(Ottawa) – Un soutien inadéquat de la part du gouvernement a aggravé les risques encourus par les personnes handicapées ainsi que par les personnes âgées, lors de la récente vague de chaleur extrême et prévisible qui a causé la mort de centaines d’habitants de la province canadienne de Colombie-Britannique, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui.
Du 25 juin au 1er juillet 2021, la Colombie-Britannique (CB) a connu un dôme de chaleur, c’est-à-dire un système de haute pression anticyclonique qui retient la chaleur comme sous un couvercle, produisant à travers la province des températures record, qui sont allées jusqu’à 49,6 °C. Mais la Colombie-Britannique ne dispose pas d’un plan d’action face à la chaleur et le manque d’accès à des systèmes de refroidissement et de soutien spécialement adaptés aux populations vulnérables a contribué à des souffrances inutiles et, peut-être, à des décès.
« Les personnes handicapées et les personnes âgées sont des sujets à haut risque de stress dû à la chaleur, mais on les a laissées seules pour faire face à de dangereux niveaux de canicule », a déclaré Emina Ćerimović, chercheuse senior auprès de la division Droits des personnes handicapées à Human Rights Watch. « Les autorités canadiennes devraient écouter davantage les personnes handicapées et les personnes âgées et grandement améliorer le soutien qu’elles leur apportent, avant qu’un nouveau désastre ne survienne. »
Entre juillet et septembre, Human Rights Watch s’est entretenu à distance avec 31 personnes vivant en Colombie-Britannique, dont 13 personnes handicapées, sept personnes âgées et deux proches de personnes âgées, ainsi qu’avec des prestataires de services, des militants des droits humains et des responsables communautaires. Human Rights Watch a également rencontré ou communiqué par écrit avec des responsables dans diverses branches du gouvernement de la province et de la ville de Vancouver, et a examiné des documents relatifs aux préparatifs d’adaptation aux changements climatiques et de réponse aux vagues de chaleur.
Cinq personnes âgées et 12 personnes handicapées ont affirmé que le dôme de chaleur avait grandement affecté leur santé physique et mentale. Certaines ont dit avoir craint pour leur vie.
Le Service de médecine légale de la CB, agence gouvernementale chargée d’enquêter sur cet épisode, a identifié 569 décès liés à la chaleur entre le 20 juin et le 29 juillet, dont 445 sont survenus lors du phénomène du dôme de chaleur. Parmi les personnes décédées, 79% étaient âgées de 65 ans ou plus. Le gouvernement provincial a affirmé à Human Rights Watch qu’il ne disposait pas actuellement de données sur le nombre des personnes décédées qui étaient handicapées. Il ne possède pas non plus de données sur d’autres impacts dûs à la chaleur, comme les hospitalisations et les impacts sociaux.
Une équipe internationale de scientifiques spécialistes du climat a affirmé en juillet que la magnitude du dôme de chaleur de la CB a été rendue 150 fois plus probable par le phénomène des changements climatiques. Deux autres vagues de chaleur ont suivi en juillet et en août. Étant donné que le Canada se réchauffe deux fois plus rapidement que la moyenne mondiale, et même trois fois plus dans les parties nord du pays, les vagues de chaleur sont susceptibles de devenir plus fréquentes et plus intenses.
Les personnes handicapées et les personnes âgées sont particulièrement exposées au risque de contracter une maladie liée à la chaleur et d’en mourir. Certaines d’entre elles sont plus susceptibles d’avoir des problèmes de santé préexistants ou de recourir à des médicaments qui peuvent affecter la capacité de leur organisme à supporter la chaleur.
L’isolement social et la pauvreté sont des facteurs aggravants. Le Centre de contrôle des maladies de la CB a déclaré que « la plupart des décès sont survenus dans notre communauté dans des résidences privées et les zones à risque avaient … moins d’espaces verts, davantage de personnes vivant seules, avec des niveaux de revenus inférieurs à la moyenne ». Toutes les personnes interrogées sauf trois vivent seules et ont indiqué qu’elles ne pouvaient pas compter sur un système de soutien sûr ou sur une personne en mesure de s’occuper d’elles en cas d’urgence.
Sur les 17 personnes interrogées qui avaient été gravement affectées, quinze vivaient dans des appartements subventionnés ou dans d’autres logements petits et dépourvus de ventilation ou d’une bonne circulation d’air, et dans des immeubles sans isolation adéquate ni ombrage naturel. La plupart ont indiqué qu’elles n’avaient pas les moyens de se procurer des appareils de refroidissement, et encore moins d’encourir le coût de les faire fonctionner.
