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Tenir le sommet à Khartoum serait en contradiction avec l’engagement de l’Union africaine en faveur des droits humains tel qu’il est exprimé dans l’article 3 de sa constitution et serait un signe très malencontreux envoyé aux troupes de la Mission de l’Union africaine au Soudan (AMIS), aux habitants du Darfour où l’Union africaine a joué un rôle particulièrement important et à tous les Africains.

Tenir le sommet à Khartoum serait en contradiction avec l’engagement de l’Union africaine en faveur des droits humains tel qu’il est exprimé dans l’article 3 de sa constitution et serait un signe très malencontreux envoyé aux troupes de la Mission de l’Union africaine au Soudan (AMIS), aux habitants du Darfour où l’Union africaine a joué un rôle particulièrement important et à tous les Africains. Human Rights Watch pense que l’Union africaine devrait s’efforcer de faire preuve de bienséance, réelle et apparente, dans le choix de son président et du lieu de son sommet. Savoir indiquer dans quelle direction se diriger est une chose importante : cela définit la façon de fonctionner de l’Union africaine et est perçu en Afrique et au delà.

Nous sommes particulièrement préoccupés par le fait que le rôle de l’Union africaine au Darfour comme médiateur du conflit et comme fournisseur de troupes sur le terrain pour surveiller l’application du cessez-le-feu et la protection des civils puisse être entaché par la tenue du sommet à Khartoum et encore davantage par la présidence de l’UA assumée par le Soudan.

Human Rights Watch salue les efforts du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine pour chercher une solution pacifique à la crise humanitaire et des droits humains au Darfour, Soudan. Nous exprimons notre satisfaction quant à l’extension, par le Conseil de paix et de sécurité, du mandat de la mission de l’Union africaine au Soudan, dans sa session du 20 octobre 2005. Nous notons qu’il a augmenté le nombre de soldats de l’AMIS au Darfour, faisant passer ses effectifs d’une présence de 300 hommes il y a un an à presque 7000 aujourd’hui.

Nous avons soutenu les efforts de l’Union africaine pour protéger les civils au Darfour et les ressources énormes allouées par l’organisation à cette tâche difficile et au suivi du cessez-le-feu humanitaire signé à N’Djamena, Tchad le 7 avril 2004. L’Union africaine s’est attelée à une tâche extrêmement ardue au Darfour. Alors que l’AMIS a réussi à établir une certaine sécurité dans les zones où elle est déployée, ses objectifs ne sont pas encore atteints. Les parties en conflit, dont le gouvernement soudanais, continuent de violer le cessez-le-feu en toute impunité et un accord de paix doit encore être conclu. Il est vital que l’Union africaine, qui a tout intérêt au succès de l’AMIS et au retour de la paix et de la sécurité dans le Darfour et la région, soit capable de poursuivre son importante intervention au Darfour.

Le gouvernement soudanais n’a pas été très coopératif avec l’AMIS ce qui a conduit son plus haut officier au Soudan, l’Ambassadeur Baba Gana Kingibe, à dénoncer publiquement, il y a un mois, plusieurs problèmes rencontrés avec le gouvernement, notamment le fait que le gouvernement a peint ses véhicules militaires pour qu’ils ressemblent aux véhicules blancs de l’AMIS, le refus du gouvernement de permettre à 105 véhicules armés de transport de troupes (APC) d’être importés par l’AMIS pour être utilisés au Darfour, la participation continue du gouvernement soudanais aux attaques coordonnées avec ses milices alliés contre les civils au Darfour ainsi que d’autres questions. Le gouvernement soudanais a ignoré les résolutions en cours du Conseil de paix et de sécurité de l’UA et du Conseil de sécurité des Nations unies sur le contrôle des milices Janjaweed avec pour conséquence un accroissement régulier du travail de l’Union africaine au Darfour et plus de deux millions de civils qui continuent de souffrir, sans protection, sans justice et sans espoir de compensation. S’il semble que le gouvernement soudanais a finalement autorisé l’arrivée des APCs au Soudan, les autres problèmes ne sont pas résolus.

