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Rétablir la sécurité, l’état de droit et la gouvernance démocratique en Haïti

La nécessité d’une véritable mission des Nations Unies fondée sur les droits humains

La crise en Haïti a atteint des proportions catastrophiques, les groupes criminels alliés ayant intensifié leurs attaques coordonnées à grande échelle contre la population et les infrastructures clés du pays. Ces groupes criminels ont rapidement augmenté leurs attaques et élargi les zones qu’ils contrôlent, paralysant une grande partie du pays et forçant les groupes d’aide humanitaire à suspendre leurs activités. Les actions des groupes criminels ont pour conséquence que de nombreux Haïtiens vivent dans la crainte constante d’être tués, violés, kidnappés ou recrutés de force, alors même qu’ils luttent chaque jour pour trouver de la nourriture, de l’eau et des soins de santé en quantité suffisante pour survivre. La Police nationale d’Haïti (PNH) est sous-équipée et en manque de personnel, et nombre de ses agents sont impliqués dans de graves violations des droits humains, ou sont liés aux groupes criminels. En outre, le gouvernement de transition n’a pas pris de mesures substantielles pour rétablir l’état de droit, éradiquer la corruption ou organiser des élections crédibles.

Le déploiement en juin de la Mission multinationale d’appui à la sécurité (MMAS), autorisée par les Nations Unies, financée en grande partie par les États-Unis et dirigée par le Kenya a rendu à beaucoup l’espoir que la sécurité serait bientôt rétablie. [Mais divers gouvernements n’ont pas doté la mission de ressources suffisantes pour la rendre pleinement opérationnelle.

Pour éviter que la situation ne se détériore davantage et pour offrir aux Haïtiens une vraie opportunité de reconstruire leur vie dans l’espoir et la dignité, le Conseil de sécurité des Nations Unies devrait autoriser d’urgence une véritable mission des Nations Unies, dotée d’un mandat fort et fondé sur les droits humains avec l’objectif de travailler avec la Police nationale d’Haïti et les autorités de transition pour restaurer la sécurité, l’état de droit et la gouvernance démocratique en Haïti. Tous les États membres de l’ONU devraient veiller à ce que la mission dispose des ressources financières, humaines, matérielles et autres, nécessaires à son déploiement rapide dans le cadre d’une réponse globale à la crise multidimensionnelle d’Haïti. Cette mission s’appuierait sur les efforts initiaux déployés par la MMAS, notamment l’élaboration de protocoles et de lignes directrices solides en matière de droits humains, et permettrait d’apporter une réponse internationale plus durable et mieux coordonnée. Elle serait également conforme aux demandes du gouvernement de transition d’Haïti, et à ce que Human Rights Watch a entendu auprès de nombreux Haïtiens victimes d’abus, d’activistes des droits humains, de travailleurs humanitaires et de la santé, de responsables gouvernementaux et d’autres personnes qui attendent désespérément une réponse internationale plus décisive.

Pour contribuer à la réussite de cette mission et éviter les échecs et les abus associés aux interventions internationales du passé en Haïti, le Conseil de sécurité devrait apporter son soutien aux mesures suivantes :