Les gouvernements municipaux et les Premières Nations ont mis en place des centres de rafraîchissement pour le public mais les personnes interrogées ont déclaré que se rendre dans un autre lieu pour se rafraîchir n’était guère une option réaliste, car cela aurait exigé qu’elles s’exposent au dehors aux températures extrêmes et elles n’avaient pas de moyens de transport pratiques. Certaines ont argué que se rendre dans un de ces centres pourrait les exposer au risque de contracter le Covid-19 ou à des irritants environnementaux pouvant déclencher chez elles des symptômes dangereux.
Une femme handicapée âgée de 38 ans, qui vit seule dans un immeuble d’appartements à Vancouver, pense qu’elle a souffert d’un coup de chaleur, malgré certaines précautions pour abaisser sa température corporelle quand le thermomètre a atteint 38-39˚C dans son appartement : « Il y a eu plusieurs jours où je ne me souviens pas de ce que j’ai fait, j’étais tout simplement étendue sur le sol, incapable de me lever. »
Les Services de santé d’urgence de la CB n’ont pas activé leur centre d’opérations d’urgence pour coordonner leur réponse avant que le dôme de chaleur n’ait commencé à s’atténuer. Une personne a affirmé que sa tante, âgée de 88 ans et qui utilisait un fauteuil roulant, est morte le 28 juin à cause du dôme de chaleur et n’avait jamais pu joindre le 911, le numéro des appels d’urgence.
Les médias ont signalé plusieurs cas de personnes âgées qui sont mortes alors qu’elles attendaient une ambulance, notamment Gian Goel, 71 ans, décédé en attendant pendant 90 minutes une ambulance le 27 juin, alors qu’il habitait à une dizaine de minutes d’un hôpital.
Quatorze personnes ont déclaré qu’elles étaient désormais traumatisées, souffrant d’anxiété ou de dépression à cause de ce qu’elles ont vécu et de leur incertitude quant à la manière dont elles pourront survivre à de futures canicules. Les personnes ayant des antécédents de problèmes psychologiques ont déclaré que le dôme de chaleur avait exacerbé leurs symptômes, et six d’entre elles ont indiqué qu’elles craignaient pour leur vie.
Le 30 juillet, plus d’un mois après le début du dôme de chaleur de juin, le gouvernement de CB a annoncé des mesures de soutien, comprenant des dédommagements pour les communautés qui avaient ouvert des centres de rafraîchissement et une aide à la mise en place de moyens de transport dans des lieux dépourvus de transports publics.
La province s’est engagée à élaborer une stratégie de réponse aux vagues de chaleur extrême et aux émanations de fumée dues aux incendies de forêts en 2022-2025, mais des mesures urgentes sont nécessaires à plus court terme pour assurer la sécurité des personnes les plus vulnérables, a affirmé Human Rights Watch.
Il incombe aux gouvernements canadiens, fédéral et provinciaux, d’assurer la protection et la sécurité des personnes handicapées lors des catastrophes naturelles, ainsi qu’un accès à des soins médicaux appropriés et dispensés en temps opportun pour les personnes handicapées et âgées. Les gouvernements ont également l’obligation de protéger les gens contre les menaces mortelles raisonnablement prévisibles, y compris les effets des changements climatiques.
Les autorités devraient enquêter d’urgence sur la portée réelle de l’impact du dôme de chaleur, en particulier sur les personnes les plus vulnérables, y compris en recueillant des données sur les handicaps, les niveaux de revenus et les impacts sociaux et en matière de santé, telles que les hospitalisations et les consultations des services d’urgence. Sans une bonne appréhension de la magnitude des besoins, le gouvernement ne sera pas en mesure de porter assistance efficacement aux populations vulnérables, a déclaré Human Rights Watch.
Tous les échelons du gouvernement devraient s’assurer que les personnes handicapées et les personnes âgées, en particulier celles qui ont déjà fait face à des catastrophes naturelles, soient incluses dans les efforts d’adaptation aux changements climatiques et de préparation aux vagues de chaleur. Les responsables de CB ont confirmé à Human Rights Watch qu’elles étaient encore loin de parvenir à ce but.
Les gouvernements de CB et fédéral devraient également réduire rapidement les émissions de gaz à effet de serre et cesser de subventionner les sources d’énergie fossiles afin d’éviter les conséquences les plus catastrophiques des changements climatiques, et protéger les droits des populations vulnérables.
« Étant donné la hausse prévisible des vagues de chaleur extrême et l’impact qu’elles ont sur les personnes âgées et les personnes handicapées, le gouvernement, à tous les niveaux, devrait avoir un plan clairement établi pour éviter de nouveaux décès dus aux excès de chaleur et gérer les autres risques liés aux épisodes de canicule », a affirmé Emina Ćerimović. « Le Canada et la Colombie-Britannique devraient, l’un et l’autre, faire beaucoup plus pour protéger les populations vulnérables et éviter des impacts encore pires des changements climatiques en réduisant rapidement les émissions de gaz à effet de serre. »
Informations complémentaires
Certaines des personnes interrogées sont identifiées ci-dessous par des pseudonymes ou par leur seul prénom, afin de protéger leur vie privée.
