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A la veille d'une audience cruciale dans l'affaire contre l'ancien dictateur tchadien, Hissène Habré, les organisations de défense des droits de l'homme tiennent a souligner l'obligation qui incombe au Sénégal de poursuivre Habré en justice.

Jeudi, la Chambre d'Accusation de Dakar entendra la requête en annulation déposée par les avocats de Hissène Habré, requête qui, prétextant que le Sénégal n'a pas compétence sur des crimes commis au Tchad, vise a l'abandon de l'affaire.

Les groupes de défense des droits de l'homme font pourtant remarquer que la Convention des Nations Unies contre la Torture, que le Sénégal a ratifiée en 1987, oblige les Etats à poursuivre ou à extrader toute personne soupçonnée de torture qui pénètre sur leur territoire. Et en vertu de l'article 79 de la Constitution sénégalaise qui fait partie intégrante du droit interne sénégalais depuis le jour de sa ratification et a acquis, dès sa publication, une autorité supérieure sur les lois internes. Cette convention est par ailleurs celle qui a été à la base de la détention par la Grande-Bretagne du Général Augusto Pinochet pour des crimes commis au Chili.

"La Convention contre la Torture a été adoptée pour éviter qu'un tortionnaire ne puisse se soustraire à la justice en se rendant dans un pays étranger", rappelle Reed Brody, Directeur-Adjoint de Human Rights Watch, l'une des organisations qui a initié les poursuites contre Hissène Habré. "Les arguments de Hissène Habré, s'ils étaient retenus, ôteraient tout sens a la ratification par le Sénégal de la Convention contre la Torture. Rétrospectivement, elle ne serait qu'un acte sans portée, sans effet réel."

Pour l'annulation de l'affaire, les avocats de Habré invoquent également la prescription en soutenant qu'avant 1996, le Sénégal n'avait pas incorporé les dispositions de la convention contre la torture dans sa législation nationale. Mais, selon Reed Brody, "aucun de ces arguments ne résiste aux dispositions expresses de la Convention."

Les organisations expriment leur déception profonde de voir le réquisitoire du procureur général prendre fait et cause pour Hissène Habré dans le débat de jeudi. Elles estiment par ailleurs que la nomination de Me Madické Niang avocat de Hissène Habré par le Président Abdoulaye Wade au poste de Conseiller Spécial du Président de la République charge des questions juridiques, poste qu'il cumule avec son cabinet d'avocat, constitue un cas de conflit d'intérêt et fait spéculer sur la possible ingérence de l'exécutif dans l'affaire Hissène Habré. Et cela, sans compter les pressions exercées par de puissants lobbies qui ont dernièrement lancé une offensive médiatique d'une grande agréssivité pour l'annulation des poursuites.

"L'attitude du Procureur représente une régression de la position du gouvernement sénégalais dans l'affaire Habré," affirme Alioune Tine de la Rencontre Africaine pour la Défense des Droits de l'Homme (RADDHO, basée a Dakar). "Mais, il faut espérer que le Président Abdoulaye Wade, qui a lui-même beaucoup souffert de l'arbitraire pendant ses 26 ans de lutte pour la démocratie, ne restera pas indifférent a la soif de justice des victimes."

Par ailleurs, les organisations ont annoncé que la semaine prochaine le Juge d'Instruction Demba Kandji du Tribunal Régional hors-classe de Dakar qui mène l'instruction du dossier, entendra le témoignage d'un médecin français, qui a soigné des centaines de victimes de torture au Tchad, et celui du Président de la Commission d'Enquête Tchadienne. La Cour entendra également le témoignage de trois anciens détenus qui ont été maltraités dans les prisons de Hissène Habré.

En février, le Juge Kandji a inculpé Hissène Habré de complicité de torture et l'a placé en résidence surveillée. C'est la première fois qu'un ancien chef d'Etat africain a été inculpé par une cour étrangère pour des atrocités commises sur son territoire. Habré vit en exil au Sénégal depuis 1990, date à laquelle il a été renversé par son successeur. Aujourd'hui, alors que l'investigation continue, Hissène Habré demeure dans sa villa de la banlieue de Dakar. Le Juge Kandji a envoyé une commission rogatoire au gouvernement tchadien et devrait se rendre prochainement au
Tchad.

Habre, âgé de 57 ans, prit le pouvoir au Tchad en 1982, en renversant le gouvernement de Goukouni Wedeye. Son régime de parti unique, soutenu par les Etats-Unis et la France, fut marqué par de multiples abus et campagnes de violence dont furent victimes les ethnies Hadjaraï (en 1987) et Zaghawa (en 1989). Habré fut renversé en décembre 1990 par le Président actuel, Idriss Deby, son chef d'état-major à l'époque.

Plusieurs organisations sont associées a Human Rights Watch et à la RADDHO pour soutenir la plainte déposée contre Hissène Habré, notamment la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme, l'Association tchadienne pour la promotion et la défense des droits de l'homme (ATPDH), la Ligue tchadienne des droits de l'homme (LTDH), l'Organisation nationale des droits de l'homme (Sénégal), Interights (basée a Londres), et l'organisation française Agir Ensemble pour les Droits de l'Homme.

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