  • Autorisation en vertu du Chapitre VII de la Charte de l’ONU : Comme pour la MMAS, la nouvelle mission consensuelle des Nations Unies devrait être autorisée en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies et inclure des composantes civiles et de sécurité, avec pour mandat de soutenir les efforts du gouvernement de transition et de la Police nationale d’Haïti pour restaurer la sécurité et l’état de droit, faire respecter les droits humains et organiser des élections crédibles, libres et équitables.
  • Mandat de la force de sécurité : la force de sécurité devrait être principalement composée de policiers et chargée de patrouiller et de sécuriser l’accès aux routes principales du pays afin d’assurer le transport de la nourriture et de l’aide humanitaire et de permettre aux habitants de circuler librement. Elle devrait sécuriser les sites clés comme les ports, les aéroports, les commissariats de police, les hôpitaux et les dispensaires, les écoles et les tribunaux afin de permettre à la population d’accéder à ces services. Cette force devrait protéger la population contre les menaces imminentes de violence physique, dans les limites de ses capacités et des zones où elle est déployée. En outre, elle devrait fournir un soutien technique, logistique et de renseignement aux autorités haïtiennes qui cherchent à enquêter, à arrêter et à poursuivre de manière adaptée les chefs des groupes criminels qui se sont rendus responsables d’abus et ceux qui soutiennent ces groupes, ainsi que d’autres individus responsables de crimes graves. Ces efforts devraient suivre des procédures respectueuses des droits, notamment en tenant compte de considérations spéciales relatives aux enfants, et créer des conditions qui permettent aux membres de ces groupes de déposer leurs armes en toute sécurité.
  • Protection des droits humains : La mission devrait intégrer des observateurs spécialisés dans les droits humains et veiller à ce que les violations des droits, notamment celles commises par les groupes criminels, les forces de sécurité haïtiennes et les membres de la mission de l’ONU, soient régulièrement rendues publiques. Les droits de l’enfant, la prévention des violences sexuelles et la protection des populations vivant dans les zones contrôlées par les groupes criminels devraient être au centre de ses préoccupations.
  • Formation et vérification des antécédents : Veiller à ce que l’ensemble du personnel déployé soit soumis à un processus de vérification des antécédents (« vetting ») conforme aux normes des Nations Unies afin de s’assurer de son aptitude à participer à des opérations de maintien de la paix, et notamment qu’il ne fait l’objet d’aucune allégation crédible de violation des droits humains ou d’inconduite. Le personnel devrait également recevoir une formation spécialisée avant son déploiement et en cours de mission, en conformité avec le cadre des opérations de maintien de la paix de l’ONU (UN Peacekeeping Operations Framework), mettant l’accent sur le droit international des droits humains, la prévention de la violence sexuelle et sexiste, et la protection des enfants. La mission devrait veiller au strict respect de la Politique de diligence voulue des Nations Unies en matière de droits humains (UN Human Rights Due Diligence Policy, HRDDP) et s’abstenir de s’engager ou de soutenir toute unité, tout commandant ou toute entité – y compris la Police nationale d’Haïti – dont l’implication dans de graves violations des droits humains ou la collusion avec des organisations criminelles est avérée. La mission devrait également soutenir la mise en œuvre d’un programme de vérification des antécédents de la Police nationale d’Haïti, afin d’en exclure les agents qui se sont rendus responsables d’abus ou qui sont corrompus, et d’une formation appropriée en droits humains pour les policiers haïtiens.
  • Engagement vis à vis de la communauté et obligation de rendre des comptes : Soutenir la création d’un mécanisme indépendant, avec la participation de la société civile haïtienne et des groupes communautaires, pour surveiller et rendre compte de la conduite et des performances de la force internationale. Ce mécanisme devrait inclure un plan visant à en faire connaître l’existence, des procédures de dépôt de plaintes accessibles, confidentielles et indépendantes à l’intention du public, un service d’enquête indépendant qui tienne compte de l’égalité des sexes, et des procédures visant à partager les preuves avec les systèmes judiciaires d’autres pays afin de mieux garantir l’obligation de rendre des comptes dans les pays d’origine pour les forces qui se seraient rendues responsables de violations des normes internationales et des codes de conduite de l’ONU.