L’impact des changements climatiques sur les populations vulnérables au Canada
Les épisodes de canicule, les inondations, les feux de forêt et autres désastres – qui deviennent tous plus fréquents et plus intenses en conséquence des changements climatiques – ont un impact de plus en plus fort sur les vies et les moyens d’existence au Canada et à travers le monde. Une équipe internationale de scientifiques spécialisés dans le climat a affirmé que le dôme de chaleur mortel de juin dernier en Colombie-Britannique aurait été « virtuellement impossible » sans les changements climatiques causés par les activités humaines.
Le Canada demeure parmi les dix pays qui émettent le plus de gaz à effet de serre, contribuant de manière significative à la crise climatique qui est à l’origine d’événements climatiques de plus en plus extrêmes. La Colombie-Britannique est l’une des provinces émettant les plus grandes quantités de ces gaz au Canada, et elle va fournir plus de 1 milliard de dollars canadiens de subventions aux industries du pétrole et du gaz pour la seule année 2021, contribuant ainsi à perpétuer la dépendance de l’économie aux combustibles fossiles, à un moment où les gouvernements devraient effectuer rapidement la transition vers les sources d’énergie propres et renouvelables.
L’impact des changements climatiques affecte tout le monde mais il est tout particulièrement fort pour la santé et le bien-être de personnes qui sont déjà marginalisées ou vulnérables, notamment les personnes handicapées ou âgées, les Premières Nations, les femmes enceintes, les femmes et les enfants.
En 2020 et 2021, l’ONU a produit des rapports dans lesquels elle avertissait que les personnes handicapées et les personnes âgées étaient les plus vulnérables aux impacts négatifs des changements climatiques. Les personnes handicapées physiquement ressentent davantage de douleur et de fatigue quand la chaleur est élevée et certaines personnes ayant subi des blessures à la colonne vertébrale ou de graves traumatismes crâniens sont plus vulnérables aux maladies liées à la chaleur à cause de leur capacité de transpiration limitée, la sudation étant le principal mécanisme de refroidissement naturel de l’organisme.
Les personnes ayant un handicap psychosocial – des troubles mentaux – sont deux à trois fois plus vulnérables au risque de mourir d’un excès de chaleur, en partie à cause de l’impact de certains médicaments sur la capacité de l’organisme à réguler sa température. Lors des vagues de chaleur de 2018 à Montréal, 25 % des personnes décédées étaient atteintes de schizophrénie.
Les personnes âgées sont plus exposées au risque de décès et de maladies dus à la chaleur. Des recherches publiées par le journal médical The Lancet ont permis d’établir qu’en moins de deux décennies jusqu’à 2018, le réchauffement rapide du climat avait contribué à une hausse de 58,4 % des décès liés à la chaleur parmi les personnes âgées de plus de 65 ans au Canada. Les personnes âgées ont une moindre capacité à s’adapter à des changements soudains de température. Elles sont également plus susceptibles d’avoir des problèmes médicaux qui peuvent rendre la chaleur plus dangereuse pour elles, comme les affections cardiaques ou respiratoires. Ces personnes sont également susceptibles de prendre des médicaments qui causent des intolérances à la chaleur et réduisent la capacité de l’organisme à répondre à la chaleur, notamment sa thermorégulation.
Aux termes de la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées, il incombe aux gouvernements fédéral et provinciaux de faire en sorte que les personnes handicapées jouissent des mêmes droits que les autres, et cela inclut les personnes âgées et handicapées, et d’assurer leur protection et leur sécurité lors des catastrophes naturelles. Aux termes de ce traité et du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, chaque personne a le droit de jouir des normes les plus élevées possible de santé physique et mentale. Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques exige des gouvernements qu’ils protègent le droit à la vie, y compris face aux menaces prévisibles.
Les gouvernements fédéral et provinciaux du Canada sont tenus d’agir afin d’éviter les impacts négatifs prévisibles des changements climatiques sur les droits humains, notamment de protéger les personnes les plus vulnérables à leurs impacts négatifs pour la santé, comme les personnes âgées et les personnes handicapées, en réduisant les émissions de gaz à effet de serre et en aidant ces personnes à s’adapter aux impacts actuels et à ceux qu’on peut prévoir.
Au Canada, les prestations de services en matière de santé sont de la responsabilité des gouvernements provinciaux et territoriaux, sauf au sein des Premières Nations, où cette responsabilité incombe au gouvernement fédéral, et en Colombie-Britannique, à l’Autorité sanitaire des Premières Nations. Le gouvernement fédéral apporte un soutien financier aux provinces pour les aider à faire face à leurs coûts en matière de santé et accorde des crédits d’impôts aux personnes handicapées. Les municipalités et les Premières Nations jouent un rôle clé dans les réponses aux besoins des communautés en matière de santé. La gestion des situations d’urgence est une responsabilité partagée entre tous les niveaux de gouvernement.
