La nouvelle loi proposée par le gouvernement du Royaume-Uni cette semaine qui interdirait aux personnes traversant la Manche en bateau – ou arrivant par d'autres moyens dits irréguliers – de demander l'asile au Royaume-Uni ne fonctionnera pas.
Les demandeurs d'asile seraient détenus en masse ; expulsés vers leur pays d'origine, vers le Rwanda, ou vers un autre pays que le gouvernement a jugé sûr ; et interdits de revenir en Grande-Bretagne. Ils seraient dépouillés de presque tous les droits de recours. Les seules exceptions dans ce projet de loi radical concernent les enfants non accompagnés et les personnes soumises à des circonstances exceptionnelles spécifiques, notamment celles qui affirment qu'elles subiraient un préjudice grave et irréversible si elles étaient renvoyées.
Contrairement au discours que le gouvernement aime tenir, il n'est pas illégal de demander l'asile, et la manière dont une personne est arrivée au Royaume-Uni n'a aucune importance. Ce qui est illégal, c'est le projet cruel et draconien du gouvernement.
Ce projet de loi vise à pénaliser les personnes qui n'ont que peu d'autres options que d’entreprendre un voyage aussi dangereux à travers la Manche. La Convention relative au statut des réfugiés de 1951, un traité international auquel le Royaume-Uni est un État partie, interdit expressément de pénaliser les demandeurs d'asile et les réfugiés en raison de leur entrée irrégulière. Et en privant les demandeurs d'asile de la capacité de contester de manière significative leur expulsion dans la plupart des cas, le gouvernement pourrait manquer à son obligation de ne pas expulser des personnes vers des lieux dangereux et où elles pourraient être confrontées à de graves violations des droits humains, tels que le Rwanda. Le projet de loi porterait également atteinte au droit des demandeurs d'asile à un recours effectif.
Ce projet déplorable n'est rien de plus qu'une tentative du gouvernement de marquer des points politiques en utilisant les vieilles recettes consistant à attiser la peur et la division. Ces dernières semaines, le Royaume-Uni a été secoué par de violentes attaques de la part de membres de groupes d'extrême droite et anti-immigrés contre des hôtels hébergeant des demandeurs d'asile. Des syndicats ont accusé le gouvernement d’encourager ces groupes par ses déclarations incendiaires contre les demandeurs d'asile et les autres personnes migrantes.
Le gouvernement sait très bien que son projet est irréalisable et inefficace, et qu'il constitue une violation flagrante de ses obligations au regard de la Convention sur les réfugiés et de la Convention européenne des droits de l’homme. Le projet de loi comporte même une concession du gouvernement selon laquelle la nouvelle loi pourrait enfreindre la Convention européenne.
En 2022, le gouvernement a adopté la loi sur la nationalité et les frontières [Nationality and Borders Act], promettant de mettre fin aux traversées en petites embarcations. Cette loi regorge de dispositions inacceptables, telles que la criminalisation des actions des demandeurs d'asile secourus ou interceptés en mer. Mais les traversées en petites embarcations n’ont pas cessé, et il est tout à fait clair que les politiques axées sur la criminalisation, la dissuasion et l'expulsion ne font rien pour résoudre les problèmes actuels.
La réalité est que, pour les personnes arrivant sur les côtes britanniques, un bateau est souvent la seule voie vers la sécurité. Au-delà de dispositifs limités pour les Ukrainiens, certains Afghans, et quelques personnes de Hong Kong – qui constituent des développements positifs mais qui ont connu de nombreux problèmes – et des programmes officiels de réinstallation du Royaume-Uni, la plupart des demandeurs d'asile et des réfugiés ne peuvent pas se rendre en toute sécurité au Royaume-Uni, y compris ceux qui y ont de la famille.
Au cours du dernier trimestre de 2022, les Afghans représentaient le plus grand groupe de personnes par nationalité traversant la Manche, mais seulement 22 Afghans ont été réinstallés au cours de l'année dans le cadre de la voie onusienne du programme britannique de réinstallation des citoyens afghans. Dans le même temps, malgré les déclarations du gouvernement du Royaume-Uni contre les horribles violations des droits humains en Iran, seulement neuf personnes iraniennes ont été réinstallées l'année dernière dans le cadre du programme de réinstallation du Royaume-Uni, alors même que les Iraniens figurent parmi les cinq principaux groupes de nationalité traversant par bateau.
Si le gouvernement veut vraiment réduire les décès en mer, les traversées dangereuses de la Manche et la lutte contre le trafic et la traite des personnes, refuser aux personnes l'accès à l'asile au Royaume-Uni et les détenir à un coût considérable n'est pas la solution. Cela poussera simplement les demandeurs d'asile à entreprendre des voyages toujours plus dangereux et clandestins pour entrer au Royaume-Uni, sans remédier à l'incapacité du gouvernement à garantir un système d'asile qui fonctionne correctement et dispose de ressources suffisantes.
Une solution plus viable consiste à ce que le Royaume-Uni fournisse suffisamment de voies sûres aux demandeurs d'asile et aux migrants pour se rendre au Royaume-Uni, tels que des visas humanitaires, des programmes de réinstallation élargis et des voies de regroupement familial, de travail ou d'études. Le Royaume-Uni doit également œuvrer avec d'autres pays, à la fois au niveau régional et mondial, pour partager la responsabilité des réfugiés dans le monde, et non fermer ses portes. N'oublions pas que le Royaume-Uni reçoit beaucoup moins de demandes d’asile que nombre de ses voisins européens, dont l'Allemagne et la France.
Au lieu de persister dans ce projet de loi cruel et inapplicable et d'alimenter la peur et la division, le gouvernement devrait concentrer ses efforts à la remise en état d’un système d'asile sous tension et dysfonctionnel. Créer un système humain et équitable pour toutes les personnes qui cherchent refuge n'est pas seulement la bonne chose à faire : c'est aussi la solution la plus pragmatique.
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