Skip to main content
Faire un don

Protéger les personnes contre les effets de la chaleur extrême

Human Rights Watch recommande aux gouvernements de prendre dix mesures visant à atténuer l’impact de la crise climatique sur les droits humains

Un homme tenait un parapluie afin de maintenir son visage dans l’ombre, lors d'une vague de chaleur à New Delhi, en Inde, le 12 juin 2022. © 2022 Sipa via AP Images

(New York, 21 juillet 2022) – Les gouvernements du monde entier devraient agir pour protéger les gens des effets nocifs actuels et prévisibles des vagues de chaleur extrême alimentées par le changement climatique, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui.

De vastes zones du globe étouffent actuellement sous des températures extrêmes battant tous les records. Or les gouvernements, dans le cadre de leurs obligations vis-à-vis des droits humains, doivent aider les personnes à s’adapter aux impacts du changement climatique. Ils doivent notamment évaluer l’impact prévisible de la canicule, particulièrement pour les populations qui sont le plus exposées aux risques, puis mettre en place des plans pour atténuer les effets nocifs attendus. Les gouvernements devraient également réduire rapidement les émissions de gaz à effet de serre et cesser de subventionner les carburants fossiles afin d’éviter les effets climatiques les plus catastrophiques et de protéger les droits des populations en danger.

« Alors que des températures qui étaient autrefois extrêmes deviennent presque banales, et avec l’augmentation des températures globales dans un avenir proche, les gouvernements devraient de toute urgence réduire les émissions et se préparer aux conséquences déjà inévitables du réchauffement de la planète », a déclaré Katharina Rall, chercheuse senior auprès de la division Environnement et droits humains à Human Rights Watch. « Les gouvernements devraient élaborer des plans clairs permettant de protéger les droits des personnes les plus à risque et qui peuvent le moins se protéger. »

La principale instance scientifique consacrée au changement climatique, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), a rapporté que les pics de températures extrêmes augmentaient sur tous les continents en raison du bouleversement climatique causé par l’activité humaine. La décennie passée était la plus chaude jamais enregistrée, de même que chacune des quatre dernières décennies était plus chaude que la précédente à cause du réchauffement climatique.

Plus d’un millier personnes sont mortes dans la péninsule Ibérique des suites d’une terrible vague de chaleur qui a traversé l’Europe. Le 18 juillet 2022, le Royaume-Uni a décrété sa première « Alerte rouge » alors que les températures dépassaient les 40 degrés Celsius dans le pays, pour la première fois depuis que l’État a commencé à mesurer les températures. Les populations de l’Australie, la Chine, la France, l’Allemagne, l’Inde, l’Italie, le Japon, la Norvège, le Pakistan et des États-Unis ont également subi des pics de chaleur sans précédent cette année.

L’exposition à la chaleur extrême met gravement en danger la santé des personnes. Elle peut causer des irritations cutanées, des crampes, un épuisement physique ou un « coup de chaleur » qui peut être fatal ou avoir des répercussions à très long terme. Les personnes âgées, les personnes en situation de handicap, les personnes enceintes et les enfants risquent davantage de subir des effets nocifs de la chaleur, avec dans certains cas des conséquences létales.

Ainsi que Human Rights Watch l’a mis en évidence, certaines personnes – comme celles qui effectuent des travaux souvent mal payés à l’extérieur, dans des cuisines surchauffées ou des serres – sont exposées à beaucoup plus de chaleur que d’autres. Les actions faibles ou insuffisantes des gouvernements face aux vagues de chaleur accentuent également les risques pour des populations spécifiques. De nombreuses personnes, comme celles qui vivent dans la pauvreté ou d’autres populations marginalisées, risquent davantage de mourir ou de tomber malades à cause de la chaleur, en raison de l’inégalité de l’accès à l’énergie ou à la climatisation, à un logement convenable, à l’eau ainsi qu’aux soins médicaux. Les recherches de Human Rights Watch ont montré l’échec des gouvernements à mettre en place des plans d’action efficaces pour protéger les personnes handicapées, les personnes âgées, les personnes enceintes, les travailleurs immigrés et les personnes vivant dans la pauvreté.

Du fait du changement climatique, les vagues de chaleur sont plus longues et plus fréquentes, ce qui accroît la mortalité liée à la chaleur. Une étude publiée dans Nature Climate Change qui analysait des données empiriques de 43 pays a conclu que plus d'un tiers des décès liés à la chaleur au cours des saisons chaudes étaient attribuables au réchauffement climatique. La canicule ayant déjà des conséquences létales, la mortalité liée à la chaleur – quoique nettement sous-estimée – est en hausse. Certains sites ont déjà rapporté une combinaison de chaleur et d’humidité extrêmes qui se situe au-delà des limites de la survie humaine. La chaleur entraîne également insécurité alimentaire et pénurie d’eau, aggravant les impacts de la pollution de l’air, ce qui contribue aux problèmes de santé mentale et accentue les maladies.

Même si les gouvernements réussissent à effectuer des réductions « rapides et drastiques » des émissions pour respecter leurs obligations vis-à-vis des droits humains et de l’Accord de Paris afin de maintenir le réchauffement de la planète en-dessous de 1,5 °C de plus qu’à l’ère pré-industrielle, la planète connaîtra des vagues de chaleur plus fréquentes et plus longues sur tous les continents. D’après des projections, ce sont pas moins de 30 à 60 millions de personnes, dans la région africaine du Sahel, au Moyen-Orient et en Asie du Sud, qui subiront, durant leur mois le plus chaud de l’année, des températures moyennes trop élevées pour que le corps humain puisse fonctionner sainement.