Détresse physique et maladies liées à la chaleur
« Pour chaque personne qui a succombé au dôme de chaleur, dix autres ou plus ont peut-être souffert d’un coup de chaleur, de déshydratation ou d’autres complications, y compris de lésions permanentes qui laissent des séquelles », a déclaré le Dr. Melissa Lem, membre de l’Association canadienne des médecins pour l’environnement, dans un communiqué de presse en juillet. « Quand nous nous réchauffons trop, même de deux ou trois degrés seulement, nous perdons notre faculté d’adaptation. J’ai vu davantage de patients souffrant de maladies liées à la chaleur lors de la canicule extrême de juin que je n’en avais vu jusque-là pendant toute ma carrière. »
Les personnes interrogées ont décrit des symptômes d’épuisement par la chaleur et de maladies liées à la chaleur lors de l’épisode du dôme de chaleur, notamment des fièvres, des maux de tête, des vertiges, des pertes de connaissance, des nausées, des phases de confusion, des enflures aux jambes, des difficultés respiratoires et des phases de faiblesse.
« Ember », une femme âgée de 69 ans physiquement handicapée et qui vit dans un ensemble de logements sociaux à South Surrey, a déclaré que la température dans son appartement avait atteint 39˚C lors du dôme de chaleur et qu’elle avait contracté une toux et une fièvre persistante. « Je n’avais jamais été aussi malade de toute ma vie », a-t-elle dit. « J’avais déjà eu des fièvres et des rhumes, mais jamais ces vertiges, ces tremblements. Je ne pouvais rien faire. J’ai failli tomber du siège des toilettes, tellement j’avais le vertige. »
Ember, qui est également asthmatique, a fini par prendre un taxi le 30 juin pour aller à l’hôpital, où elle a reçu des solutions intraveineuses pour sa déshydratation, des antibiotiques également en intraveineuses, et où on lui a prescrit des antibiotiques par voie orale pour une semaine. Des études ont montré que la chaleur peut exacerber les maladies respiratoires et accroître les risques de complications.
Edward McArthur, 55 ans, qui est atteint de plusieurs handicaps, est sans domicile fixe et vit seul avec ses deux chiens, a déclaré: « À cause de la chaleur extrême, j’avais de grandes difficultés à respirer et à refroidir mon organisme, parce que je ne peux plus réguler ma propre température corporelle à cause de mes blessures à la moëlle épinière et au cerveau. »
Paul Caune, directeur exécutif de l’organisation à but non lucratif Civil Rights Now à Vancouver, laquelle fait du plaidoyer pour les droits des personnes handicapées, est atteint de dystrophie musculaire et utilise un fauteuil roulant électrique et un ventilateur qui l’aide à respirer. Quoique Caune ait accès à un climatiseur portable, acheté par sa sœur en 2018, il a eu du mal à supporter la chaleur dans son logement social à Vancouver.
« Je ne peux pas échapper à la chaleur, là où j’habite », a-t-il dit. « Mon climatiseur n’était pas assez puissant, il ne refroidissait pas et j’étais accablé par la chaleur, mes pieds étaient très enflés, mes jambes ont commencé à me faire mal et j’ai failli appeler une ambulance. » Depuis le dôme de chaleur, Caune a acheté un nouveau climatiseur. « Je suis plus serein maintenant », a-t-il dit.
La fille d’un homme de 68 ans vivant à Vancouver a déclaré que la chaleur l’avait beaucoup affecté négativement : « Il avait l’esprit embrumé. Il était constamment épuisé. Il s’asseyait pour un moment, puis il pouvait à peine garder les yeux ouverts, et cela a duré près de quatre jours. »
Détresse mentale imputable à une chaleur extrême
Des personnes âgées et des personnes handicapées ont affirmé qu’elles étaient traumatisées, anxieuses, agitées et dépressives à cause des vagues de chaleur, et de leur incertitude et insécurité quant à la manière dont elles pourront survivre aux prochaines. Dave Symington, 65 ans, qui est quadriplégique et utilise un fauteuil roulant, a déclaré : « Je craignais de ne pas pouvoir survivre. »
Des personnes ayant des troubles mentaux pré-existants ont déclaré que le dôme de chaleur avait exacerbé leurs symptômes et six personnes ont mentionné qu’elles avaient craint pour leur vie.