Les apparences sont importantes et la tenue du sommet à Khartoum alors que des questions sont encore en suspens entre l’UA et le gouvernement soudanais laisserait à penser que tout pays peut ridiculiser l’Union africaine mais être autorisé à jouir du prestige qui entoure l’accueil de son Sommet. Le gouvernement soudanais lira, sans aucun doute, le maintien de l’accord de l’UA relatifs aux plans du Sommet exprimé avant l’apparition de ces difficultés comme le signe que les états membres de l’UA ne soutiennent ni l’Ambassadeur Kingibe, ni les troupes de l’AMIS.

Quant à la prochaine sélection du président de l’Union africaine, nous comprenons que la présidence de l’Union africaine n’est pas liée au parrainage ou à l’accueil du Sommet et que le prochain président sera choisi par vote lors du Sommet. Nous craignons que si les responsables de l’UA n’agissent pas maintenant pour trouver un candidat acceptable pour la présidence, le Président Omar El Bashir peut être élu président de l’UA en janvier 2006.

Si ceci devait se produire, la crédibilité de l’Union africaine en tant qu’entité de médiation neutre au Darfour pourrait être irréparablement compromise. Par exemple, la réunion, le mois dernier, du Conseil de paix et de sécurité à Addis-Abeba a été présidée par le gouvernement soudanais. En dépit de l’augmentation de la violence au Darfour, ce gouvernement est parvenu à tenir la question de sa région occidentale du Darfour écartée du programme de travail du Conseil de paix et de sécurité. Si le Président El Bashir devait devenir président de l’UA, le gouvernement soudanais adopterait sans aucun doute une approche similaire et ferait obstruction à tout effort de discussion supplémentaire ou d’intervention au Darfour. Il serait inapproprié et totalement indésirable que l’une des parties d’un cessez-le-feu soit chargée de diriger le groupe responsable du suivi de ce cessez-le-feu. Le conflit d’intérêts ainsi présent est énorme et insurmontable. L’apparence de bienséance et d’objectivité que l’Union africaine souhaite projeter au monde serait fondamentalement compromise.

Selon le rapport de janvier 2005 de la Commission d’enquête des Nations unies sur la situation au Darfour, le gouvernement soudanais, à cause de sa participation à la guerre au Darfour, est impliqué dans de graves crimes qui pourraient inclure des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre. Ces allégations sont si graves que le Conseil de sécurité a porté la situation du Darfour devant la Cour pénale internationale. Notre propre recherche, ainsi que celles d’autres groupes non-gouvernementaux, ont montré que l’ensemble de la crise que l’Union africaine tente de résoudre est le résultat des politiques pernicieuses du gouvernement soudanais qui avivent la haine ethnique et qui utilisent délibérément un groupe ethnique contre les autres, dans une campagne de terre brûlée ayant entraîné la mort de plus de 180 000 personnes, la spoliation violente et le déplacement de deux autres millions de personnes. La crédibilité de l’Union africaine comme institution fondée sur les principes des droits humains et de l’état de droit serait salie si le Président soudanais, Omar El Bashir devait assumer la présidence de l’Union africaine en janvier 2006, dans de telles circonstances.

Nous pensons que l’Union africaine est engagée en faveur du respect des droits humains et qu’elle apporte son soutien à la justice et à la recherche des responsabilités en cas d’abus commis. Nous restons convaincus que la Mission de l’Union africaine au Soudan a été valable et que le soutien de la communauté internationale à cette mission a été et reste mérité. Cependant, nous vous exhortons à agir rapidement pour assurer que la crédibilité de l’Union africaine et le soutien et l’approbation dont elle a bénéficié ne seront pas détruits par la tenue du Sommet à Khartoum, en janvier 2006 et par le choix du Président soudanais comme président de l’Union africaine.

Je vous prie de bien vouloir agréer, Messieurs, l’expression de ma très haute considération.

Peter Takirambudde
Directeur exécutif
Division Afrique de Human Rights Watch

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