(New York, 15 mai 2025) – Le gouvernement chinois devrait libérer le 11e Panchen-Lama, Gendun Choki Nyima, et ses parents, que les autorités chinoises ont soumis à une disparition forcée il a 30 ans, le 17 mai 1995, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui ; ils n’ont pas été revus depuis cette date.
Le Panchen-Lama est la deuxième figure religieuse au Tibet après le Dalaï-Lama, chef religieux de cette communauté ; tout au long de l’Histoire, l’un a joué un rôle clé dans la reconnaissance du successeur de l’autre. L'actuel 14e Dalaï Lama fêtera son 90e anniversaire le 6 juillet ; la question de sa succession – et de l'avenir du bouddhisme tibétain et du peuple tibétain – devient donc de plus en plus urgente.
« Il a 30 ans, le gouvernement chinois a kidnappé un enfant de 6 ans et sa famille et les a soumis à une disparition forcée, afin de contrôler le choix du prochain Dalaï-Lama et, par conséquent, l’avenir du bouddhisme tibétain », a déclaré Yalkun Uluyol, chercheur sur la Chine à Human Rights Watch. « Les observateurs préoccupés devraient faire pression sur le gouvernement chinois pour qu'il mette fin à cette situation cruelle, et garantisse la liberté de Gendun Choki Nyima et de sa famille. »
Le gouvernement chinois a fait disparaître de force l'enfant, alors âgé de 6 ans, le 17 mai 1995, trois jours après que le Dalaï-Lama l'a reconnu comme le 11e Panchen-Lama. Même la simple publication de photos de Gendun Choki Nyima, ainsi que du Dalaï-Lama, sont interdites au Tibet.
Après avoir enlevé Gendun Choki Nyima, les autorités chinoises ont contraint un autre groupe de moines tibétains à reconnaître officiellement un autre enfant, Gyaltsen Norbu, comme le 11e Panchen-Lama ; ses parents étaient membres du Parti communiste chinois, selon les informations disponibles.
En mai 1995, les autorités chinoises ont également arrêté Jadrel Rinpoche, l'abbé du monastère de Tashi Lhunpo qui supervisait la recherche de la réincarnation du Panchen-Lama, ainsi que plus de 30 moines de ce monastère. Le Dalaï-Lama a par la suite indiqué qu’il n’avait aucune information sur le lieu de détention de Jadrel Rinpoche, ni sur son état de santé.
En 2015, vingt ans après la disparition de Gendun Choki Nyima, les autorités chinoises ont affirmé qu’il menait une « vie normale » et « ne voudrait être dérangé par personne ».
Au cours de la décennie suivante, le gouvernement chinois a resserré son emprise sur le Tibet, qui comprend la Région autonome du Tibet et les zones autonomes tibétaines voisines des provinces du Qinghai, du Sichuan, du Gansu et du Yunnan.
Depuis 2008, année de répression massive des manifestations populaires sur le plateau tibétain, les forces de sécurité chinoises ont maintenu une forte présence au Tibet et ont strictement restreint l'accès et les déplacements dans les zones tibétaines. Toute remise en question des politiques gouvernementales, aussi minime soit-elle, peut entraîner une détention arbitraire ou une longue peine d'emprisonnement, des poursuites judiciaires, des disparitions forcées, voire des cas de torture. Les autorités maintiennent des systèmes de surveillance de masse très intrusifs au Tibet, exigent des Tibétains qu'ils utilisent le mandarin comme langue d'enseignement à l'école et font pression sur nombre d'entre eux pour qu'ils quittent leurs villages d'origine afin de de réinstaller sur des sites construites par le gouvernement. Les autorités rendent également extrêmement difficile pour les Tibétains de voyager à l'étranger ou d'obtenir un passeport, et punissent sévèrement ceux qui contactent des proches ou d'autres personnes à l'étranger.
Depuis 2007, les autorités chinoises ont imposé des réglementations limitant la reconnaissance des lamas réincarnés, parmi lesquels figurent de nombreux chefs religieux du bouddhisme tibétain. Ces dispositions précisent que ces personnes ne peuvent être reconnues sans l'approbation de l'État et doivent être nées en Chine. Les dignitaires religieux de haut rang doivent être sélectionnées par le biais du système « Urne d'or », un système de loterie chinois datant du XVIIIe siècle, peu utilisé par les Tibétains jusqu'en 2007, année où le Parti communiste chinois l'a imposé comme seul moyen légal de sélectionner les lamas de haut rang.
Depuis 2009, on a recensé 160 cas d'auto-immolation, entraînant la mort de 127 Tibétains.
En 2012, le gouvernement a placé la quasi-totalité des monastères tibétains sous le contrôle direct de fonctionnaires chinois en poste permanent au Tibet. Depuis 2018, les autorités chinoises exigent de tous les moines et moniales qu'ils respectent les « Quatre Normes », dont la « fiabilité politique » et la « fiabilité lors des moments critiques ». Ces normes impliqueraient le soutien au choix du prochain Dalaï-Lama et de tout autre lama réincarné par le gouvernement chinois.
Dans une déclaration commune publiée en juin 2020, à l'occasion du 25e anniversaire de l'enlèvement du Panchen-Lama, cinq organismes et représentants des Nations Unies, dont le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires et le Rapporteur spécial sur la liberté de religion ou de conviction, avaient condamné « la disparition forcée continue de Gedhun Cheokyi Nyima et la réglementation de la réincarnation des bouddhas tibétains vivants, contraire aux traditions et pratiques religieuses de la minorité bouddhiste tibétaine ».
Dans le cadre du droit international, une disparition forcée est définie comme l'arrestation ou la détention d'une personne par des agents de l'État, suivie du refus de reconnaître la privation de liberté ou de révéler le sort de la personne ou le lieu où elle se trouve.
Plusieurs gouvernements et organismes indépendants, dont récemment le Parlement européen, ont appelé le gouvernement chinois à fournir des informations sur le sort du Panchen-Lama.
Le gouvernement chinois devrait autoriser les observateurs de l'ONU, les organisations indépendantes de défense des droits humains et les médias à accéder librement aux zones tibétaines, a déclaré Human Rights Watch.
Les gouvernements préoccupés, en particulier ceux qui comptent d'importantes populations bouddhistes, comme le Japon, la Corée du Sud, la Mongolie, Taïwan et l'Inde, devraient marquer le 30e anniversaire de la disparition forcée du Panchen Lama en s'exprimant publiquement et en affirmant le droit des Tibétains à exercer leur liberté religieuse.
« Le 30e anniversaire de la disparition du Panchen Lama offre aux gouvernements une occasion importante d'exhorter le gouvernement chinois à mettre fin à des décennies de répression du peuple tibétain », a conclu Yalkun Uluyol.
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