(Beyrouth, le 14 octobre 2021) – Un tribunal koweïtien a condamné une femme transgenre à une peine de prison pour « imitation du sexe opposé » en ligne, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui. La loi sur laquelle ce verdict est fondé viole les droits à la liberté d'expression, à la vie privée et à la non-discrimination, pourtant garanties par la constitution du Koweït ainsi que le droit international. Les autorités devraient immédiatement libérer cette femme transgenre et annuler la condamnation.
Le 3 octobre 2021, le tribunal a condamné Maha al-Mutairi, 40 ans, à deux ans de prison et à une amende de 1 000 dinars koweïtiens (3 315 USD) pour « usage abusif de communications téléphoniques » et « imitation du sexe opposé » en ligne, en vertu des articles 70 et 198 du code pénal. Elle a été arrêtée à plusieurs reprises depuis 2019 pour son identité transgenre, mais la condamnation actuelle est apparemment basée sur ses activités en ligne en 2021.
« La surveillance par le gouvernement koweïtien de Maha al-Mutairi et ses arrestations répétées, suivies de son emprisonnement en raison de son identité trans, constituent une violation flagrante de ses droits fondamentaux », a déclaré Rasha Younes, chercheuse sur les droits des lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres (LGBT) à Human Rights Watch . « Les autorités koweïtiennes devraient immédiatement annuler sa condamnation et lui permettre de vivre en sécurité en tant que femme. »
Maha al-Mutairi a déclaré à Human Rights Watch lors d'un entretien téléphonique le 8 octobre qu'après avoir été informée de sa condamnation, elle s'était cachée. Mais la police l'a arrêtée le 11 octobre à l'hôtel où elle se trouvait. Elle est détenue à la prison centrale du Koweït, une prison pour hommes, dans une cellule d'isolement destinée aux détenus transgenres.
Ibtissam al-Enezi, l'avocate d'al-Mutairi, a déclaré à Human Rights Watch que le tribunal a utilisé les vidéos de Maha al-Mutairi sur les réseaux sociaux comme éléments de preuve pour la condamner. Maha al-Mutairi, qui était maquillée et évoquait son identité transgenre dans les vidéos, était accusée de faire des « avances sexuelles », et de critiquer le gouvernement koweïtien. L’audience d'appel est prévue pour le 31 octobre.
Ibtissam al-Enezi a précisé que les responsables de la prison n'avaient pas maltraité al-Mutairi et que la police lui avait permis d'appeler son avocate. Elle a ajouté que c'était la sixième fois que sa cliente avait été arrêtée en raison de son identité transgenre et qu'elle n'avait pas le droit de voyager à l'extérieur du pays, en raison des précédentes accusations portées contre elle.
Le 5 juin 2020, les autorités ont convoqué al-Mutairi, suspectée d’« imitation de femmes », après qu’elle eut diffusé en ligne une vidéo dans laquelle elle affirmait que la police l'avait violée et battue alors qu'elle était détenue dans une prison pour hommes pendant sept mois en 2019. Cette année-là, elle était également suspectée d’« imitation du sexe opposé ». Le 8 juin 2020, les autorités ont fini par libérer al-Mutairi sous caution le 8 juin 2020, sans l’inculper. Elle a déclaré à Human Rights Watch que la police l'avait maltraitée pendant ces trois jours de détention, notamment en crachant sur elle, en l'insultant et en l'agressant sexuellement en lui touchant les seins.
Une loi koweïtienne de 2007 a modifié l'article 198 du code pénal, criminalisant l’« imitation du sexe opposé ». En vertu de l'article 70 de la loi sur les télécommunications, une personne qui fait un « usage abusif » de communications téléphoniques peut être emprisonnée jusqu'à un an et condamnée à une amende pouvant atteindre 2 000 dinars koweïtiens (7 091 USD).
En 2012, Human Rights Watch a documenté l’impact négatif de l'article 198 sur la vie des femmes transgenres, qui ont signalé de multiples formes d'abus de la part de la police pendant leur détention.
L'Assemblée nationale du Koweït devrait abroger l'amendement de 2007 à l'article 198, et les autorités koweïtiennes devraient enquêter sur toutes les allégations de brutalités policières, y compris les violences sexuelles, a déclaré Human Rights Watch. Les autorités devraient tenir les auteurs d’abus responsables de leurs actes et protéger les personnes transgenres contre le risque de violence. Elles devraient aussi modifier l'article 70 de la loi sur les télécommunications, afin de supprimer la peine de prison prévue pour des cas de diffamation, telle que définie par la loi, mais qui portent sur le droit à la liberté d’expression.
L'article 36 de la constitution du Koweït garantit la liberté d'opinion et d'expression. Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), que le Koweït a ratifié, garantit également le droit à la liberté d'expression. Il est précisé que d’éventuelles restrictions « doivent être interprétées avec précaution », Les lois sur la diffamation ne doivent pas servir, dans la pratique, « à étouffer la liberté d’expression » et éviter « les mesures et les peines excessivement punitives ».
En tant qu'État partie au PIDCP et à la Charte arabe des droits de l'homme, le Koweït est tenu de protéger les droits à la liberté d'opinion et d'expression, y compris pour les personnes transgenres.
Texte complet en anglais : en ligne ici.
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