« Anita », une habitante de Burnaby âgée de 24 ans, est atteinte de trouble de stress post-traumatique (TSPT, ou PTSD en anglais), de trouble de déficit de l’attention avec hyperactivité (TDAH, ou ADHD en anglais) et de fibromyalgie. Elle a déclaré que la chaleur la rendait irritable et léthargique : « Plus la journée s’écoulait, plus j’étais angoissée. » Le manque de sommeil dû à la chaleur a aggravé son TSPT :
Je me réveillais souvent, ce qui aggravait les symptômes de mes handicaps. J’ai aussi des cauchemars résultant de mon TSPT et ces cauchemars étaient pires pendant la vague de chaleur, essentiellement à cause de l’angoisse que suscitent chez moi les changements climatiques. Cela me donnait l’impression d’être impuissante concernant mon avenir, car les choses sont supposées s’aggraver.
Des personnes interrogées ont également affirmé être devenues incapables de s’occuper d’elles-mêmes, y compris de préparer leurs repas. « Jasmine », 31 ans, qui a une névrose TSPT, une fibromyalgie et de l’anorexie, et vit dans une chambre subventionnée à occupant unique à Vancouver, a déclaré :
Ma chambre a une très mauvaise circulation d’air, on se croirait dans un sauna.… C’est complètement accablant. Cela me donne l’impression que la chaleur m’a ôté toute mon énergie et que je suis inutile. Pour quelqu’un qui a des problèmes de manque d’énergie… c’est une épreuve pour moi de faire la cuisine pour moi-même.… Mon cerveau ne fonctionnait pas. Ce n’était pas sûr pour moi d’aller au travail ou de sortir avec des amis.
Symington a déclaré : « Je restais assis devant le ventilateur et ça allait à peu près bien, mais s’il fallait que j’aille chercher de quoi manger ou de l’eau, je devais le planifier, parce que … c’était comme dans un four ici. »
Les personnes interrogées ont décrit des sentiments de peur ou d’angoisse parce qu’elles se sentaient abandonnées ou esseulées pendant l’épisode du dôme de chaleur. Gabrielle Peters, une analyste des politiques handicapée qui vit dans la pauvreté dans un logement social à Vancouver, a déclaré :
J’ai peur de me trouver dans une situation où je serais en difficulté et incapable de recevoir de l’aide, où une ambulance serait à plusieurs heures de chez moi, et je ne saurais pas quand elle arriverait. J’ai vu ce qu’il s’est passé pendant la vague de chaleur, j’ai lu que des personnes avaient appelé à l’aide et leur proche était mort sous leurs yeux parce que l’ambulance n’était pas arrivée. Pouvez-vous imaginer être cette personne ?...
Je suis déçue que le gouvernement ne soit pas venu pour dire : ‘Nous ne permettrons jamais que cela se reproduise, nous ne serons pas satisfaits tant que nous ne serons pas en mesure d’éviter tous les décès évitables, nous avons tiré les leçons de cela, nous ne laisserons jamais une telle chose se reproduire.’
McArthur, l’homme sans domicile fixe, s’est rendu à Esquimalt, une banlieue de Victoria, pour échapper à la chaleur à Golden, mais la police lui a ordonné de partir :
J’avais peur pour ma vie … J’ai dû quitter le secteur, parce que nous ne pouvions pas trouver d’abri ou de moyen de rafraîchissement ou de remèdes à Golden. Cela m’a mis dans [un] état d’angoisse émotionnelle et de peur, et j’ai dû conduire pendant 12 heures à travers des incendies de forêts pour atteindre la côte, tout cela pour constater … qu’il n’y avait pas de services disponibles pour les personnes sans abri ou handicapées.
Les personnes handicapées et les personnes âgées interrogées ont toutes exprimé un manque général de confiance envers les capacités des services gouvernementaux à répondre à leurs besoins lors des situations d’urgence dues à la chaleur. Des craintes et angoisses préexistantes concernant les recherches d’assistance, dues à des expériences négatives passées avec les systèmes médicaux et sociaux, ont également dissuadé des personnes handicapées de solliciter de l’aide.
Jasmine a déclaré qu’elle était réticente à solliciter des services lors de cette vague de chaleur, car elle avait été hospitalisée contre son gré dans une unité psychiatrique à cause d’une crise de troubles mentaux provoquée par la chaleur lors d’un précédent épisode de canicule, en 2018. Aphrodite Janeway, une femme transgenre handicapée de 35 ans, a déclaré qu’elle était réticente à contacter les services d’urgence car elle craignait d’être internée dans un hôpital psychiatrique et avait peur des contacts avec la police en tant que femme transgenre.
Isolement et solitude
Selon une estimation initiale par la province des décès recensés lors de l’épisode du dôme de chaleur, les décès ont été plus fréquents dans des zones où les gens vivent seuls. Un grand nombre des personnes âgées et des personnes handicapées interrogées vivent seules et ont déclaré qu’elles ne disposaient pas d’un système d’assistance fiable, ce qui leur donne le sentiment d’être socialement isolées.
