La nomination de Mike Pompeo au poste de Secrétaire d'État américain et de Gina Haspel à celui de directrice de l'Agence centrale du renseignement (CIA) par le président Donald Trump n'augure rien de bon quant aux engagements américains en matière de respect des droits fondamentaux et de l'État de droit sur la scène nationale et internationale.
L'année dernière, Human Rights Watch s'était opposé à la nomination de Mike Pompeo au poste de directeur de la CIA en partie du fait de son approbation de l'usage de la torture. Il s'avère que ces préoccupations sont toujours d'actualité. Lors de son audition de confirmation, Mike Pompeo a déclaré que le « waterboarding » (simulation de noyade) et autres techniques d'interrogation synonymes de torture étaient interdites en vertu d'une loi de 2015. Or, lors d'une séance écrite de questions complémentaires, il a évoqué la possibilité de réviser la loi si celle-ci se révélait une gêne pour les interrogateurs américains. Dans un discours prononcé en janvier, il a tacitement endossé le recours à des méthodes coercitives, en déclarant que si les agents de la CIA affirmaient avoir « raté une occasion d'obtenir des informations d'un détenu [...], nous allons remuer ciel et terre afin de veiller à ce que cela ne se reproduise plus jamais ».
Gina Haspel aurait dirigé un « site noir » de la CIA en Thaïlande dans le cadre d'un programme américain ayant eu recours à la torture après les attentats du 11 septembre. Elle a ensuite occupé les fonctions de chef de cabinet de José Rodriguez, ancien directeur du Centre antiterroriste de la CIA de 2002 à 2004. Dans le cadre de ces fonctions, elle a été directement impliquée dans le programme de détention et d'interrogatoire notoirement illégal de la CIA. Elle est également directement impliquée dans la destruction de vidéos d'agents de la CIA filmés alors qu'ils étaient en train de torturer des détenus. Au lieu de la nommer aux plus hautes instances, le gouvernement américain devrait enquêter sur les violations passées commises par Gina Haspel.
L'interdiction de la torture est un élément essentiel du régime juridique international sur les droits humains de l'après-Seconde Guerre mondiale dont les États-Unis ont été un acteur majeur. Il est déjà suffisamment regrettable que l'ancien secrétaire d'État Rex Tillerson ait mal géré le Département d'État, démoralisant le personnel, sapant l'engagement multilatéral des États-Unis, embrassant le commerce des armes en faveur de gouvernements commettant des abus répétés, soutenant les restrictions visant les femmes et abordant à peine la question des droits humains.
Désormais, en nommant un secrétaire d'État américain et une directrice de la CIA dont les antécédents avalisent les pratiques abusives, l'administration Trump ne court pas seulement le risque de compromettre la législation américaine sur la torture et les mauvais traitements, mais aussi l'engagement des États-Unis en faveur du système juridique international au sens plus large. Les sénateurs soucieux de protéger l'une ou l'autre de ces questions devraient s'opposer à ces nominations.
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— HRW en français (@hrw_fr) 16 mars 2018