(Nyon, Suisse) – Le Comité international olympique (CIO) devrait cesser immédiatement de soutenir la stratégie de dissimulation de la Chine et commencer à faire de la protection des athlètes et de la promotion des droits humains une priorité, a déclaré la Sports & Rights Alliance (SRA) aujourd’hui. Le CIO devrait élaborer un cadre stratégique qui suppose le respect, par les représentants des acteurs impliqués, de règles de conduite strictes, comme le préconisent Rachel Davis et Zeid Ra’ad Al Hussein dans leurs « Recommendations for an IOC Human Rights Strategy » (« recommandations pour une stratégie de promotion des droits humains par le CIO »).
Après des semaines d’inquiétude croissante et de demandes d’informations au sujet de Peng Shuai, joueuse de tennis trois fois qualifiée pour les Jeux olympiques, le CIO a publié un communiqué indiquant que son président, Thomas Bach avait mené avec elle un entretien vidéo d’une demi-heure, et avait pu s’assurer de sa sécurité et de sa bonne santé. Comme l’a toutefois fait observer Human Rights Watch, les autorités chinoises ont continué d’imposer une censure médiatique et d’internet sur cette affaire : ainsi, les termes « tennis » et « Peng » ont été bannis ou restreints.
« La conduite du CIO à l’égard des accusations de d’agression sexuelle portées par Peng Shuai, et de sa disparition, est irresponsable et reflète une perception superficielle des droits humains », a déclaré Andrea Florence, directrice par intérim de la Sport & Rights Alliance. « L’empressement du CIO à ignorer la voix d’une sportive olympique qui pourrait être en danger, et à accréditer les affirmations de médias contrôlés par l’État chinois, démontre que cet organisme devrait adopter d’urgence une stratégie de promotion des droits humains en étroite collaboration avec les parties concernées, de manière à placer la sécurité des athlètes au centre de ses préoccupations. »
Le 2 novembre dernier, Peng Shuai a déclaré sur un réseau social qu’elle avait été agressée sexuellement par Zhang Gaoli, 75 ans, un ancien haut dignitaire du Parti communiste chinois et dirigeant du conseil de l’État chargé de la supervision des préparatifs des Jeux olympiques de Pékin en 2022, et contrainte d’entretenir des relations sexuelles avec lui. La déclaration du CIO ne mentionnait nullement les graves accusations formulées par la joueuse, pas plus qu’elle n’indiquait d’intention d’enquêter ou de prêter une assistance, psychologique ou juridique, à Peng Shuai.
« Le fait de dénoncer publiquement une agression sexuelle, en particulier commise par un personnage aussi puissant, est incroyablement courageux, difficile et susceptible de mettre une personne en danger », a déclaré Ann Rivers-Cochran, directrice exécutive de The Army of Survivors, une organisation fondée, par des personnes ayant survécu à des agressions, après l’échec du système olympique à prendre en charge l’affaire Larry Nassar, un médecin de l’équipe américaine de gymnastique féminine et du comité olympique américain reconnu coupable de pédocriminalité. « Peng Shuai devrait être saluée pour son courage, elle devrait être crue et on devrait lui proposer la meilleure protection possible qui prenne au sérieux ses accusations et sa sécurité, par un soutien psychologique et une enquête centrée sur ses besoins, si elle le souhaite. La réaction du CIO est bien en deçà de ces attentes, ce qui ne fait que confirmer la faiblesse et l’inconséquence de son approche des droits humains. »
Il incombe au CIO, en tant que « propriétaire des Jeux olympiques » et au titre de ses propres engagements en faveur des droits humains et du droit international, de faire une priorité de la sécurité et de la liberté de Peng Shuai, ainsi que des autres athlètes et personnes qui se rendront en Chine dans deux mois pour les Jeux olympiques d’hiver, a souligné la SRA. Cela suppose d’exercer une forte pression sur le gouvernement chinois pour qu’il ouvre une enquête indépendante et transparente sur les accusations de viol portées par Peng Shuai, si elle le souhaite.
Contrairement au CIO, d’autres organismes sportifs, associations de joueurs ou athlètes célèbres ont tiré la sonnette d’alarme et soutenu Peng Shuai. Steve Simon, président et PDG de la Women’s Tennis Association (WTA), qui organise de nombreux tournois en Chine, a publié plusieurs déclarations pour réclamer des preuves authentiques que Peng Shuai est bien sûreté et une enquête complète sur ses allégations. Il a souligné que la relation de la WTA et de la Chine « se trouv[ait] à la croisée des chemins ».
« Steve Simon et la WTA montrent comment une fédération sportive peut se tenir aux côtés des athlètes et promouvoir leurs droits fondamentaux, en privilégiant leurs besoins par rapport à un partenariat très rentable », a commenté Minky Worden, directrice des Initiatives mondiales à Human Rights Watch. « Le CIO devrait suivre l’exemple de la WTA et avertir la Chine qu’il pourrait déplacer les Jeux olympiques de 2022, s’il n’obtient pas de preuve que Peng Shuai et sa famille peuvent parler librement, sans contrainte. »
La situation floue et précaire de Peng Shuai met en lumière la manière dont les partenariats du CIO avec la Chine peuvent compromettre la sécurité et la santé des athlètes. La Sports & Rights Alliance se joint à ses partenaires Human Rights Watch, The Army of Survivors et la World Players Association, ainsi que d’autres groupes de défense des droits humains pour un appel commun au CIO à user de son influence pour assurer la sécurité immédiate de Peng Shuai.
La Sports & Rights Alliance compte les organisations suivantes :
- The Army of Survivors
- Comité pour la protection des journalistes
- Football Supporters Europe
- Human Rights Watch
- Confédération syndicale internationale
- Transparency International Allemagne
- World Players Association, UNI Global Union
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