Des recherches antérieures ont montré que l’isolement social est associé à une plus grande vulnérabilité aux risques présentés par la chaleur excessive, en particulier pour les personnes âgées. La pandémie de Covid-19 a également exacerbé cet isolement. Caune, de Vancouver, a déclaré qu’il avait dû s’isoler à son domicile depuis mars 2020 car il présente un risque élevé de graves complications s’il contractait le Covid-19. « Je n’ai pas vu ma famille, ma sœur et mes nièces, depuis début décembre 2019. » Il a ajouté que la chaleur avait exacerbé sa solitude car il avait le sentiment qu’on l’avait laissé seul face à ce problème.
La plupart des personnes handicapées interrogées ont déclaré que l’habilisme (une forme de discrimination à l’égard des personnes handicapées) et l’ostracisme avaient également joué un rôle dans leur isolement.
« Anne », une veuve de 38 ans handicapée, a déclaré que seule sa mère, qui vit loin d’elle, avait pris de ses nouvelles par téléphone et que la diffusion constante de messages du gouvernement encourageant les citoyens à « s’enquérir de la situation des voisins » ne faisait qu’ajouter à son sentiment d’isolement. « Je me sens oubliée », a-t-elle dit.
Quatre représentants d’organisations basées sur les communautés et qui apportent un soutien à des personnes âgées et à des personnes handicapées, ont déclaré que lorsqu’elles essayent de joindre les gens durant une vague de chaleur, elles ratent celles qui n’ont pas déjà une connexion avec elles, et que davantage de financement était nécessaire pour améliorer leur rayonnement.
Pauvreté
La plupart des personnes interrogées ont déclaré que leur situation économique avait exacerbé l’impact du dôme de chaleur, beaucoup d’entre elles vivant dans des logements sociaux ou des zones habitées par des populations à bas revenus, dans des appartements de taille réduite, où la circulation d’air et la ventilation sont mauvaises. Une personne était sans abri. Les zones habitées par des catégories de population à bas revenus ont souvent moins d’espaces verts et sont moins arborées. Toutes les personnes handicapées interrogées, sauf trois, comptaient sur l’assistance du gouvernement aux handicapés comme unique source de revenus, l’une d’elles, une femme, travaillant à mi-temps dans l’industrie du sexe pour payer ses médicaments.
Environ une personne sur cinq au Canada a un handicap quelconque, ce qui représente un total de 6,2 millions de personnes. Ces personnes sont deux fois plus susceptibles de vivre en-dessous du seuil de pauvreté. Une seule des personnes handicapées interrogées avait un emploi stable.
Les personnes âgées en CB sont 45% plus susceptibles de vivre dans la pauvreté que les personnes âgées vivant dans le reste du pays, selon des données de 2018, et les seniors qui vivent seuls connaissent des taux de pauvreté encore plus élevés.
Le fait de vivre dans des appartements de taille réduite a rendu plus difficile pour les occupants de supporter l’extrême chaleur. Toutes les personnes interrogées sauf une ont indiqué n’avoir qu’une ventilation minimale et pas assez d’espaces verts ou de zones ombragées à proximité de leur immeuble. Dans certains cas, l’étroitesse des fenêtres ou même l’absence de fenêtres qui s’ouvrent complètement ont contribué à l’insuffisance de la circulation d’air ou ont rendu difficile l’installation d’un climatiseur. La plupart ont affirmé qu’elles n’avaient pas les moyens d’acheter ou de faire fonctionner des appareils de refroidissement.
Janeway a affirmé qu’elle n’a été en mesure de se procurer un climatiseur que lorsqu’elle a reçu l’argent du gouvernement fédéral destiné à atténuer les effets du Covid. Avec son partenaire et une co-locataire, elles ont du mal à payer les factures d’électricité.
« L’argent est limité pour quoi que ce soit de luxueux comme un ventilateur performant ou, encore plus, un climatiseur », a affirmé Ember. MaryBeth, 74 ans, a déclaré : « C’est stressant à chaque fois que je dois dépenser de l’argent, vu que je vis avec une petite pension. »
Réponse du gouvernement
Le 23 juin, le gouvernement fédéral a émis des dizaines d’avis de grande chaleur pour la Colombie-Britannique, soulignant que les températures pourraient atteindre 40˚C et que les températures élevées se maintiendraient probablement jusqu’au lendemain, offrant peu de possibilités de répit. Mais le gouvernement provincial a été lent à réagir. Le Premier ministre de la CB, John Horgan, a affirmé que les responsables de la province étaient absorbés par le problème du Covid-19 et ne pensaient pas que la vague de chaleur serait si grave.