  • Désarmement, démobilisation et réintégration sociale et économique : La mission devrait collaborer avec le gouvernement de transition pour mettre en œuvre des programmes spécialisés visant à encourager et à soutenir les personnes associées à des groupes criminels violents qui choisissent de quitter ces groupes, en accordant une attention particulière au soutien aux enfants associés à ces groupes et qui tienne compte de leurs traumatismes.
  • Réparer les préjudices passés et s’engager à ne pas les répéter : La nouvelle mission devrait être envisagée comme une occasion de remédier aux échecs du passé, de mettre en œuvre des réparations pour les abus commis lors des interventions internationales qui ont précédé et de veiller à ce que des mécanismes soient mis en place pour promouvoir la responsabilité et rétablir la confiance du public. La priorité donnée à la transparence, à la mise en œuvre de l’obligation de rendre des comptes et à des normes de conduite strictes devrait être au cœur du mandat de la nouvelle mission. Les groupes haïtiens de défense des droits humains, de la société civile et des communautés, ainsi que les victimes d’abus récents et plus anciens, devraient être consultés régulièrement, et leurs recommandations devraient être pleinement prises en compte dans les mesures prises, pour remédier aux échecs du passé et dans le travail de la nouvelle mission.
  • Assistance économique et sociale : Compte tenu des conditions socio-économiques désastreuses en Haïti, la mission devrait intégrer des composantes qui soutiennent les secteurs de la santé, de l’éducation et de l’aide humanitaire et travailler aux côtés de la Coordonnatrice résidente et humanitaire des Nations Unies afin de mieux articuler et coordonner l’ensemble de la réponse humanitaire. Garantir l’accès à ces services pourrait contribuer à rétablir la confiance et à s’attaquer à certaines des causes profondes de l’instabilité, notamment en offrant des emplois, une éducation et d’autres opportunités aux membres des communautés qui étaient auparavant contrôlées par des groupes criminels.
  • Réforme judiciaire : La mission devrait travailler avec le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) et d’autres agences des Nations Unies pour réformer un système carcéral haïtien inhumain dont les prisons sont gravement surpeuplées. En vue d’une réforme à long terme du système judiciaire, la mission et les agences des Nations Unies devraient fournir une formation et un soutien technique à un groupe d’enquêteurs judiciaires, de procureurs et de juges haïtiens spécialisés, chargés de veiller à ce que les auteurs des crimes les plus graves commis par les membres de groupes criminels et ceux qui les soutiennent rendent des comptes.
  • Renforcement des capacités institutionnelles et de la gouvernance démocratique : La mission devrait se concentrer sur le renforcement des institutions démocratiques d’Haïti, permettre le transfert durable des responsabilités en matière de sécurité afin de réduire la dépendance du pays à l’égard des forces internationales, et soutenir les efforts visant à organiser des élections libres, équitables et crédibles, en prenant des mesures pour s’assurer qu’elles ne sont pas manipulées par des groupes criminels et des acteurs corrompus dans les domaines politique, économique ou sécuritaire.
  • Réduire les flux d’armes et de munitions en Haïti : La mission devrait travailler avec l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), d’autres agences compétentes, les autorités haïtiennes et d’autres gouvernements concernés, en particulier les États-Unis, pour appliquer rapidement l’embargo sur les armes imposé par les Nations Unies à Haïti en augmentant les inspections dans les ports et les aéroports. Les cas de violation de l’embargo sur les armes, en particulier les transferts d’armes légères, devraient être signalés au comité des sanctions contre Haïti du Conseil de sécurité des Nations Unies, au groupe d’experts et à d’autres organes compétents

Pendant des décennies, les Haïtiens ont été les oubliés d’interventions internationales souvent déficientes ou qui ont causé plus de tort que de bien. Aujourd’hui, les acteurs internationaux, sous l’égide des Nations Unies, ont la possibilité d’améliorer la situation de manière substantielle. En faisant preuve d’un véritable engagement, en mobilisant toutes les ressources nécessaires et en adoptant les mécanismes requis pour éviter les erreurs du passé, protéger les droits humains et fournir des réparations aux victimes, ils peuvent aider le peuple haïtien à rétablir la sécurité, à garantir l’accès aux services de base et à s’attaquer aux causes profondes de l’instabilité. Les Haïtiens ne peuvent pas attendre : des millions de vies dépendent d’une action internationale urgente et décisive.

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