentant américain au commerce, Robert Zoellick, a annoncé la semaine dernière qu'à la place de la proposition émanant des 53 pays renforçant les exceptions à l'ADPIC en matière d'urgences de santé, il apporterait son appui à une contre-proposition accordant aux "pays les moins développés" plus de temps pour arriver à une conformité totale avec l'ADPIC et imposant un moratoire de cinq ans au dépôt de plaintes auprès de l'OMC contre des pays cherchant à bénéficier des exceptions à l'ADPIC.

Csete souligne que la proposition américaine constitue un pas dans la bonne direction mais qu'elle ne concernerait que les pays les plus pauvres et n'inclurait pas des pays tels que le Brésil et l'Afrique du Sud qui ont la capacité de produire nationalement des médicaments génériques. Elle a pressé les Etats Unis de ne pas recourir à des menaces et sanctions bilatérales lorsque le système mondial autorise des exceptions auxquelles Washington s'oppose.

Les Etats Unis, le Canada, le Japon et le Royaume Uni se sont vus de nombreuses fois, accorder des exceptions à l'ADPIC et aux règles de commerce pré-OMC afin que soient protégés leurs propres intérêts dans des domaines aussi divers que les produits pharmaceutiques, les ordinateurs, les logiciels et les innovations en biotechnologie. Le Canada a récemment déclaré qu'il chercherait à obtenir une licence obligatoire - une licence pour produire et importer la version générique d'un médicament dont la marque est déposée - afin de sécuriser ses stocks de médicaments contre la maladie du charbon. La Nouvelle-Zélande, l'Australie et l'Italie ont également eu recours aux licences obligatoires comme une mesure anti-trust.

A l'opposé, aucun pays en développement économiquement pauvre n'a réussi à obtenir une licence obligatoire pour des médicaments génériques contre le SIDA. Le rapport 2001 sur le Développement Humain du Programme des Nations Unies pour le Développement attribue cette disparité aux menaces proférées par l'Europe et les Etats Unis de sanctions commerciales, de perte d'investissements directs étrangers ou de litiges contre des pays en développement économiquement pauvres espérant obtenir des licences obligatoires. Un peu plus tôt cette année, par exemple, les Etats Unis ont menacé la Thaïlande de l'inscrire sur la liste des pays "à surveiller en priorité" (priority watch) - statut commercial désavantageux - en réponse à la tentative du gouvernement thaïlandais de réduire la période d'attente pour la production de médicaments génériques en Thaïlande, après le lancement de leurs équivalents sous des marques déposées. (Environ 750 000 personnes en Thaïlande souffrent du SIDA.) Une action similaire des Etats Unis contre le Brésil intentée via l'OMC a été abandonnée cette année à la suite de fortes pressions internationales contre ce cas.

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