Quoique une « situation d’urgence due à la chaleur » ait été déclarée par toutes les autorités régionales en matière de santé en CB à la date du 25 juin, cette alerte est restée interne au système public de santé, et la population n’a pas été informée de cette situation d’urgence. En outre, les Services de santé d’urgence de CB n’ont enclenché leur protocole de réponse d’urgence, qui inclut l’activation d’un centre opérationnel d’urgence pour coordonner la réponse, qu’après que le dôme de chaleur eut commencé à s’estomper.
Même si le dôme de chaleur de juin a battu tous les records de température à travers la CB, il n’était pas tout à fait sans précédent ni imprévisible. En 2009, plus de 100 décès prématurés dûs à une chaleur extrême ont été enregistrés au cours d’une seule semaine à Vancouver, et environ 200 décès en tout à travers la province. Dans sa propre évaluation des risques climatiques en 2019, la province avait signalé les vagues de chaleur comme constituant un risque majeur pour la santé et le bien-être des habitants de la CB et estimait qu’un tel événement se répèterait probablement à des intervalles de 11 à 50 ans.
En l’absence d’une réponse provinciale effective et opportune, les autorités régionales en matière de santé, les municipalités, les Premières Nations et les citoyens de Colombie-Britannique ont dû faire face seuls à des chaleurs record. Certaines municipalités et Premières Nations, en particulier celles qui avaient mis en place des plans d’action face à la chaleur, ont ouvert des centres de rafraîchissement. La ville de Vancouver, par exemple, qui réexamine tous les ans ses directives pour répondre aux vagues de chaleur, a ouvert des centres de rafraîchissement et des stations de brumisation, ajouté des fontaines publiques et distribué de l’eau en bouteilles. Cependant, pour l'essentiel, les directives de la CB mettaient l’accent sur la nécessité d’actions individuelles, conseillant aux habitants de s’hydrater, de rester dans des lieux frais et de s’enquérir de la situation des personnes pouvant être vulnérables.
Des responsables du gouvernement provincial ont déclaré aux médias que leur réponse « n’était pas suffisante pour pouvoir toucher tout le monde » et qu’ils n’ont pas été en mesure de suivre le rythme des innombrables appels sollicitant des services d’urgence.
La plupart des personnes interrogées ont été informées des mises en garde relatives aux pics de chaleur et de la disponibilité de centres de rafraîchissement par des messages sur internet et sur les réseaux sociaux. Mais elles ont estimé que la réponse mise en place n’était pas à la hauteur de leurs besoins. Gabrielle Peters, qui utilise un fauteuil roulant, a déclaré :
Les centres de rafraîchissement sont une solution absolument ridicule à proposer à des personnes qui ont un profil médical complexe. Je suis essoufflée rien qu’en allant aux toilettes. C’est vous dire combien je suis fatiguée et essoufflée quand j’ai trop chaud et que je suis en crise. Comment faire pour y aller [à un centre de rafraîchissement] quand c’est à deux blocs d’un arrêt de bus ?
Ember a exprimé une déception similaire : « Allez-vous vraiment sortir de votre appartement et faire huit blocs ou un mile à pied pour aller dans un centre de rafraîchissement? Les gens que je connais personnellement, ça ne résoudrait pas notre problème, ça nous exposerait à la chaleur du dehors. »
L’absence d’horaires standardisés pour le jour et la nuit a également contribué à un accès restreint. Anita a déclaré : « J’ai regardé les centres de rafraîchissement et ils fermaient tous vers 7h00 du soir et, pendant cette vague de chaleur, il faisait aussi chaud la nuit que pendant la journée, donc j’ai décidé de rester chez moi parce que ça ne valait pas la peine de dépenser l’énergie pour y aller et pour revenir. »
Les personnes interrogées, en particulier celles avec de faibles systèmes immunitaires, ont également déclaré qu’elles n’étaient guère tentées d’aller dans les centres de rafraîchissement car elles craignaient d’y contracter le virus du Covid-19. Certaines ont aussi exprimé la crainte de s’exposer à des allergènes ou à d’autres irritants environnementaux pouvant déclencher ou exacerber des symptômes.
La province de Colombie-Britannique et les municipalités ont fait des efforts pour améliorer leurs réponses aux vagues de chaleur après l’épisode du dôme de chaleur, mais elles ont continué de mettre l’accent sur les centres de rafraîchissement. Le 30 juillet, le gouvernement de CB a annoncé qu’il rembourserait les coûts des centres de rafraîchissement ouverts par les Premières Nations et les municipalités et fournirait des moyens de transport individuels dans les communautés dépourvues de transports publics réguliers. Vancouver et d’autres municipalités ont fait en sorte qu’à l’avenir, les centres de rafraîchissement restent ouverts la nuit.
