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Le déni par le ministre français de l’Intérieur des abus policiers contre les migrants va à l’encontre des faits

Le gouvernement devrait renoncer à son approche inhumaine de la migration dans le nord de la France

Gérald Darmanin s'adresse aux policiers au sujet de leur travail dans le domaine de l'immigration irrégulière, le 9 octobre 2021 près de Calais, en France. © 2021 Louis Witter/Le Pictorium/Cover Images/AP Images

Deux jours après la publication, le 7 octobre, d’un rapport de Human Rights Watch documentant le traitement dégradant infligés aux migrants par les autorités françaises dans et autour de Calais, Gérald Darmanin a publiquement réfuté les conclusions du rapport déclarant qu’il s’agissait « manifestement de mensonges ». « Pas un policier et pas un gendarme sur la côte littorale n’a été poursuivi par la justice », a-t-il affirmé, avant de louer « l’humanité » de la police envers les migrants.

Soyons clairs : notre rapport est basé sur plusieurs visites de terrain à Calais et Grande Synthe et leurs environs entre octobre 2020 et juillet 2021. Nous avons mené des entretiens avec 60 personnes migrantes -dont 40 enfants non accompagnés- et des membres d’associations humanitaires et consulté de multiples vidéos, photos, articles de presse et rapports d’autres organisations. Les preuves confirment les faits : les pratiques abusives de la part des autorités et de la police ont non seulement persisté mais se sont intensifiées depuis le démantèlement du vaste camp dit de « la Jungle » à Calais, il y a cinq ans.

Ces abus consistent notamment en un harcèlement policier quasi constant, des expulsions forcées routinières et parfois brutales de campements de fortune, la confiscation et la destruction régulières des tentes, bâches, couvertures et maigres effets personnels, et des obstructions à l’aide humanitaire.

Depuis des années, le Défenseur des droits dénonce une « traque » aux migrants dans le Calaisis, les « traitements dégradants et inhumains » qu’ils subissent, et leur état « d’épuisement physique et mental » qui en résulte. Human Rights Watch et d’autres ont également documenté à maintes reprises le harcèlement policier à l’égard des personnes apportant une aide humanitaire.

Ces abus policiers s’inscrivent dans le cadre plus large d’une politique officielle visant à dissuader les migrants de se rendre et de se regrouper dans le nord de la France en leur rendant la vie la plus misérable possible.

Par ailleurs, l’affirmation du ministre selon laquelle aucun membre des forces de l’ordre intervenant sur le littoral nord n’a été poursuivi en justice est fausse : le tribunal correctionnel de Boulogne-sur-Mer a récemment condamné un CRS pour la violente agression d’un bénévole lors de l’évacuation d’un campement à Calais. Ses propos laissant entendre que l’absence de poursuites prouve l’absence d’abus sont profondément fallacieux : les abus sont commis à l’encontre de personnes sans statut légal, qui tentent de survivre pour atteindre le Royaume-Uni le plus vite possible, et qui seront inévitablement réticentes à porter plainte contre la police.

Plutôt que de nier les faits, Gérald Darmanin devrait renoncer à l’approche de son gouvernement qui non seulement ne dissuade pas les nouvelles arrivées dans le nord ni les dangereuses traversées irrégulières de la Manche, mais surtout inflige des souffrances intolérables. Le résultat de cette politique délibérée est loin de toute humanité.

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