La Déclaration universelle des droits de l’homme, ainsi que le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, proclament le droit à la santé, notamment en soulignant la nécessité pour les gouvernements de lutter contre les menaces prévisibles en matière de santé publique.

Afin de respecter l’obligation qui leur incombe vis-à-vis des droits humains de protéger les personnes contre les effets de la chaleur, les gouvernements devraient prendre les dix mesures citées ci-dessous, parmi d’autres. Ces recommandations ont été rédigées en consultant des experts en matière de climat, de santé publique et de préparation aux catastrophes.

  1. Évaluer les risques que représente la canicule pour la santé publique. Identifier les populations présentant le plus de risques de décès, blessure ou maladie liés à la chaleur.  Définir un seuil au-delà duquel la canicule devient un danger dans la région.
  2. Mettre au point des plans d’atténuation et d’intervention d’urgence en cas de canicule. Permettre une participation réelle des populations à risque aux processus de planification et d’assurance de la capacité à appliquer les mesures essentielles.
  3. Appliquer des politiques de réduction des risques et de renforcement des compétences. Mener des campagnes de santé publique afin d’augmenter la sensibilisation aux effets nocifs de la chaleur, en ciblant les populations à risque, et assurer des formations aux premiers intervenants, ainsi que des services ou politiques permettant que les groupes à faible revenu puissent acheter et accéder à des solutions de climatisation.
  4. Garantir l’accès à l’eau et à l’assainissement ainsi qu’aux services de fourniture en énergie. Élaborer des plans clairs et publics permettant de fournir ou de rétablir des services de distribution d’eau, d’assainissement et d’électricité (si possible) pour les zones qui n’y ont pas accès de façon fiable. S’assurer que ces services soient abordables.
  5. Veiller à ce que la population soit informée des risques imminents et de la disponibilité de l’aide d’urgence au cours d’une vague de chaleur. Garantir que des conseils en matière de canicule soient accessibles à toutes les populations, y compris les minorités linguistiques, aux personnes n’ayant pas accès aux technologies, aux personnes handicapées, aux enfants et aux personnes âgées.
  6. Garantir l’accès à des lieux de fraîcheur lors d’une vague de chaleur. Améliorer l’accès à des zones climatisées ou ombragées en ciblant les populations à risque. Assurer si possible la climatisation des bâtiments et institutions étatiques et publics, notamment des prisons, des établissements scolaires, des centres de santé et des transports publics.
  7. Garantir la sécurité des travailleurs de plein air.  Appliquer des mesures de précaution, qui peuvent prévoir entre autres une évaluation du stress thermique, une limitation ou une modification du temps de travail consécutif en extérieur, ou l’exigence de laisser les travailleurs faire des pauses, boire de l’eau et avoir accès à un environnement plus frais pour se reposer.
  8. Garantir l’accès aux soins médicaux et services sociaux aux personnes subissant une situation d’urgence de santé liée à la chaleur. En particulier, veiller à ce que les systèmes de santé aient la capacité de gérer une hausse des maladies liées à la canicule lors des vagues de chaleur.
  9. Assurer le suivi constant de l’impact de la chaleur et l’efficacité des interventions d’urgence. Demander l’avis des populations à risque en ce qui concerne l’efficacité des mesures d’intervention d’urgence ainsi que leurs besoins non satisfaits. Enquêter urgemment sur l’étendue des effets des vagues de chaleur, surtout sur les personnes les plus à risque. Il s’agira notamment de recueillir des données de morbidité et de mortalité en se fondant sur des facteurs sociaux, économiques et géographiques.
  10. Revoir et renforcer régulièrement les plans d’action nationaux et locaux en cas de canicule. Actualiser les plans d’action canicule et pallier les lacunes constatées dans l’évaluation des impacts et des interventions après l’urgence.

Les gouvernements ne disposent pas tous des mêmes ressources pour se préparer et lutter contre les impacts climatiques sur les droits humains. Les pays de plus faible revenu, alors qu’ils font souvent face aux risques les plus élevés liés à la chaleur extrême découlant du dérèglement climatique, sont aussi les moins équipés pour atténuer ces impacts en raison du manque d’accès fiable aux services de fourniture d’énergie et du manque de services médicaux. Une évaluation fondée sur le Rapport sur l’écart entre les besoins et les perspectives en matière d’adaptation aux changements climatiques du programme environnemental des Nations Unies a constaté que le quart du monde le plus pauvre avait en moyenne 15 ans de retard par rapport aux pays les plus riches pour s’adapter à l’augmentation des températures. Un soutien renforcé de la part des pays développés, émettant le plus de gaz à effet de serre, à destination des pays en voie de développement, qui en émettent le moins, sera crucial en vue d’une adaptation équitable.

« Lorsqu’on évoque les impacts de la canicule, on parle tout simplement de décès et de souffrances que l’on pourrait éviter », a conclu Katharina Rall. « Les gouvernements devraient accepter cette réalité et prendre des mesures pour remplir l’obligation qui leur incombe vis-à-vis des droits humains de protéger leur population des effets nocifs prévisibles du réchauffement climatique. »

.............

Tweets

Your tax deductible gift can help stop human rights violations and save lives around the world.