Le 28 juillet, le gouvernement de la République démocratique du Congo a lancé un appel d’offres pour les droits d’exploitation de 27 blocs pétroliers et trois blocs de gaz méthane. Le même jour, les Nations Unies reconnaissaient le droit à un environnement propre, sain et durable.
Des ministres de l’environnement du monde entier se réuniront le 3 octobre à Kinshasa pour préparer le sommet annuel de la COP27, qui regroupe les signataires de l’accord de Paris sur le changement climatique. Cette réunion aura pour toile de fond la décision récente du président congolais Félix Tshisekedi d’ouvrir 11 millions d’hectares de forêts congolaises – la deuxième plus grande forêt tropicale du monde – aux activités de forage.
En s’adressant à l’Assemblée générale des Nations Unies le mois dernier, Tshisekedi a regretté que cette décision ait fait « inutilement polémique ». Il a affirmé qu’un pays qui a désespérément besoin de se développer ne devrait pas être empêché d’exploiter ses ressources naturelles.
C’est à juste titre que les autorités congolaises soulignent l’hypocrisie des gouvernements occidentaux qui, tout en étant les principaux responsables de la crise climatique, ne soutiennent pas assez les pays en développement pour faire face aux effets de cette crise. Les échecs indéniables de ces pays ne retirent cependant pas au gouvernement congolais sa responsabilité vis-à-vis des communautés qui seront placées en première ligne de cette exploitation pétrolière.
L’appel d’offres ouvre de vastes zones intérieures sensibles, où vivent des communautés rurales, notamment des peuples autochtones, à la production de pétrole.
Un activiste autochtone, s’exprimant sous couvert d’anonymat, a indiqué à Human Rights Watch que « si les multinationales répondent à cet appel d’offres, cela pourrait avoir des effets négatifs sur le mode de vie des peuples autochtones, sur nos territoires ancestraux et sur la biodiversité hébergée sur ces terres ».
Certains des blocs pétroliers proposés empiètent directement sur des zones protégées, notamment les parcs nationaux de Virunga et d’Upemba, et sur la plus grande tourbière tropicale du monde, où le forage pourrait libérer jusqu’à six milliards de tonnes de carbone, soit plus de 14% des émissions totales de gaz à effet de serre dans le monde en 2021.
« Si le pétrole est exploité ici, l’impact négatif sur nos terres est inévitable », a déclaré Kahambu Kalere, un habitant de Kanyabayonga, au Réseau pour la conservation des forêts, une alliance d’organisations non gouvernementales de la province du Nord-Kivu. « Pour nous, il ne s’agit pas d’une opportunité, mais d’une menace. »
Le 23 septembre, des activistes congolais pour le climat ont organisé un concert à Goma ainsi que des marches à Kinshasa et Bukavu. Justin Mutasheba, de l’Association des jeunes visionnaires pour le développement du Congo, a appelé le gouvernement à annuler cet appel d’offres. « Il s’agit d’arrêter une catastrophe climatique et de respecter les droits des communautés locales qui vivent dans les zones ciblées par l’exploration pétrolière », a-t-il déclaré.
Le ministre des Hydrocarbures, Didier Budimbu, s’emploie pourtant à promouvoir cet appel d’offres et affirme qu’« il s’agira d’une exploitation écologique, sans aucun impact négatif sur l’environnement ». Mais l’exploitation « propre » des ressources pétrolières ne peut être garantie.
La production pétrolière sur le littoral atlantique du Congo est en effet à l’origine de nombreux effets néfastes. En 2013, une commission du Sénat congolais a accusé le gouvernement d’« irresponsabilité » au motif qu’il ne s’était pas attaqué à la pollution de l’air, de l’eau et des sols due à ces opérations. Près de dix ans plus tard, en avril dernier, une étude exhaustive réalisée par l’organisation congolaise Ressources naturelles et développement a conclu que « les fuites et les déversements de brut de pétrole et de boue ainsi que le torchage du gaz sont les formes les plus visibles de pollution » qui nuisent aux communautés locales.
Forer dans la forêt tropicale comporte d’autres risques. Accéder à des zones reculées nécessite de défricher la forêt pour construire des routes, ce qui étend la zone d’impact bien au-delà des zones spécifiques qui figurent dans l’appel d’offres. En Équateur, par exemple, une grande partie de la déforestation extensive de l’Amazonie s’est faite le long des routes d’accès aux sites pétroliers.
Des études sismiques qui visent à déterminer où se trouve le pétrole, jusqu’à la production et à l’extraction, en passant par les explosifs, les engins de chantier, les infrastructures invasives, les opérations polluantes ou encore la construction de pipelines pour transporter le pétrole, les dommages sont nombreux, et ce même dans le cadre des réglementations les plus strictes. Dans certains cas, la présence de travailleurs temporaires du secteur pétrolier a été une source de violence et d’atrocités, notamment de viols et de meurtres de femmes et de filles.
Dans un pays où les dividendes générés par la richesse des ressources naturelles continuent à ne profiter qu’à quelques-uns plutôt qu’au développement plus large du peuple congolais, les opposants à l’appel d’offres pétrolier et gazier ne devraient pas être écartés. Les autorités de Kinshasa devraient tenir compte des voix qui s’élèvent et respecter leurs obligations en matière de protection des droits des communautés rurales et autochtones et de ceux qui, en fin de compte, devront payer le plus lourd tribut de cette exploitation.