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(Nairobi) – Les autorités du Burundi détiennent un activiste des droits humains depuis le 21 novembre 2017, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Elles devraient immédiatement remettre en liberté cet activiste, Nestor Nibitanga, ou l’inculper en retenant contre lui un chef d’accusation crédible. La police a accusé Nibitanga, via un message twitter, d’« atteinte à la sûreté de l’État ».

Nestor Nibitanga. © Privé

Nibitanga a été arrêté à son domicile dans la province de Gitega et emmené au quartier général du Service national de renseignement (SNR) à Bujumbura, la capitale. Human Rights Watch et d’autres organisations ont documenté de nombreux cas de torture de détenus dans ces locaux.

Il a été détenu au secret, sans qu’aucun chef d’accusation ne soit prononcé contre lui et sans accès à sa famille ou à un avocat, jusqu’au 4 décembre, puis transféré dans une prison officielle à Rumonge, au sud de Bujumbura, où il est toujours détenu.

« L’arrestation de Nibitanga n’est que le dernier épisode d’une répression généralisée à l’encontre des activistes des droits humains et des journalistes indépendants au Burundi », a déclaré Ida Sawyer, directrice pour l’Afrique centrale à Human Rights Watch. « Alors que de nombreux activistes et journalistes indépendants du Burundi ont été contraints de s’exiler, l’arrestation de Nibitanga envoie à ceux, peu nombreux, qui ne sont pas partis un signal terrifiant selon lequel c’est à leurs risques et périls qu’ils sont restés. »

Des personnes qui ont été détenues au siège des services de renseignement ont raconté à Human Rights Watch comment elles avaient été illégalement détenues et torturées dans ces locaux au cours de ces dernières années. Elles ont affirmé que des agents du SNR avaient frappé des sympathisants présumés de l’opposition avec des marteaux et des barres d’acier, leur avaient donné des coups dans les jambes à l’aide de pointes d’acier, avaient fait couler sur eux du plastique fondant, avaient attaché les parties génitales des hommes avec des cordes et leur avaient administré des électrochocs.

Nibitanga était l’observateur régional, pour les régions du centre et de l’est du pays, de l’Association pour la protection des droits humains et des personnes détenues (APRODH), l’une des principales organisations de défense des droits humains du Burundi avant son interdiction par le gouvernement en octobre 2016. Son travail comprenait notamment la coordination des équipes et la collecte d’informations sur les violations des droits humains dans quatre provinces : Gitega, Cankuzo, Ruyigi et Karuzi. Il effectuait également des visites de routine dans les centres de détention.

L’arrestation de Nibitanga fait suite à celle de Germain Rukuki, un ancien membre du groupe Action des chrétiens pour l’abolition de la torture au Burundi (ACAT-Burundi), en juillet 2017. ACAT-Burundi a également été fermée en octobre 2016. Rukuki a lui aussi été détenu par le SNR, avant d’être transféré à la prison de Ngozi. Par la suite, il a été accusé d’« atteinte à la sécurité de l’État » et de « rébellion. » Rukuki s’est vu refuser une remise en liberté sous caution et est toujours détenu à la prison de Ngozi, dans l’attente de son procès.

Ces arrestations récentes confirment une tendance du gouvernement à réprimer les opposants politiques, les détracteurs du régime, les journalistes et les défenseurs des droits humains observée depuis le début de 2015, après l’annonce par le président Pierre Nkurunziza de sa décision controversée de briguer un troisième mandat. Depuis lors, la plupart des principaux défenseurs des droits humains burundais et de nombreux journalistes indépendants ont fui le pays par souci de sécurité. En août 2015, Pierre Claver Mbonimpa, le président de l’APRODH, a été blessé par balles au visage et au cou par un agresseur non identifié, alors qu’il se dirigeait en voiture du bureau de l’organisation à son domicile.

Mbonimpa avait été arrêté en mai 2014 et inculpé d’atteinte à la sûreté de l’État, en raison de propos qu’il avait tenus sur les ondes d’une radio. Tombé gravement malade, il avait été remis en liberté provisoire pour raisons médicales, mais les chefs d’accusation retenus contre lui n’avaient pas été abandonnés. 

Des journalistes ont également été punis simplement pour avoir diffusé des informations sur des sujets controversés ou sensibles. Depuis 2015, les autorités ont arrêté de nombreux journalistes et saccagé des salles de rédaction. Jean Bigirimana, qui travaillait pour le journal Iwacu, est porté disparu depuis juillet 2016. Des rumeurs circulent selon lesquelles il aurait été arrêté par des agents des services de renseignement.

Des centaines de personnes ont été enlevées, victimes de disparitions forcées, portées disparues ou retrouvées mortes dans des circonstances mystérieuses au Burundi depuis 2015. Le gouvernement n’enquête que très rarement sur ces affaires. Dans ce climat tendu, en novembre, le cabinet burundais a approuvé des amendements à la constitution qui permettraient au président Nkurunziza de briguer de nouveaux mandats.

En septembre, une Commission d’enquête mandatée par l’ONU a indiqué qu’elle avait des motifs raisonnables de croire que des crimes contre l’humanité avaient été commis au Burundi, notamment des meurtres, des actes de torture, des viols, des emprisonnements illégaux et des persécutions, dans un contexte d’impunité presque totale. En novembre, la Cour pénale internationale a ouvert une enquête sur des crimes commis dans ce pays.

« Le fait que les autorités s’en prennent aux activistes et aux journalistes donne une idée de leur détermination à réduire au silence quiconque oserait s’exprimer publiquement », a affirmé Ida Sawyer. « Les partenaires internationaux du Burundi devraient insister auprès du gouvernement pour qu’il laisse les journalistes et les activistes faire librement leur travail, et qu’il fasse cesser les arrestations illégales et les tortures par les services de renseignement. » 

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