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Des lycéennes dans une salle de classe, dans le sud du Sénégal.   © 2017 Elin Martínez/Human Rights Watch

« Il n’y a rien d’étrange à voir une étudiante s’habiller de manière inappropriée... Certaines filles portent des jupes courtes... elles imitent ce qu’elles voient à la télé. Les garçons et les hommes se comportent mal parfois eux aussi, vous savez ? »

Le proviseur Abdoul, dont j’ai modifié le nom pour protéger sa vie privée, est un jeune chef d’établissement secondaire au Sénégal. Il m’a donné l’impression d’être quelqu’un qui non seulement parlait d’égalité des sexes, mais prenait aussi des mesures concrètes pour s’assurer que les filles réussissent à l’école. Je l’ai rencontré dans une petite ville rurale de la Casamance, une région dans le sud du pays, située entre la Gambie et la Guinée Bissau. Diriger une école secondaire dans cette région n’est pas chose aisée : le mariage des enfants et les grossesses précoces et involontaires affectent chaque année la possibilité qu’ont de nombreuses filles de terminer leurs études secondaires. Le proviseur Abdoul m’a dit qu’il était important de réglementer la façon dont les élèves s’habillaient pour les protéger et garantir l’égalité entre tous les élèves.

Cette année, j’ai parlé à de nombreux enseignants et élèves pour comprendre ce qui se passe dans les écoles du Sénégal. Comme dans de nombreux pays, la violence sexuelle et sexiste contre les femmes et les filles est monnaie courante dans la société sénégalaise. La discrimination fondée sur le sexe est profondément enracinée dans la vie des filles – à la maison, dans la communauté et à l’école.

Bien que le Sénégal ait intensifié ses efforts pour lutter contre la violence sexuelle et sexiste dans les écoles, des formes évidentes et cachées de harcèlement, d’exploitation et d’abus par les enseignants affectent chaque année de nombreuses jeunes filles. Certains enseignants et responsables scolaires ont vivement critiqué les professeurs qui exploitent sexuellement les élèves. Mais certains ont aussi excusé leurs pairs en arguant de la précocité à la fois physique et sexuelle des filles pendant l’adolescence. Certains responsables ont soutenu que les jeunes enseignants pouvaient être troublés par l’accoutrement ou les agissements d’élèves qui se conduisent comme des jeunes femmes. Certains ont estimé que les filles testaient les limites en portant des vêtements serrés ou suggestifs à l’école.

Dans les zones rurales comme urbaines, il est arrivé que des filles rejettent la faute sur leurs camarades de classe quand les professeurs exploitaient leurs élèves ou sortaient avec eux : l’une portait des vêtements serrés, l’autre flirtait avec l’enseignant en allant au tableau, une autre encore  sortait avec un professeur pour obtenir de meilleures notes.

Comme le proviseur Abdoul, de nombreux enseignants et élèves ont préconisé le port de l’uniforme à l’école secondaire pour s’assurer que tous les enfants s’habillent de la même manière et selon des codes vestimentaires plus stricts. Mais entendre les filles s’accuser mutuellement sans faire peser la responsabilité des abus sexuels dans les écoles sur les enseignants m’amène à conclure que les uniformes ne sont qu’une solution de fortune pour lutter contre l’exploitation sexuelle.

Les experts mondiaux estiment que la violence sexuelle et sexiste dans les écoles est un fléau qu’il faut prévenir et auquel il faut impérativement mettre fin.

Dans le cadre de cet effort, tous les gouvernements devraient veiller à ce que les autorités scolaires soient légalement tenues de signaler les abus ou les violences lorsqu’elles se produisent et impliquent des élèves ou des membres du personnel de leurs établissements. Les gouvernements devraient également évaluer le risque de violences et d’abus dans les écoles et, si nécessaire, veiller à ce que les enseignants ou les responsables scolaires qui exploitent la vulnérabilité des filles et abusent sexuellement leurs élèves soient poursuivis. La formation des enseignants devrait réitérer que les abus sexuels, le harcèlement ou les relations sexuelles entre personnel scolaire et élèves ne peuvent jamais être justifiés.

Les adolescentes devraient également être responsabilisées, pour s’assurer qu’elles ne continuent pas à rejeter la faute des abus ou de l’exploitation sexuels dont elles sont victimes sur elles-mêmes ou sur les autres adolescentes, et pour faire en sorte qu’elles aient les outils nécessaires pour identifier les situations d’illégalité. Tous les gouvernements devraient veiller à ce que les écoles enseignent aux élèves la sexualité et la reproduction d’une manière qui réponde aux besoins et aux doutes des adolescentes et des garçons, et pas à ceux du gouvernement.

Pour mettre fin à la violence contre les filles dans les écoles, les gouvernements et les communautés doivent se rappeler que les vêtements que les filles portent à l’école ne justifient jamais l’abus et l’exploitation sexuels de la part des enseignants, des responsables scolaires ou de leurs camarades de classe. Il n’y a tout simplement pas d’excuse à l’exploitation sexuelle et à l’abus des élèves à l’école.

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