Bien que les directives de 2017 du Centre de contrôle des maladies de la CB – émises à la suite de la vague de chaleur mortelle de 2009 – soulignait combien il importait d’assurer un accès à de l’air conditionné aux « populations vulnérables vivant dans des logements de qualité inférieure », la province n’a toujours pas fait suite à cette recommandation.
Par contre, l’Autorité sanitaire des Premières Nations, en plus de fournir un soutien aux communautés qui ouvrent des centres de rafraîchissement, ont offert une aide financière à la fourniture d’appareil d’air conditionné, de ventilateurs et de purificateurs d’air aux personnes âgées et à d’autres personnes vulnérables aux effets d’une forte chaleur. La société d’État (« crown corporation ») BC Housing, qui gère des logements sociaux dans la province, a affirmé qu’elle fournirait directement ou financerait des appareils de climatisation pour les parties communes d’immeubles quand la demande émanera de logeurs à but non lucratif, ainsi que des ventilateurs destinés à l’usage des locataires.
Mais Ember, qui vit dans un immeuble géré par une association à but non lucratif, a déclaré que des ventilateurs n’étaient pas suffisants: « La majorité des gens ont un ventilateur mais ce n’est pas ce qui va abaisser la température. J’avais des ventilateurs en marche et la température était quand même de 39 à 40˚C dans mon appartement. » Après avoir fait plusieurs demandes pour obtenir un climatiseur, Ember a pu en obtenir un auprès de son fournisseur de logement à but non lucratif. « Mais je suis juste une occupante, et beaucoup de personnes que je connais n’ont pas autant de chance », a-t-elle dit.
Certaines municipalités se sont engagées à réviser leurs réponses aux vagues de chaleur; d’autres ont cité un manque de ressources comme étant un obstacle à une bonne coordination de la réponse à la chaleur extrême et affirmé qu’elles avaient besoin de davantage de fonds fédéraux destinés à l’adaptation aux changements climatiques.
La Colombie-Britannique a également entamé une révision de la manière dont les ambulances, les personnels paramédicaux et les aiguilleurs des appels sur le numéro 911 répondent aux urgences médicales, et le service de médecine légale de CB a ouvert une enquête sur les décès causés par la chaleur. Le ministre de la Sécurité publique de CB, Mike Farnworth, a déclaré que le gouvernement s’appuierait sur les constats des médecins légistes pour instruire la réponse du gouvernement aux futures vagues de chaleur.
La CB est également en train de développer sa Stratégie de préparation et d’adaptation aux changements climatiques. La stratégie actuelle ne fait pas mention des impacts des vagues de chaleur sur les personnes âgées et les personnes handicapées. La province a entamé des conversations sur les moyens de rendre plus équitables les moyens d’adaptation aux changements climatiques, mais un responsable du ministère de l’Environnement de la CB a reconnu, dans un entretien avec Human Rights Watch, que les personnes handicapées et les personnes âgées n’ont pas été, dans le passé, au centre des efforts de consultation.
Messages à retenir de la part des personnes affectées
Les personnes handicapées et les personnes âgées ont formulé plusieurs recommandations sur les moyens par lesquels elles pourraient être mieux soutenues lors d’épisodes de canicule et sur la manière dont les réponses pourraient être améliorées. Cela inclut l’installation de pompes à chaleur – des systèmes efficaces de chauffage et de refroidissement qui peuvent réduire de manière conséquente les coûts en énergie – dans tous les immeubles sociaux et les appartements bon marché, ainsi que l’amélioration de l’accessibilité de l’information au sujet des vagues de chaleur.
Elles ont recommandé de mettre en place des infrastructures plus durables dans le domaine du logement et d’amender les codes du bâtiment afin d’imposer des normes plus élevées de préparation aux changements climatiques et aux vagues de chaleur, notamment en assurant l’existence de zones ombragées et d’espaces verts; en assurant un accès à des climatiseurs en tant qu’équipements médicaux pour permettre leur distribution à des personnes qui en ont besoin par les systèmes d’assistance aux personnes handicapées de la province; en subventionnant les coûts de l’énergie; en créant un registre pour y inscrire les personnes vulnérables; et en améliorant le système d’appels du 911 pour assurer que les gens aient accès en temps opportun à des soins médicaux d’urgence, entre autres mesures.
Anita a également déclaré que le gouvernement devrait reconnaître le danger, l’intensité et la fréquence des vagues de chaleur et agir pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et recourir aux solutions naturelles en matière de climat, y compris en mettant fin à l’abattage des forêts anciennes et en accroissant les plantations d’arbres. « [Le gouvernement] devrait aussi éliminer progressivement l’utilisation des combustibles fossiles et s’engager vigoureusement dans la transition vers les énergies vertes et renouvelables, et investir dans la formation des travailleurs employés par l’industrie du pétrole et du gaz pour les aider à effectuer leur migration vers les sources d’énergie vertes », a-t-elle dit.
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