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Brésil : Lula devrait aborder d’urgence la crise en Amazonie

Le président élu devrait y restaurer l'état de droit et réduire la déforestation

Une zone déboisée dans le territoire indigène Yanomami, photographiée en juin 2021 dans l’État de Roraima dans le nord du Brésil ; une partie de ce territoire s’étend aussi dans l’État d'Amazonas, dans le nord-ouest du pays. © 2021 Gabriel Chaim

(São Paulo, le 4 novembre 2022) – Le président élu du Brésil, Luiz Inácio Lula da Silva, devrait s'engager à prendre des mesures concrètes en vue de tenir ses promesses en matière d'environnement, lors du sommet sur le climat COP27 qui se tiendra en Égypte, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui .

Dans sa première déclaration publique après avoir remporté l’élection présidentielle à l’issue du second tour tenu le 30 octobre, Lula (comme on l'appelle au Brésil), s'est engagé à réduire à zéro le taux de déforestation dans la forêt amazonienne, à défendre les droits des peuples autochtones et à jouer un rôle de premier plan dans la réponse à la crise climatique. Des membres de l'administration de l’actuel président Jair Bolsonaro, dont le mandat s’achèvera le 31 décembre, représenteront le Brésil à la 27ème Conférence annuelle des Nations Unies sur les changements climatiques (COP27). Le président élu Lula devrait également y assister.

« Alors que la COP27 débutera une semaine après son élection, Lula devrait préciser comment il entend faire respecter l'état de droit en Amazonie, et y protéger la forêt ainsi que ses défenseurs, dès son entrée en fonction », a déclaré Maria Laura Canineu, pour le Brésil à Human Surveillance des droits. « Lula devrait s’engager à renforcer l’autorité des agences fédérales responsables de la protection de l'environnement et du respect des droits des peuples autochtones. »

Lula a hérité de l'un des taux de déforestation les plus élevés jamais enregistrés en Amazonie lorsqu'il a pris ses fonctions de président pour la première fois en 2003. À la fin de son deuxième mandat, en 2010, le taux de déforestation avait chuté de 67 %.

Plusieurs mesures avaient permis d’obtenir cette baisse, dont l'application effective des lois environnementales, la création d'aires protégées, la démarcation des territoires autochtones et les restrictions d'accès au crédit pour certains propriétaires qui avaient accaparé des terres publiques sans autorisation légale ou qui avaient violé les lois environnementales. Toutefois, des communautés et des organisations locales avaient aussi exprimé leur inquiétude quant à l'impact environnemental et social des barrages et d'autres projets de l’administration Lula en Amazonie.

Lors de la COP26, le sommet sur le climat de 2021 à Glasgow, le Brésil a signé des initiatives pour inverser la perte de forêts et s'est engagé à mettre fin à la déforestation illégale d'ici 2028. Dans la pratique, cependant, les politiques de l'administration Bolsonaro ont permis à la déforestation illégale d'augmenter en Amazonie brésilienne, un écosystème vital pour lutter contre le changement climatique, tout en créant un climat d'impunité pour les responsables.

Sous le président Bolsonaro, la déforestation en Amazonie a augmenté de 73 % en 2021 par rapport à 2018, atteignant son plus haut niveau en 15 ans. Environ 34 000 kilomètres carrés de la forêt amazonienne ont été défrichés entre 2019 et 2021, selon les données officielles. Près de 99 % des cas de déforestation enregistrés en 2021 présentaient des irrégularités indiquant une forme d’illégalité.

Les incendies, souvent utilisés pour défricher les terres et les préparer pour les cultures ou les pâturages, se sont aussi multipliés, parallèlement à la déforestation. De 2019 à octobre 2022, 368 642 « points chauds » (indicateur de l'activité des incendies) ont été enregistrés en Amazonie. Le nombre d'incendies en 2022, de janvier à octobre, est déjà le plus élevé pour cette période depuis 2010.

Les scientifiques ont averti que l'augmentation de la déforestation et des incendies pousse l'Amazonie à un « point de basculement », à partir duquel la forêt tropicale ne pourrait plus être sauvee, soulignant l'urgence d'inverser les dégâts.

Si cette destruction continue, de vastes portions de la forêt tropicale pourraient s'assécher dans les années à venir, libérant des milliards de tonnes de carbone stocké, perturbant les conditions météorologiques en Amérique du Sud et décimant l'agriculture. De vastes zones de l'Amazonie ont déjà été exploitées et dégradées, réduisant la capacité de régénération de la forêt, a montré une étude menée par le Réseau amazonien d'informations socio-environnementales géoréférencées, un consortium d'organisations de la société civile.

La destruction de l'Amazonie va de pair avec de graves violations des droits humains, telles que l'empiètement sur des terres protégées, ainsi que la violence et l'intimidation contre les peuples autochtones et d'autres communautés qui jouent un rôle crucial dans la protection des forêts. Depuis 2019, au moins 89 personnes ont été tuées en Amazonie brésilienne dans des conflits liés à la terre et aux ressources, selon l’ONG Commission foncière pastorale (Comissão Pastoral da Terra, CPT). L'exploitation forestière illégale, l'exploitation minière, le braconnage et les saisies de terres dans les territoires autochtones ont augmenté de 180 % de 2018 (année précédant l'entrée en fonction du président Bolsonaro) à 2021, selon le Conseil missionnaire indigéniste (Conselho Indigenista Missionário, CIMI).

En tant que l'un des 10 principaux émetteurs de gaz à effet de serre dans le monde, le Brésil a contribué à la crise climatique, qui a un impact croissant sur les droits humains. Le Brésil a rejeté 2,42 milliards de tonnes de dioxyde de carbone dans l'atmosphère en 2021, selon une analyse du Greenhouse Gas Emissions Estimates System, une coalition de climatologues. Il s'agit d'une augmentation de 12 % par rapport à 2020. La déforestation a été le principal facteur d'augmentation des émissions globales.

L'équipe de transition du président élu Lula devrait élaborer une stratégie comprenant des mesures concrètes pour inverser la destruction rampante de l'environnement qui a eu lieu sous la présidence de Bolsonaro, notamment :

  • Un nouveau plan d'action climatique avec des objectifs plus ambitieux que celui de 2016, et qui soit conforme à l'objectif de maintenir le réchauffement climatique inférieur à 1,5 degrés Celsius. Le plan devrait intégrer les engagements pris dans le cadre de la Déclaration de Glasgow sur les forêts et de l'Engagement mondial sur le méthane, et inclure une stratégie de mise en œuvre détaillée ;
  • Un plan, en consultation avec les groupes non gouvernementaux et les communautés affectées, avec des mesures concrètes et opérationnelles et des objectifs mesurables pour réduire considérablement la déforestation et les incendies, notamment en restaurant la capacité des agences environnementales à appliquer rigoureusement les lois environnementales ;
  • Des mesures pour assurer la protection des droits des peuples autochtones, notamment en reprenant la démarcation des territoires autochtones, en protégeant ces territoires des saisies illégales de terres et en renforçant l'agence des droits autochtones ;
  • Un plan national pour protéger les défenseurs de l'environnement et travailler avec les gouverneurs et le bureau du procureur général pour s'assurer que les responsables de violence et d'intimidation à leur encontre font l'objet d'enquêtes et de poursuites rigoureuses ; et
  • Une stratégie pour contrer certains projets de loi à l'étude au Congrès qui restreindraient arbitrairement les droits des peuples autochtones sur leurs territoires et accéléreraient la déforestation.

Communiqué complet en anglais : en ligne ici.

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